Algérie

Les chinois



Les chinois
Ils sont de plus en plus visibles dans notre espace vital. Quand il arrive que quelqu'un leur sourie, ils sont aux anges. Sinon, ils vivent leur horreur de leur solitude sans se plaindre. Ils ne se plaignent pas ' C'est loin d'être évident. Pour entendre leur douleur, il faudra d'abord les écouter. Et pour les écouter, il faudra leur parler. En commençant peut-être par adopter une attitude «normale» sur leur passage. Une attitude qui rompe à la fois avec le regard insistant qui fixe un objet de curiosité et le geste embarrassé de celui qui détourne la tête au passage d'un indésirable. Ils ne rasent pas les murs parce qu'ils sont trop dignes pour ça. Ils sont venus travailler et même en terre inconnue, il n'y a pas plus digne que quelqu'un qui va y travailler. Ils ne sont venus que pour ça, et en matière de travail, ils ont plutôt bonne réputation.La preuve, tout le monde ici reconnaît leur savoir-faire et leur détermination à la tâche. Y compris ceux qui, souvent par ignorance, les couvrent de sarcasmes malveillants. Quand les murs d'une construction «montent» à un rythme respectable et régulier, on ne se pose plus la question, puisqu'on a déjà la réponse : ce sont «eux».Les Algériens avouent même leur confiance quant à l'aboutissement dans les délais de projets de grande utilité publique dont les «chenaouas» ont la charge. Ils sont rassurants sur chantier, dans la rue, dans les transports publics et dans tous les autres espaces collectifs de la vie. On ne leur parle toujours pas mais on a déjà évacué cette grosse ineptie qui consiste à dire qu'ils sont venus prendre «le travail de nos chômeurs». On sait maintenant qu'ils sont venus faire ce que nous ne savons pas faire. Ils sont venus faire ce que nous ne voulons pas faire. Non, ils ne mangent ni nos chiens ni nos chats errants. Ils construisent nos logements, vont au marché et parfois au restaurant.Au marché d'Aïn Benian, un boucher particulièrement astucieux mais horriblement renfermé a cru trouver une idée de génie en affichant ses produits et leurs prix dans la langue chinoise.On veut bien de leur argent mais sans consentir l'effort de leur parler. Dans les restaurants, on a aussi fini par comprendre ce qu'on peut en tirer. Leurs sorties sont espacées, ils ne sont pas de grands «flambeurs» mais ils compensent par le nombre et la régularité. Ils deviennent même rapidement fidèles à des endroits précis. Oh, ils connaissent trop leur condition pour être capricieux. Alors ils s'installent sans faire de chichis, pour un moment de bonheur arraché à un quotidien pas vraiment rose. Ils sont venus travailler. Gagner un peu ou beaucoup plus que le salaire perçu dans leur lointain pays d'origine. Il faut économiser pour le retour qui les guette à tout moment. Comme tous les gens de leur condition, ils vont aussi tirer le maximum d'une chance qui ne se renouvelle pas toujours.Les Algériens qui ont eu à vivre l'expérience sont de plus en plus rares en raison de l'âge et de la mutation des mouvements humains. Ceux qui sont encore là sont trop vieux et trop malades pour comprendre les nouvelles palpitations de la rue, des chantiers, des marchés et des restaurants.Les chinois font de plus partie de notre environnement et nous peinons lamentablement à leur sourire. Sans doute parce que nous sommes nous-mêmes résignés à vivre seuls. Nous aideront-ils à en sortir ' Ils veulent bien. Maintenant, il leur arrive même de caresser affectueusement la crinière de nos enfants quand ils les croisent. Et de se sentir ivres de bonheur quand on leur met une banderole du Mouloudia sur les épaules.laouarisliman@gmail.com




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