Les chacals dorment aussi

L'ouvrage de Thamer El-Hadidi,(1) intitulé Les chacals dorment aussi,(2) est en quelque sorte une mosaïque de cas individuels classés en six parties. Chaque épisode est en fait une nouvelle indépendante, mais le tout peut être considéré comme un roman.La narration s'effectue au travers du prisme d'El-Ali Ibn-Nadhar, de l'opinion qu'il se fait des événements qui l'entourent et qui servent de trame pour développer le sujet. L'auteur s'efforce de nous présenter les habitants de Khartoum avec leurs particularités propres, en caractérisant non seulement ses protagonistes en individus libres, mais aussi dans leur vie sociale.Le personnage «naïf» nommé El-Ali Ibn-Nadhar paraît comme une sommation lancée à la face de la morale de nos jours. Cette naïveté nous rappelle Don Quichotte. Ce héros «naïf» ne mène pas de combat contre les moulins à vent, il s'est concentré sur des hommes et, malheureusement, par des moyens inefficaces. Le résultat d'une telle lutte est donc à peu près nul, car son incidence éthique n'est pas en mesure de transformer le monde.Thamer El-Hadidi n'a pas l'audace d'accompagner son protagoniste lors de sa «prise de conscience». Il ne s'efforce même pas de l'éclairer. Il préfère faire une incursion rétroactive dans son enfance, en exposant au premier plan le personnage de l'oncle Hamdine. Personnage qui obsède El-Ali Ibn-Nadhar depuis sa prime enfance, à cause de sa culture «toute philosophique» qui, toutefois, n'est pas de simple apparence. L'éthique d'El-Ali Ibn-Nadhar y reste cependant inchangée.Quel dommage que l'auteur n'ait pas réussi à faire dépasser à son personnage cette poisse qui lui colle «partout». Pourtant, son écriture y est d'une fraîcheur inhabituelle, renforcée d'une dose d'humour susceptible de ciseler de fins détails réalistes. Le romancier prouve ainsi ses capacités de juger à partir d'un point de vue surélevé. L'impact poétique, rigoureusement réaliste, est singularisé par quelques créations imaginaires grotesques et fabuleuses.