Algérie

Les choix du gouvernement sous le feu des critiques



Dans son intervention à l'Université de Tizi Ouzou, le professeur Yaïci a laissé entendre qu'il y a eu de la précipitation dans le recours à ce mode de financement. Mais pour cet universitaire, ce n'est, bien évidemment, pas le seul problème.Les nombreux spécialistes, qui ont pris part au colloque international de deux jours consacré depuis hier par l'Université de Tizi Ouzou à la question du financement non conventionnel, autrement dit, au recours à la planche à billets, ont été, du moins pour ceux qui ont eu à intervenir lors de la première journée, quasi unanimes à estimer que le gouvernement avait une marge de man?uvre suffisante pour expérimenter d'autres instruments financiers avant de recourir directement au financement non conventionnel.
Cela a été amplement démontré par les professeurs Farid Yaïci de l'Université de Béjaïa et Brahim Guendouzi de l'Université de Tizi Ouzou à l'ouverture de ce colloque intitulé "Le financement non conventionnel en Algérie : origine, impacts et alternatives". Après avoir présenté les éléments de cadrages théoriques nécessaires, le Pr Yaïci a expliqué que le financement non conventionnel a été, certes, déjà expérimenté, sous différentes formes, dans plusieurs pays développés, à commencer par le Japon, le Royaume-Uni, les USA et l'Union européenne, mais que c'était une fois tous les autres instruments de leurs politiques monétaires épuisés et que c'était donc inévitable pour ne pas provoquer une déflation. "A contrario, l'Algérie n'a pas expérimenté les instruments de politique monétaire à sa disposition alors que les taux d'intérêts directeurs de la Banque d'Algérie étaient loin d'être proches de zéro, puisqu'ils étaient de 3 à 4%, et elle disposait d'une marge de man?uvre aussi en termes de taux de réserves obligatoires", a expliqué le professeur Yaïci, laissant ainsi entendre qu'il y a eu de la précipitation dans le recours à ce mode de financement.
Mais pour cet universitaire, ce n'est, bien évidemment, pas le seul problème. "Dans les expériences des pays développés, j'ai parlé des économies qui fonctionnent avec des règles : ce sont des économies de marché qui utilisent déjà traditionnellement des instruments qui ont fait leurs preuves, et quand ils ont atteint leurs limites, ils ont essayé de les repousser un peu plus loin et ça a donné des résultats, mais dans le cas Algérie, ce mode de financement n'a pas été appliqué à une économie conventionnelle qui fonctionne avec des règles du jeu économique", a-t-il décortiqué, soulignant que notre pays n'est ni une économie planifiée ni une économie de marché qui ont leurs règles respectives. "Donc sous prétexte que cette technique a été utilisée par les grands pays, on va l'appliquer ici et on va dire qu'elle va donner des résultats, et ça ce n'est pas un bon argument", a-t-il prévenu.
Pis encore, a ajouté le Pr Yaïci, "cette technique on l'a détournée de son esprit originel, parce que le financement non conventionnel quand il a été appliqué ailleurs, c'était pour relancer la machine économique à travers la relance du crédit et de l'investissement, alors qu'en Algérie, il a été utilisé pour financer le déficit budgétaire, ensuite pour rembourser les prêts antérieurement contractés et qui sont arrivés à terme, pendant que très peu de cet argent a été injecté dans l'investissement". Chiffres à l'appui, l'universitaire démontre encore que même la partie destinée à l'investissement et donc injectée dans le Fonds national d'investissement a servi à financer les programmes AADL qui sont eux mêmes subventionnés. Ainsi donc, selon ce professeur, le financement non conventionnel a permis de payer des salaires, mais, encore une fois de plus, de reporter les problèmes de l'Algérie.
"Au lieu de les traiter à la racine pour avoir une économie qui fonctionne, là on continue dans la fuite en avant en imprimant de la monnaie de singe pour payer des salaires", dit-il, lui pour qui la chute des prix du pétrole n'est pas la cause de la crise économique, mais le révélateur. "Cela parce que nous n'avons pas de modèle économique qui fonctionne suivant des règles économiques, mais plutôt une rente des hydrocarbures qui est utilisée par les politiques pour gagner la paix sociale", a-t-il décortiqué.

Samir LESLOUS


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