Algérie

Les comiques de la politique



Les comiques de la politique
Ils promettent de faire refleurir le désert, de faire surgir les villes comme des champignons après l'averse, d'organiser la Coupe du monde de football en Algérie, ou de créer des emplois par millions. Le plus sérieusement du monde. Sans rire et sans «smir». Galerie de portraits de candidats plus ou moins givrés.A temps plein, il est marchand de fruits et légumes à Bab El Oued, quartier populaire d'Alger. Bonne pomme et sourire en coin, il vient annoncer au monde son intention de se présenter à l'élection présidentielle. Ayache Hfaïfa se dit artisan. Un noble métier, certes, mais n'est-il pas un tantinet incompatible avec la fonction qu'il brigue '«Et alors ' Jésus était bien charpentier, non ! Cela ne l'a guère empêché de devenir prophète», assène-t-il avec conviction au journaliste qui l'interviewait entre un cageot de courgettes et un monticule de pommes de terre. S'il est vrai que nul n'est prophète en son pays, Président, cela reste encore possible.Le candidat au pantacourtAujourd'hui point n'est besoin d'être un brillant politicien pour rêver de diriger son pays. Salah Souaker, un magasinier originaire de N'gaous, a fait de son pantacourt, avec lequel il pose fièrement sur sa page Facebook, son principal argument. Cet accessoire vestimentaire, il le veut la preuve cinglante qu'on peut s'habiller d'un pantacourt comme monsieur tout le monde et être candidat à l'élection présidentielle. Avouez que c'est un peu... court comme argument mais c'est plutôt original.«Pourquoi ne pas concurrencer l'Allemagne '»Daoud Akkacha, lui, se voit en preux chevalier partant à la conquête du palais d'El Mouradia. La modestie n'étouffe pas non plus cet illustre inconnu : «Mon seul concurrent aujourd'hui est le président Bouteflika lui-même», dit-il d'un geste qui semble inviter toute la classe politique à aller refaire ses classes.La modestie, ce n'est pas non plus chez Djamel Saïdi qu'il faut la chercher.Cet ancien officier de l'armée au physique de catcheur se dit poète, dessinateur, architecte, directeur de journal, président d'un parti politique et d'une flopée d'associations. Si ses amis le comparent volontiers à un bulldozer, c'est avec la force qui caractérise ce gros engin qu'il propose de construire 25 villes dans le Sud algérien. Excusez du peu, mais ce n'est pas tout. Il promet, s'il est élu, de concurrencer la grande Allemagne. Son slogan ' «Pourquoi ne pas concurrencer l'Allemagne '». On raconte que depuis cette tonitruante déclaration, Angela Merkel a du mal à trouver le sommeil.«La providence m'appelle»C'est justement pendant son sommeil que Messaoud Ghouat s'est vu devenir président de la République. «C'est un signe du ciel», s'est-il dit.«La providence m'appelle. Vite ! Mon destin est de diriger ce pays». Il revêt alors son plus beau burnous et pose devant l'emblème national dans une attitude qui singe le ténébreux Boumediene. Son seul regret, cependant, est de n'avoir pas connu le président Liamine Zeroual en 1999. Sinon, il lui aurait demandé de lui confier le pouvoir plutôt que de le remettre à Bouteflika. Jamais de mémoire de chroniqueur politique on a vu autant de candidatures déclarées. Une averse, un déluge, qui fait que cette élection présidentielle ressemble désormais aux dernières élections communales et législatives avec leur cortège de candidats plus ou moins farfelus, loufoques ou carrément givrés.Les réseaux sociaux et les nouvelles télés offrent à tous ces lunatiques leur quart d'heure de gloire. Ennahar TV et Echourouq TV s'arrachent les candidats atypiques et leur déroulent le tapis rouge sur leurs plateaux.Le candidat- rappeurDès que l'on se déclare publiquement candidat, il y a toujours un micro bienveillant qui vous pend aussitôt au nez et un média avide de recueillir votre incomparable programme et vos louables intentions. C'est le cas de Mister AB, rappeur de son état. Confondant visiblement gouvernement et studio d'enregistrement, il annonce son intention de faire du chanteur Houari Manar son premier ministre et de Cheba Dalila sa ministre de la Culture. Ça va chanter gaiement dans les chaumières. Quand une télé tente de l'interviewer sur le principal projet de son «barnamedj», il ânonne péniblement dans un savoureux mélange de français et d'arabe populaire : « Euh... par exemple, condamné à mort. Condamné à mort? ndir condamné à mort. Par exemple, parce que fil waqt hada gaâ nass tkhaf ala rouh'ha?».Les spécialistes du langage qui se sont penchés sur cette fracassante déclaration ont fini par conclure que notre homme voulait sans doute exprimer son intention de rétablir l'application de la peine de mort.Le visionnaire incomprisA ce cirque plus comique que politique, il manquait le maître du genre. Celui-là même qui avait donné ses lettres de noblesse à cette discipline qui tient autant du vaudeville que du one man show et il vient tout juste de faire son entrée sous le chapiteau d'Index TV. L'inénarrable Rabah Benchérif, ce farouche adepte du capitalisme horizontal qui avait tant amusé les Algériens au début des années 1990. Avec quelques cheveux grisonnants en plus, il vient de réinvestir la scène, son éternel projet de mer intérieure sous le bras.En plus de noyer le désert, ce visionnaire incompris veut pomper l'eau de la nappe phréatique du grand Sud et nourrir les Algériens et tous leurs voisins, en créant au passage quelques millions d'emplois et en protégeant la vieille Europe de la montée des eaux? La Toile, comme à son habitude, s'est emparé de ce phénomène médiatique. Au chapitre des blagues très marrantes et des vidéos amusantes, ces nouveaux candidats concurrencent aujourd'hui sérieusement deux grosses vedettes qui font de l'humour à leur corps défendant : Abdelmalek Sellal, Premier ministre, et Cheikh Chemissou, l'imam cathodique. Qu'à cela tienne, à défaut de se faire élire, ils arrivent au moins à nous faire rire.




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