«L'avantage des nuisances est qu'elles poussent les individus jusque dans leurs derniers retranchements» les Catilinaires
Tout le monde avait crié au racisme quand Jacques Chirac, alors président de la République française, évoquait dans le style qui lui était propre «les bruits et les odeurs» inhérents à certains quartiers où vit une majorité d'émigrés. C'était pour marquer les différences de culture entre les indigènes et les autochtones... Il faut habiter un de ces immeubles de la banlieue abandonnée à elle-même pour comprendre les problèmes posés par les nuisances sonores pendant la belle saison qui dure un peu trop longtemps chez nous. Cela commence au petit matin quand les gens pieux sortent de chez eux pour aller faire leur prière du matin à la mosquée: à 4 heures du matin, leurs paroles résonnent dans l'air frais et portent jusque dans les cauchemars des infortunés qui ont cherché longtemps un sommeil réparateur. Parmi ces gens de foi, il y a toujours un vieux dont les bronches ne sont pas en bon état, qui profite de son passage sous ma fenêtre pour racler bruyamment le fond de sa gorge et envoyer un mollard de taille sur le parterre cimenté du seuil de l'immeuble: espace de jeu favori des bambins. Le coq de la villa d'en face met son grain de sel en émettant quelques cocoricos prétentieux. Une poule fière d'avoir mis au monde un oeuf tout frais lui donne vaillamment la réplique. Puis, vient bien après, les pétarades des moteurs usés, les ronronnements prolongés des diesels, le tour des enfants à la voix cristalline de meubler le décor sonore du matin. Il est inutile de parler de ceux qui commencent à faire la course dans les escaliers et à opérer des bonds qui font trembler les murs et vibrer les rampes. Une fois l'école ouverte, c'est la paix, le calme retrouvé... Il ne faut pas se leurrer, la trêve sera de courte durée pour les pauvres retraités qui aspirent à une fin de vie paisible. Après l'heure du manger, voici venir l'heure de la sieste, c'est le moment choisi par certains parents attentionnés pour envoyer leurs enfants jouer sur le seuil toujours ombragé de l'immeuble. Au bout d'un moment, ce sont tous les enfants du quartier qui s'y donnent rendez-vous. Certains jouent à la marelle, d'autres au ballon. C'est alors un concert de cris aigus ponctués par des bruits de ballon qui rebondit contre le mur en béton ou contre le portail. Cela devient vite insupportable. Un vieux se penche à sa fenêtre et lance quelques malédictions contre les parents inconscients qui abandonnent leurs enfants à la rue, à l'heure où même le diable se repose. Une ménagère en profite pour évacuer des eaux usées par le balcon: cela ne décourage pas les diablotins qui se mettent à hurler de plus belle contre le vieil irascible qui a osé protester. Mais le pire de tous les bruits, ce n'est pas celui de la moto qui passe en pétaradant, enfourchée par un adolescent qui veut en mettre plein la vue à sa voisine d'en face, ce ne sont pas les coups de burin donnés contre le mur d'une villa en construction depuis des années et dont les dernières retouches ne sont pas les dernières: le propriétaire doit être un de ces maniaques perfectionnistes...Le pire des bruits, celui qui vrille les oreilles et qui peut transformer le plus calme des pères de famille en misanthrope patenté, c'est cette voix perçante qui, à longueur d'après-midi, entretient un dialogue suivi avec sa génitrice du dernier: à côté du chauffeur de taxi clandestin qui doit se boucher les oreilles pour rattraper son déficit en sommeil. Le dialogue commence par des appels répétés «Mama, mama!». La «mama» met un quart d'heure pour poser son imposante poitrine sur le rebord de la fenêtre. S'ensuit alors un échange d'amabilités entre le rez-de-chaussée et le septième ciel. Les voisins ont beau protester, rien n'y fait. Le père et la mère sont heureux de leur fille dont la voix porte si fort et puis, les voisins ont tous quelque chose à se reprocher: le menuisier du quatrième qui, à onze heures du soir, éprouve le besoin de réparer une commode, les coups de maillet, les bruits de meubles qu'on traîne...Ne parlons pas de la famille qui supporte, tous membres confondus, le MCA. Les jours de matchs, le spectacle sonore se trouve chez eux: chaque action réussie ou avortée est ponctuée par des aah! des ooh! Ou des trépidations du parquet. Tout l'immeuble résonne de l'engouement familial à tel point que ledit appartement est surnommé «le 5-Juillet», c'est dire. Ne parlons pas des niveaux sonores des appareils Hi-Fi. On suit tous le même feuilleton que l'appartement du troisième étage et les scènes de ménage du septième traumatisent les enfants encore rivés à leur poste de télévision. Et pendant le Ramadhan, ces nuisances sont à multiplier par dix.
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Posté Le : 28/08/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Selim M'SILI
Source : www.lexpressiondz.com