Algérie

Les chemins de l?intimité



On donne l?impression de « rentrer au-dedans de soi » pour dire ce qu?on a sur le c?ur, en fait, ce mouvement se veut, la plupart du temps, hautement géométrique : il est vertical ou horizontal, vers Dieu ou vers les hommes. Est-ce à dire que se confesser signifie inévitablement porter âme de malade ? A cette question, la création littéraire se plaît à donner des réponses, différentes les unes des autres, sous forme de mémoires, de confessions, d?autobiographies et d?autres genres, chevauchant sur le dialogue philosophique et la poésie proprement dite. « Je vais montrer un homme dans toute la vérité de sa nature, et cet homme, ce sera moi », dit ostensiblement Jean-Jacques Rousseau,(1712-1778). C?est sa place parmi les hommes qui l?intéresse avant tout, comment la récupérer au mépris de toutes les lois morales de son temps, et comment, surtout, imposer un nouveau style de vie sans danger pour sa vie privée. Saint Augustin, (354-430), en faisant cap vers les hautes sphères, ne fait que révéler son mal métaphysique. Ses Confessions, ce grand échafaudage pour monter toujours plus haut, en disent long sur une nature déchirée entre le terrestre et le divin. Même s?il sort plus ou moins indemne de cette bataille, il y laisse beaucoup de plumes. La preuve, on suit toujours sa trace pour dénicher le pourquoi de son propre conflit avec lui- même, donc, de cette âme si tourmentée même après avoir trouvé le chemin du bonheur. Taha Hussein, (1889-1973), pour qui la littérature arabe classique s?est toujours montrée réticente à l?égard du genre autobiographique, se propose dans Les jours de se livrer à ses lecteurs, mais avec mesure et circonspection. Ses démêlés avec les hommes de lettres et les politiciens de son temps, en sont pour quelque chose dans ses retournements. Jean Paul Sartre a beau s?en prendre à ses grands-parents dans Les mots, sa révolte reste démesurée, et le combat qu?il mène contre sa propre personne n?est justifié que pour son amour pour le monde de l?écriture. Pour avoir écrit, peu de temps avant sa mort, un petit texte intitulé Causerie avec Allah, le dramaturge égyptien, Tawfiq El Hakim, (1898-1987), fut pris à partie par les azharites. Pour ces derniers, il fallut écrire « invocation » plutôt que causerie. Il s?en est suivi une série d?articles dans le journal Al Ahram où il fut sommé de revenir à de bons sentiments à l?égard d?Allah et de la religion. El-Hakim, connu pour son style polémique, devait rappeler à ses détracteurs qu?il n?était qu?une créature cheminant dans la bonne voie, arguant en cela que le Créateur lui-même avait permis à Satan, au début de la création, de dialoguer avec lui. Certes, affirma-t-il en prenant appui sur le Saint Coran, Satan avait dit : « Accorde-moi un délai, jusqu?au jour où ils seront ressuscités. Allah dit : tu es de ceux à qui un délai est accordé ». En somme, cheminer verticalement ou horizontalement exige un grand courage, à la limite de l?imprudence, du fait que le respect de l?intimité, n?importe quelle intimité, sous toutes les latitudes, n?est pas du tout garanti. Il y a toujours quelqu?un ou quelque chose pour gêner cette belle man?uvre de l?âme. Aucune échappée dans l?espace et dans le temps ne passe inaperçue. C?est là peut-être la raison qui fait que la littérature n?est pas toujours un havre de paix.


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