Algérie

Les chargeurs


Les espaces de vente de matériaux de construction sont à nouveau ouverts depuis hier. A Chéraga, sur la route d'Ouled Fayet, il y a un alignement d'entrepôts qui ont pignon sur rue. L'endroit est connu parce qu'on y trouve de tout. Il attire ceux dont les maisons cossues sont en chantier ou en vague projet. Y viennent aussi les transporteurs de marchandises qui guettent leur « course ». Ici, nous ne sommes pas loin de la? mieux que la Suisse. Personne ne se souvient du nom du maire d'Ouled Fayet mais tout le monde se rappelle encore sa légendaire ineptie. Des deux côtés de la route, camions et camionnettes créent un joli bordel à la circulation mais ceux qui passent par là y sont habitués. Parmi eux, il y en a même qui cherchent à se garer, pour faire leurs? courses et ajouter du bordel au bordel. Dans cette foule compacte et affairée de l'ère d'avant le Covid-19, il y avait plus visible que ceux venus en quête de dalle de sol espagnole et ceux qui attendent de transporter leurs achats. Ils sont plus visibles parce qu'ils se font? discrets et silencieux. Ils attendent qu'on leur fasse signe, qu'on leur désigne la marchandise et le véhicule où la charger. Ils ont les yeux fatigués des gens qui ne dorment pas mais attendent la levée du jour. Ils ont des vêtements qui ont oublié l'odeur du savon. Ils ont des bras frêles mais ça se voyait qu'ils pouvaient soulever des montagnes. Ils sont venus de loin, on vient toujours de loin quand on trime pour quelques sous, même quand on habite à côté des entrepôts. On vient de loin mais on vient aussi de très loin. Les ignorants les appellent « les Africains », les savants « les Subsahariens » et les crapules les désignent avec les termes des crapules. Hier, le Premier ministre a décidé qu'on pouvait reprendre la vente des matériaux de construction. De « travaux publics et BTPH, dit le communiqué, histoire de faire compliqué quand on peut faire simple. Alors ceux qui sont venus d'à côté, de loin ou de très loin sont revenus à leur guet. Il y en a peut-être qui ne sont jamais partis. Ils n'avaient déjà pas où se « confiner » en temps normal. Ils ne vont pas s'inventer un gîte pour cause de pandémie, encore moins pour cause de Ramadhan. Alors, ils sont encore là pour attendre qu'on leur fasse signe pour un « chargement », avant de leur remettre un billet comme on glisse la pièce de l'aumône. Hier, il n'y avait pas encore la foule habituelle. La « décision » est encore trop fraîche, Ramadhan est toujours un redoutable ralentisseur mais les ventres creux s'en moquent. Les « chargeurs » sont dispensés de la «polémique ». Ils ne se demandent pas si c'est une « bonne mesure », ils se posent les questions de leurs moyens et de leur condition. C'est pour quand, le prochain chargement 'S. L.
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