Algérie

Les chiffres officiels remis en cause



Les chiffres officiels remis en cause
Dans la première partie d'une étude en phase de finalisation et présentée cette semaine à l'occasion d'une rencontre à Tunis sur la sécurité alimentaire au Maghreb que nous a dévoilée l'expert agricole Sofiane Benadjila, la sonnette d'alarme est tirée sur la crédibilité des chiffres officiels concernant la production et les importations agricoles. Mais aussi sur la stratégie menée dans ce secteur vital.Se basant sur les données officielles et sur celles émanant des différentes études d'observateurs indépendants, d'institutions internationales, l' expert relèvera l'écart criant entre ces chiffres. Des contradictions et des approximations qui suscitent moult inquiétudes et interrogations.«L'effet abrasif des chiffres met à nu la situation de la sécurité alimentaire que les déclarations politiques enrobent dans des discours enchanteurs», résume l'expert, qui, dans le cadre d'une approche analytique, relève de nombreuses anomalies dans les chiffres rendus régulièrement publics sur la production agricole et sur les perspectives à moyen terme. «L'étude tente de percer les écrans utilisés pour dissimuler à la conscience collective une réalité débarrassée de toute subjectivité», expliquera-t-il, notant que même s'il y a lieu de s'alarmer, la situation n'est pas perdue pour autant.Poussée démographiqueL' étude en question fait ressortir que l'Algérie importe le tiers des produits alimentaires destinés à l'Afrique. Pour une population de 40 millions d'habitants, qui représente seulement 3% de la population africaine. Elle importe ainsi 30% des denrées alimentaires, soit pour l'équivalent de 600 millions de personnes, alors qu'en termes de superficie, l'Algérie est le plus grand pays du continent, elle importe 70% de ses besoins alimentaires, alors qu'officiellement, elle en assure 70%. Des besoins sans cesse en croissance avec la poussée démographique qui rend le défi de la sécurité alimentaire de plus en plus difficile à relever. L' expert, qui conteste le chiffre de 35 milliards de dinars de production agricole, ne manque pas d'ailleurs de relever le fossé qui sépare la production des besoins, notamment dans certaines régions où la céréaliculture a fortement reculé.«Cet écart a pris aujourd'hui des proportions jamais égalées. Pour la première fois de leur longue histoire, les populations de ces territoires risquent de s'exposer à une crise alimentaire jamais vécue auparavant, particulièrement le blé comme aliment de référence», prévient M. Benadjila, qui donnera un autre exemple d'un produit largement consommé, la pomme de terre. Rappelant que depuis son arrivée en Europe, ce tubercule a toujours accompagné les plus pauvres, pour souligner que plus il y a de pauvres plus elle est consommée, il notera qu'en Algérie, elle est devenue incontestablement un déterminant majeur du bilan alimentaire du citoyen.«On voit bien qu'au SMIC (18 000 DA), quand la pomme de terre avoisine les 100 DA/kg, pour une famille moyenne de 6.4 personnes, l'achat du tubercule à lui seul dépasse le tiers du salaire, soit 6838,36 DA/mois ! Le moins que l'on puisse dire, est qu'il ne reste plus au ménage une marge pour assurer le pain, le lait, les soins», détaillera notre expert, pour qui il y a lieu «d'essayer de regarder la vérité telle qu'elle est. Et là, je crois qu'il y a urgence, il s'agit d'un problème vital», nous dira-t-il, insistant encore une fois que les chiffres officiels sont «dangereusement trompeurs».«On peut parler de balance du commerce extérieur, alors que les exportations de produits alimentaires donnent une idée du poids de l'économie agricole sur la scène internationale», notera-t-il dans un autre chapitre. «La balance commerciale de l'agriculture peut être tout juste être comparée à l'importation des équipements agricoles (hors semences...). En 2015, les exportations se sont élevées à 234 millions de dollars (sucre compris), pour un achat d'équipements agricoles de 663 millions. En termes clairs, les exportations agricoles n'arrivent même pas à payer les équipements nécessaires à la production !», fera-t-il remarquer. DisproportionUne disproportion qui a, selon M. Benadjali, pour le moins de quoi alarmer. Mais elle permet de cerner le gap et les défis qu'il faudra surmonter pour prétendre consolider la souveraineté alimentaire, plaidant pour une maturité dans la réflexion «qui ne peut être à la portée de ceux qui ont commandité cet état de fait», tiendra-t-il à préciser. Et ce, d'autant prévient-il : «Dans la situation actuelle, aucun signe apparent ne permet de croire à une augmentation des rendements et de la production, bien au contraire, seuls 2% des terres céréalières ont suivi un itinéraire technique en 2014... Comme il n'est pas non plus à l'ordre du jour de résorber les terres en jachère.»Même l' engagement de l'Etat dans les grands projets se fait, selon notre expert, sur des modèles conçus et développés il y a plus de soixante ans. «S'ils sont inadaptés au présent, ils auront toutes les chances de ne pas pouvoir répondre aux besoins de demain. Autrement dit, démarrer avec des modèles qui ont rapidement prouvé (1950-1972) qu'ils ne sont pas soutenables, ce n'est ni plus ni moins que financer volontairement sa propre destruction», expliquera-t-il, plaidant en conclusion pour une dynamique de transition.S. I.


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