Algérie

« Les blocages sont d'ordre technique » Entretien express avec le colonel Mohamed Salah Derardja, criminologue expert judiciaire



« Les blocages sont d'ordre technique »                                    Entretien express avec le colonel Mohamed Salah Derardja, criminologue expert judiciaire
Chef de bureau au niveau de la Police Judiciaire au commandement de la Gendarmerie nationale, docteur chercheur en criminologie, M. Derardja développe dans cet entretien les aspects majeurs de la corruption qui gangrène et l'économie et le tissu social, les attitudes des victimes, l'absence d'outils permettant aux enquêteurs d'avancer dans les investigations, mais surtout la nécessité d'aller vers une coordination opérationnelle de tous les acteurs impliqués dans cette lutte implacable.
Le colloque a évoqué une problématique, celle de la présence de mécanismes de lutte contre la corruption qui, selon les intervenants, ne sont pas appliqués. A votre avis, y a-t-il des facteurs de blocage qui interfèrent dans les investigations que vous menez '
Les blocages existent. Ils relèvent de la normalisation du texte de loi, mais elles sont d'ordre technique. C'est la spécificité de la corruption qui impose ce blocage. Ce qui nécessite la prise de conscience du légiste pour armer les enquêteurs. Il faut dire qu'on traite la corruption comme un crime ordinaire. Quand on signe une convention, on nous impose tout le contenu et sa substance, ce qui veut dire qu'on nous a imposé une vision.
La police judicaire étant encadrée par la procédure judiciaire et le code pénal et, c'est, à travers l'enquête judiciaire, en tant que mise en forme pénale, que la justice exercera son pouvoir régulateur de remise en ordre de ce que le fait de corruption a tenté d'ébranler. A notre niveau, l'effort a été engagé au-delà des efforts qui existaient depuis des années. Une école de la police judiciaire a été créée, ainsi que l'Institut de criminologie et criminalistique et c'est une démarche « osée », mais préventive, afin de s'adapter à l'après-terrorisme. Ce qui nous préoccupe le plus, en revanche, c'est la corruption implicite qui est un fait social, un acte et pas un phénomène.
Il faut le définir et le situer, parce que la particularité de la corruption est qu'elle porte atteinte aux liens de la société, ce qui nécessite l'urgence d'une étude profonde. Car celle-ci détruit la conscience de la Nation et éloigne les citoyens, notamment les jeunes, des valeurs telles la crédibilité et la confiance en les institutions de l'Etat.
La loi algérienne protège-t-elle les victimes de la corruption et les auteurs de la dénonciation, qui constituent un apport inestimable dans les enquêtes et la preuve matérielle '
C'est l'Etat et le Trésor public qui sont les victimes de ce délit. Les dénonciations sont rares et il n'y a pas de victime directe dans les affaires de corruption. Il faut dire que l'économie nationale est la vraie victime de ce fléau. La façon dont on dénonce n'est pas directe et claire. Dans d'autres législations, le témoin peut aller jusqu'à changer son identité. Pour ce qui est des enquêtes qu'on mène, il y a suffisamment d'investissements, mais il y a une absence de formation, par exemple sur les techniques de l'audition dans ce type d'affaires. Je précise que c'est difficile d'avoir la preuve dans ce genre d'affaires, mais ce n'est pas impossible.
Quels sont les secteurs qui reviennent souvent dans les enquêtes de vos services '
Généralement, c'est le secteur public qui vient en tête. Comme cité dans les interventions, ce sont les collectivités locales, les banques et les postes qui sont les plus touchées.
Y a-t-il une coordination entre les services de la GN, les services de la DGSN et des Douanes, mais aussi les différents organismes de lutte contre la corruption '
Il y a une coopération avec les services des douanes et la police, mais elle s'inscrit dans la phase des enquêtes préliminaires, c'est-à-dire au début des investigations. Aussi, il y a manque en matière de coordination, notamment l'absence d'une cellule de veille qui regroupe des représentants des différents services de sécurité et qui recense les cas de figure divulgués dans les différents secteurs. On peut déclencher une enquête, suite à un soupçon. L'intérêt est de souligner l'importance que révèle l'appréhension pluridisciplinaire pour le législateur.


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