Algérie

Les choix stratégiques de développement de l'énergie solaire en Algérie



Un héros chez lui en Allemagne, il a aussi reçu plusieurs prix prestigieux pour ses contributions dans la mise en place d’organismes internationaux œuvrant dans la promotion des énergies renouvelables partout dans le monde. En particulier, il a soutenu le programme de l’énergie verte présentement en place dans la province de l’Ontario au Canada, le sujet sur lequel je reviendrai un peu plus loin dans cet article. Son livre, ayant pour titre L’Economie Solaire, et publié en 2002, décrit bien comment l’énergie solaire pourrait être utilisée pour remplacer l’énergie fossile comme vecteur énergétique primaire, donnant ainsi naissance à un nouveau secteur économique prometteur. A l’heure où les pouvoirs publics algériens regardent de très près le développement de l’énergie solaire, le parcours du Dr H. Scheer pourrait certainement inspirer un homme politique algérien afin de saisir cette opportunité unique pour le développement d’une économie verte basée surtout sur le solaire et la création d’emplois à fortes valeurs ajoutées. Cet homme politique a donc besoin de développer une vision et une stratégie adaptées aux réalités du pays. L’Algérie n’est pas l’Allemagne, et le contraire est vrai aussi. Chacun de ces deux pays a ses avantages et ses inconvénients. L’Algérie possède un taux d’ensoleillement moyen 2 à 3 fois plus élevé que l’Allemagne. Donc, en principe, le coût de revient de production de l’électricité solaire devrait être moindre d’un même ordre de grandeur.  Cela n’est pas assez, car même à 20-30 DA le kWh, l’électricité solaire reste relativement chère, si on garde bien sûr le modèle de production centralisée cher aux gros producteurs d’électricité actuels. C’est exactement ce qu’il faut éviter et ce que H. Scheer préconisait. C’est quoi alors la bonne stratégie de développement du solaire pour l’Algérie, surtout si on tient compte du retard en termes de savoir-faire, de formation, de qualité de réseau électrique, facteur d’éloignement ainsi que les structures d’export de produits et d’électricité ' Sur la base de ces faits, l’Algérie risque de devenir le pays où sera déversée la surproduction mondiale actuelle en panneaux solaires et machines de production. De prime abord, il faudrait reconnaître que l’erreur que font  beaucoup de nouveaux acteurs, c’est de précipiter les actions et commencer avec des projets de grande envergure. En Ontario par exemple, il y a présentement un back-clash avec un haut niveau de non-satisfaction chez les industriels et les consommateurs, car à part deux ou trois grands projets solaires, les objectifs initiaux sont loin d’être atteints. La même chose en Algérie, après le contrat de 150 MW Solari-gaz, il n’y a pas eu grand-chose. C’est dommage que l’Etat semblait voir grand en commençant grand. Cela m’est arrivé de voir des panneaux solaires en panne dans une ville des Hauts-Plateaux, quelques années après leur installation, faute de personnel formé pour la maintenance. Cela serait encore pire si les milliers de mégawatts promis à travers les initiatives Desertec ou TransGreen venaient à être réalisées, à moins que bien sûr tout sera fait clé en main par des entreprises étrangères, incluant la maintenance de ces centrales solaires. Dans ce cas, l’Etat paierait cher sans aucune valeur ajoutée en retour. Je pense que c’est bien de voir grand, mais il faut commencer petit. En commençant grand, il est difficile de rectifier des erreurs de parcours. De plus, par exemple, le transfert de savoir-faire se fait difficilement vu l’approche clé en main que nécessitent de tels gros projets. L’autre erreur à éviter, c’est d’essayer de copier en totalité les programmes des énergies renouvelables qui existent déjà dans plusieurs pays occidentaux. Même dans leur contexte local, ces programmes ont montré leurs limites.  Comme en Ontario, un des problèmes qui risque de se poser, c’est le manque de main-d’œuvre qualifiée, car les centres de formation ne se sont pas préparés à temps. Par formation, je parle de stages pratiques sur des systèmes réels. Présentement, il y a un manque flagrant de stages pratiques à cause de la faiblesse du monde productif en Algérie. L’Algérie devrait s’inspirer de certains aspects du programme solaire ontarien. En effet, pour pouvoir avoir droit aux subventions tarifaires dans cette province, les promoteurs doivent utiliser au moins 50% des produits et services de l’Ontario. En clair, cela veut dire que les installateurs, les onduleurs et l’encapsulation des panneaux solaires doivent être faits par des entreprises ontariennes en Ontario. A partir de 2012, même les cellules solaires doivent être fabriquées en Ontario. Cette réglementation a eu pour effet que plusieurs entreprises étrangères sont venues s’installer dans cette province ces deux dernières années. Tenant compte de ces facteurs et leçons, j’avais proposé un projet intégré incluant la formation ainsi que la recherche et le développement pour l’exploitation de l’énergie solaire dans la région de Tiaret. Le but, c’est d’utiliser cette ressource localement pour les besoins en électricité, lumière et eau pour la consommation humaine et l’agriculture. Les résultats de cette étude, faite dans la cadre d’un groupe de travail sur les centrales solaires des régions désertiques de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ont été récemment publiés dans un livre de l’AIE. J’avais appelé cette initiative : Elwad (Electricity, Light and Water from the Desert), ce qui veut dire comment monter une base vie dans le Sud sans apport extérieur. Ayant présenté ce travail à un ministère algérien, la seule remarque que j’ai eue des responsables de ce ministère, c’est à propos du nom de l’initiative (Elwad) qui, bien sûr, sonnait moins moderne et shakespearien que Desertec et Transgreen. Pour éviter les suspicions de la population en général et des opérateurs économiques en