Algérie

LES CHOSES DE LA VIE À bas l'Algiré ! Vive l'Algérie !


maamarfarah20@yahoo.fr
Des lecteurs réagissent souvent à mes articles sur le Mali ou le football en m'envoyant des courriels qui reflètent leur intérêt pour ces questions d'actualité. C'est tout l'avantage de la réactivité qu'offre internet.
Ainsi, je peux savoir dans les minutes qui suivent la «tombée» du journal sur le web, ce que pensent les lecteurs de tel ou tel aspect de cette actualité brûlante et rapide. Jadis, il fallait attendre que le journal sorte des rotatives, puis, qu'il soit acheminé vers les kiosques ; enfin, que ces kiosques ouvrent pour que le lecteur puisse enfin accéder à l'information contenue dans ce journal. Et ce lecteur, s'il voulait réagir, n'avait qu'un moyen à sa disposition : la poste. Au début des années 80, j'avais tenté une expérience intéressante au sein du quotidien El Moudjahid. A l'époque, je m'occupais de la page «Télévision» du supplément weekend. J'avais lancé une rubrique intitulée «La télé et les jeunes» où j'exposais les avis, doléances et critiques des jeunes téléspectateurs. Très vite, cette rubrique eut un succès foudroyant à tel point que les lettres des lecteurs arrivaient par sacs postaux entiers. Certains parmi vous, qui étaient à l'âge de l'adolescence ou à peine plus âgés, s'en souviennent certainement. C'était la «réactivité» d'une époque où l'électronique et le numérique n'avaient pas pris possession de tout notre environnement et de nos outils de travail et de détente. Le téléphone était bien immobile et dès que nous quittions nos bureaux et nos domiciles, nous devenions injoignables ! Les jeunes d'aujourd'hui trouveraient bizarre cette manière de vivre qui nous allait si bien et qui ne nous posait aucun problème. Nous vivions déconnectés les uns des autres et le téléphone n'avait pas la fonction sociale qu'il occupe aujourd'hui. C'était un moyen de travail avant tout. Venait ensuite son rôle de lien avec la famille et on ne l'utilisait que pour les communications importantes. On ne se racontait pas sa vie au téléphone, comme on le fait maintenant. Aujourd'hui, à minuit dix, c'est-à-dire juste après la tombée du journal sur le web, des lecteurs réagissent. Ils ne sont pas forcément en Algérie car l'internet a permis de mettre nos écrits à une dimension planétaire et ce sont souvent les Algériens vivant en Amérique et en Asie qui réagissent les premiers, décalage horaire oblige. Les locaux ne se manifesteront que le lendemain matin. Nouvelle géographie de lecture. Nouvelle réactivité. Ce lecteur, jadis confiné au seul territoire national où était mis en vente El Moudjahid, vit désormais aux quatre coins du monde et peut accéder au contenu du journal avant même celui qui l'achète à la place du 1er-Mai ! Cette réalité impose une nouvelle manière de concevoir notre métier. L'info en ligne est la dernière née des techniques de fabrication des nouvelles. Elle s'appuie sur la rapidité foudroyante que permet internet mais, en même temps, elle peut être piégée par une mauvaise technique de la communication. Récemment, M. Sellal avait dit, au début de sa conférence de presse, que les terroristes ayant attaqué In Aménas venaient du Nord-Mali. Quelque temps après, il précisera que ce n'était QUE leur lieu de départ et qu'ils sont en fait rentrés par la Libye. C'était déjà trop tard : les sites d'information via internet ainsi que les chaînes TV d'information en direct avaient déjà mis la PREMIERE nouvelle en exergue ! Nos responsables continuent à communiquer comme si nous étions à l'ère du bouclage des quotidiens à minuit, ce qui nous donnait tout le temps de rectifier nos premières informations et de les recouper, de synthétiser les nouvelles et de présenter un «round-up» complet. Ces responsables n'ont pas compris que nous sommes à l'ère de l'information immédiate et c'est d'ailleurs le principal reproche qui leur a été fait lors de la tragédie d'In Aménas : l'absence de communication crée un vide inexplicable et difficilement acceptable dans un monde ayant pris l'habitude de vivre, seconde après seconde, l'actualité mondiale et notamment ses points chauds. Nos dirigeants communiquent toujours en croyant que le journal de 20 heures est la principale source d'information des Algériens et des... étrangers ! Le monde va plus vite. Ceux qui traînent la patte sont les premiers perdants. Il est impardonnable que nous continuions, cinquante ans après l'indépendance et une vingtaine d'années après l'ouverture «démocratique», à vivre sous le joug d'une information centralisée, censurée et vieillotte qui est d'ailleurs contrée par la vivacité des réseaux sociaux et l'aptitude de la jeunesse algérienne à communiquer via les moyens du XXIe siècle. A-t-on compris le message adressé par les jeunes aux éléphants qui nous gouvernent ' L'affaire d'In Aménas a mis en exergue le patriotisme new-look des générations de l'après-FIS et de la «réconciliation nationale». On oublie trop souvent que les animateurs de ces réseaux sociaux étaient en bas âge à l'époque des massacres et des attentats terroristes. Néanmoins, ils furent marqués dans leur chair par les souffrances de leurs proches. Ils ont enfin l'occasion de dire ce qu'ils pensent des agressions terroristes, des carences des civils, de la force et de la bravoure des militaires. On a trop parlé à leur place et leur réveil brutal montre une nouvelle jeunesse qui n'a plus rien à voir avec les gars hébétés et intoxiqués qui répétaient les slogans islamistes dans les rues de la capitale. Les réseaux sociaux signent un patriotisme nouveau, moins guindé, moins marqué idéologiquement. Via Facebook, les jeunes ont rendu hommage à l'ANP, d'une manière inimaginable il y a une dizaine d'années. Leur reconnaissance posthume au général Lamari est un hommage émouvant à la lutte antiterroriste. Dire «vive l'armée»(*) ne renvoie plus au militarisme, mais exprime le respect dû à la seule force organisée du pays, au seul rempart contre les aventuriers qui veulent l'effondrement du pays et son rattachement au califat du Qatar ! Malgré toute la propagande actuelle des sites intégristes et le poids médiatique des officines fomentant les «révolutions... réactionnaires !», ces jeunes choisissent librement le camp de la liberté, de la démocratie et de la modernité. Ils sont du côté de la République et des forces de progrès. Au moment où l'on s'y attendait le moins et où beaucoup croyaient que cette jeunesse ne s'emballait que pour le «patriotisme du ballon», voilà qu'elle nous adresse un message de fierté et d'espoir autrement plus rassurant que les imbécillités folkloriques d'attachement à cet autre pays : l'Algiré ! Quand les sentiments patriotiques vont plus vite, sans dirigisme et sans manipulation, quand ils s'éclatent librement sur la toile, portés par une jeunesse vivante et moderne, il y a de quoi bénir ces instruments du XXIe siècle qui prolongent l'amour de la patrie jusque dans les tripes du web !
M. F.
(*) Des chômeurs sont allés jusqu'à marcher vers le siège du secteur militaire de Ouargla pour remettre une lettre à l'ANP l'exhortant à combattre le «terrorisme bureaucratique».
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