Algérie

Les bozaristes toujours dans l'impasse



Les bozaristes toujours dans l'impasse
En grève depuis le 15 mars dernier, El Watan Week-end est allé à la rencontre des étudiants et des anciens enseignants afin de comprendre le malaise qui règne à l'Ecole des beaux-arts d'Alger.Avec son allure de musée recouvert de graffitis, l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Alger (ESBA) semble être enfin entre les mains des artistes. «L'école est sous contrôle», rit une étudiante en 3e année de peinture. Au détour des couloirs et salles de cours, il n'est pas rare de croiser un peintre user de son pinceau pour esquisser son futur chef-d'?uvre ou un photographe, se revendiquant disciple de Guy Debord, mettant en scène sa dernière idée sur une terrasse, au dernier étage du bâtiment, qui possède une vue imprenable sur le port d'Alger. Ici, chacun semble à la recherche de sa propre voie artistique.Pourtant, ce cadre idyllique est temporaire, la réalité est plus laborieuse. L'ESBA n'enseigne que six spécialités, et ce, depuis 30 ans. Il y a les beaux-arts dits «classiques», que sont la peinture et la sculpture, y sont également enseignées la céramique et la calligraphie, viennent enfin le design graphique et le design d'aménagement. Selon Fatima Zahra, étudiante en 4e année design aménagement, immense fan de l'oeuvre de Salvator Dali, «les deux spécialités qui ont le plus de succès sont le design graphique et le design aménagement, ce sont celles qui requièrent les moyennes les plus élevées.»BemolAinsi, l'accent est clairement mis sur ces spécialités, ce que nous confirme Ammar Bouras qui a enseigné pendant 11 ans à l'ESBA : «Lorsque j'ai été contacté cette année pour enseigner à nouveau la photographie, l'administration m'a expliqué que les étudiants en design graphique étaient prioritaires. De mon côté, je crois que cette discipline (la photographie) pourrait être utile à tous les étudiants, et devrait être prioritairement dispensée aux étudiants en arts plastiques.De plus, cette matière n'est abordée que d'un point de vue technique.» Ouvert à tout étudiant ayant son baccalauréat, le concours d'entrer à l'ESBA n'est pas particulièrement sélectif. «Sur plus de 200 personnes qui passent le concours chaque année, environ 100 sont admises», nous affirme Meriem D., étudiante en 2e année, spécialisée en sculpture.Pour autant, les étudiants ne passent pas le concours par dépit. «Nous aimons ce que nous faisons», clame Fatima Zahra. «Il y a peut-être 1% des étudiants de cette école qui ne sont pas à leur place», ajoute-t-elle. «L'enseignement est globalement bon, mais il faut que les professeurs fassent régulièrement des mises à jour, se tiennent au courant des évolutions de l'art en général et les partagent avec leurs étudiants», nous explique Ammar Bouras. «Les étudiants ont le droit d'exiger un savoir de leurs enseignants.Il faut qu'ils soient curieux, qu'ils créent leur propre culture, c'est à partir de là qu'ils pourront développer leur propre sensibilité artistique», un bémol qui va dans le sens des dires de Meriem : «Le niveau général a baissé.» La méthode d'enseignement semble être en cause. «Il n'y a que pour les matières, comme l'histoire de l'art que les rattrapages en fin d'année sont possibles, pour toutes les autres, si on n'a pas la moyenne des deux semestres, on redouble.» Conséquence : «Les étudiants ont tendance à négliger les matières théoriques. Or, ce qui différencie un artiste d'un artisan, ce sont les connaissances théoriques.»HermétismeAlors que l'école est aujourd'hui occupée par les étudiants, ces derniers ainsi que les enseignants s'accordent à déplorer l'hermétisme de l'institution aux acteurs extérieurs. Fatima Zahra se lamente : «Nous n'avons aucun contact avec des professionnels. Pas de possibilité de faire des stages, pas de réseau d'anciens étudiants qui pourraient nous orienter, pas de contact avec les artistes, même algériens.D'ailleurs, la direction interdit à toute personne étrangère à l'école d'entrer dans l'établissement.» Une situation que dénonce également Ammar Bouras : «Le problème c'est que pour inviter un artiste, il faut des autorisations administratives. C'est très contraignant. J'avais des amis photographes algériens et étrangers qui avaient accepté de venir, alors qu'ils n'étaient pas rémunérés ni pris en charge. C'était à chaque fois très difficile. Pour les artistes étrangers, c'est quasiment impossible.Du coup, une lassitude se crée chez les professeurs.» Pas non plus de contact avec le marché du travail pour les étudiants. Les futurs artistes n'ont alors pas d'autre choix que de s'organiser. «Il n'y a pas de marché de l'art en Algérie, tout est à créer.» Infidjart est le mouvement issu des dernières contestations étudiantes. «Nous espérons qu'Infidjart sera le début d'un mouvement artistique qui réveillera l'art algérien», conclut Meriem D.




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