particulier, le gouvernement devrait engager des consultations avec tous les acteurs locaux avec en tête le ministère de l’Energie et les organismes s’y attachant, le ministère de l’Enseignement supérieur, le ministère de l’Environnement, les wilayas et collectivités locales, les opérateurs privés et le réseau d’experts algériens à l’étranger. Sur ce dernier point, je ne peux pas parler au nom de toutes les associations, mais en tant que président de LECODEV (www.lecodev.com ), notre réseau d’experts pourrait certainement contribuer à la mise en place d’un tel programme. D’ailleurs, lors du dernier colloque algéro-canadien sur le développement durable, organisé à Montréal par LECODEV, ce thème a été débattu. Avec un tel débat ouvert, les acteurs économiques locaux peuvent se positionner, les centres de formation vont mettre les programmes de formations adéquats et les étudiants peuvent faire le bon choix de spécialisation dans l’optique d’un développement rapide de l’industrie solaire en Algérie. Dans le développement d’une telle stratégie, c’est très important de reconnaître les nombreuses options qui se présentent. La question importante que débattent les experts internationaux est liée aux avantages et inconvénients de la transformation de l’énergie solaire en électricité par voie photovoltaïque et thermique. L’auteur de cet article a récemment démontré sur la base de centrales solaires existantes que le photovoltaïque est un meilleur choix du point de vue coût et développement durable et local. Une autre question, qui hante surtout les gestionnaires de réseaux électriques, c’est la taille optimale et la distribution physique de ces centrales solaires. De plus, afin de distribuer la production sur une plage horaire importante, il est préférable de mettre en place des unités de production étalées d’Est en Ouest. Présentement, les programmes solaires favorisent beaucoup le rendement financier, où le producteur préfère injecter toute sa production électrique dans le réseau. Cela va à l’encontre de l’avantage naturel de l’énergie solaire lié à sa distribution territoriale uniforme. Donc, le programme doit inciter à la consommation de la production localement. En plus de la réduction des pertes électriques (se chiffrant autour de 10% de la production), une consommation locale de la production éviterait de rendre le réseau encore plus vulnérable. Cela pourrait sous-entendre un stockage énergétique approprié durant la journée à cause de l’intermittence de l’énergie solaire. Il y a aussi la stratégie en termes de choix technologique dans le cas par exemple du photovoltaïque. En plus de la division entre silicium et couches minces, il y a plusieurs options disponibles rendant le choix stratégique encore plus difficile. C’est un peu dommage de voir Sonelgaz se lancer précipitamment dans la production de panneaux solaires alors qu’aucune stratégie n’est encore arrêtée (du moins pas connue). Malgré sa simplicité, l’énergie solaire présente beaucoup de challenges technologiques et concurrentiels. Les grosses pétrolières (BP, Shell…), par exemple, croyant que l’énergie solaire pourrait être maîtrisée comme le pétrole, ont beaucoup investi dans la production de panneaux solaires il y a plus de 25 ans. Elles se sont toutes retirées de ce secteur à cause de ces challenges spécifiques plus proches de l’industrie microélectronique que pétrolière. En effet, la production des panneaux solaires demande beaucoup de savoir-faire et de spécialisation, comme toute industrie manufacturière. Le choix d’une technologie juste sur la base d’un coût comptable actuel n’est pas forcément la meilleure stratégie. En effet, en plus des nombreux facteurs rendant les calculs de coûts aléatoires, l’importance relative de ces facteurs varie beaucoup en fonction de l’état de développement technologique, la réalité du terrain et d’autres variables. J’ai énuméré plus de deux mille modèles de panneaux solaires photovoltaïques sur le marché. Comme ce fut le cas de l’industrie automobile au début du XXe siècle, l’énergie solaire va subir une forte pression d’intégration dans un avenir proche. En fait, cela a déjà commencé et va avoir comme conséquence la consolidation et l’élimination de plusieurs technologies de fabrication et de modèles. On va peut-être se retrouver avec un nombre de joueurs et de technologies fortement réduits. Donc, si le mauvais choix est fait, on se retrouverait bientôt avec un investissement obsolète. Enfin, l’innovation technologique dans ce secteur doit être soutenue à travers des programmes incitatifs clairs et tangibles. J’insiste sur le terme innovation, à la place de la recherche déjà soutenue par des programmes de recherches existants. Le risque en innovation technologique doit être partagé entre l’Etat et les promoteurs privés. Ces programmes d’innovation doivent être définis dans un cadre précis à mettre en place dans la stratégie de développement de cette nouvelle économie solaire. Ces programmes pourraient faciliter l’établissement des ponts effectifs entre l’université et le monde productif. Par exemple, des fonds spéciaux doivent être dégagés pour financer des projets université-industries venant de l’université, des centres de recherches et des entreprises afin de les aider à optimiser et commercialiser leurs innovations.
L’Algérie pourrait ainsi s’inspirer de programmes existants dans plusieurs pays qui ont déjà démontré leur impact positif. En résumé, les choix stratégiques pour développer la filière énergie solaire en Algérie nécessitent un débat qui impliquerait tous les acteurs, bien sûr sous la houlette  d’un Etat fort, régulateur et bienfaiteur. Après tout, tel que décrit dans le livre d’H. Scheer, on parle plus de la création d’une nouvelle économique multisectorielle que juste d’une petite industrie. La réussite d’une telle initiative dépendra de la contribution constructive de tout le monde. 


 


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