Algérie

Les Cimetières de l'Ouest de Cherchell



A l'ouest de Cherchel, une route moderne, qui sort de la porte de Ténès, se dirige parallèlement à la côte, et, au bout d'un kilomètre environ, franchit un pont jeté sur un petit ravin (El-Kantara). C'était dans cette région, aux abords de la voie qui conduisait à Gunugu, que se trouvaient plusieurs cimetières, correspondant à ceux qui bordaient, de l'autre côté de Césarée, la voie de Tipasa et dlcosium. Les tombes, détruites ou recouvertes de terre, ne sont plus visibles ( On remarque cependant sur la route, à gauche, deux cents mètres avant le pont, le soubassement, orné de moulures, d'un mausolée.). Le commandant Archambeau, qui en a exhumé un très grand nombre dans sa propriété d'El-Kantara, située à gauche de la route, a constitué chez lui une intéressante collection, formée des objets trouvés dans ses fouilles. Les païens avaient, on le sait, l'habitude de déposer auprès de leurs morts tout un mobilier funéraire : vaisselle, vases à boire, fioles à parfums, lampes, objets de parure, instruments de toilette, monnaies. Les poteries, très nombreuses, présentent les formes les plus diverses, plats, écuelles, tasses, brocs, burettes, bouteilles à goulot allongé, etc. Les unes ont été fabriquées à Césarée même : elles sont d'ordinaire d'une terre jaune assez grossière et de formes lourdes. D'autres, légères, gracieuses de contours, recouvertes d'un vernis rouge éclatant, parfois rehaussées d'ornements et de figures, provenaient de fabriques célèbres d'Italie, et elles portent des marques répandues dans tout le monde romain. Les petites lampes, de forme ronde, avec un ou deux becs dans lesquels étaient glissées les mèches, ont été décorées de plantes, d'animaux divers, de personnages : gladiateurs combattant, amoureux; divinités, etc. Les fioles de verre, que l'on trouve rarement intactes, sont d'une finesse et d'une élégance parfaites. Quant aux morts, tantôt on les enterrait, tantôt on les brûlait. On déposait les premiers sous une sorte de toit formé par des tuiles appuyées les unes contre les autres, ou dans une cuve rectangulaire en briques maçonnées, avec un couvercle de larges briques plates, ou bien encore à l'intérieur d'une auge creusée dans une seule pierre. Les enfants recevaient parfois une sépulture originale. On prenait une grande amphore que l'on sciait par le milieu, dans le sens de la longueur : on plaçait le petit corps dans l'une des moitiés, contre laquelle l'autre était ensuite soudée, et, ainsi, ce vase-cercueil paraissait intact. Les restes des morts incinérés étaient enfermés dans des pots en argile ou en verre, qu'abritait soit un cadre de tuiles, soit une sorte de caisson massif en maçonnerie, de forme demi-cylindrique, soit une grosse boîte constituée par un bloc de tuf, en partie évidé, et par un couvercle plein, de même matière. Au-dessus du soi, on dressait souvent des plaques de marbre, ornées d'une image qui était censée représenter le mort, mais qui, généralement, n'était pas un portrait, car on n'avait guère l'habitude de faire fabriquer ces bas-reliefs sur commande ; on se contentait d'aller les choisir dans quelque magasin, rempli d'articles tout confectionnés. Il suffisait d'ajouter au-dessous le nom, la profession, l'âge et, si l'on voulait, l'éloge du défunt avec les regrets de ses héritiers. Il y avait aussi des sépultures de famille ou de corporation, consistant en une ou plusieurs salles ; on y avait ménagé, le long des parois, plusieurs séries de petites niches, qui ressemblaient assez aux ouvertures d'un pigeonnier, et dans lesquelles étaient placés les vases ou les petites boîtes de marbre contenant les cendres. On appelait ces tombeaux des colombaires à cause de la forme des niches. Les gens fortunés se faisaient construire des mausolées, parfois luxueux, et, dans le cas où leurs restes étaient inhumés, on les déposait clans des sarcophages décorés de sculptures.

Plus tard, les chrétiens, dont le nombre augmentait sans cesse, eurent aussi leurs cimetières contre les routes de Gunugu et de Tipasa. Leurs tombes, qui ne renferment pas dé mobilier funéraire et ne contiennent que des corps inhumés, sont en général plus simples que celles des païens. On a cependant trouvé quelques sarcophages où se voit le Christ en Bon Pasteur, avec une brebis sur les épaules ; un autre, découvert dans la région d'El-Kantara, représente l'adoration des Mages et les trois Hébreux dans la fournaise : il est actuellement chez le curé de Cherchel et sera encastré dans le maître autel de la nouvelle église. C'est aussi près de la route de Gouraya, à gauche, à un kilomètre et demi environ de la porte de Ténès, que l'on a reconnu les ruines d'un cimetière chrétien très ancien. Au milieu d'une sorte de jardin, avait été ménagée une aire, longue d'une trentaine de mètres, large de moitié, fermée par des murs assez élevés pour en cacher l'intérieur, et ne présentant qu'une entrée. Elle a servi de lieu de repos : à certains endroits les tombes formaient jusqu'à six étages superposés; elle a servi peut-être aussi de lieu de réunion et de culte pour les fidèles, au temps des persécutions, lorsqu'il leur était défendu de s'assembler ailleurs qu'autour de leurs morts. Une petite chapelle voûtée s'élevait, dit-on, au centre de cet espace. Une inscription, qu'on y a trouvée et qui est aujourd'hui au musée d'Alger, nous apprend que l'Église dut l'aire et la chapelle à la générosité d'un certain Evelpius et qu'en cet endroit était enseveli M. Antonius Julius Severianus. Le nom de ce personnage, qui était sénateur et appartenait par conséquent à la plus haute aristocratie de l'empire, figure aussi sur des listes de martyrs : il mourut pour sa foi à Césarée, en même temps que sa femme Aquila, un 23 janvier : on ignore en quelle année.



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