Algérie

Les barons derrière les barreaux



L'année s'achève comme elle avait commencé dans plusieurs tribunaux du pays où les affaires liées à la corruption continuent à peser de tout leur poids.Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Les procès qui se sont ouverts l'année précédente à la même époque sont toujours d'actualité. Il en est ainsi pour la principale affaire, celle du montage automobile, qui avait ouvert l'ère de jugements inédits dans un pays peu habitué à voir de hauts responsables et puissants ministres incarcérés, défiler à longueur de semaine dans des tribunaux.
Les deux anciens chefs de gouvernement et trois ex-ministres ayant occupés la tête de départements stratégiques sont, comme on le sait, appelés à recomparaître une troisième fois, dans cette même affaire. Ils seront rejugés par la cour d'Alger sur décision de la Cour suprême qui a accepté la cassation introduite par la défense des prévenus. Ahmed Ouyahia, Abdelmalek Sellal, Abdelghani Zaâlane, Youcef Yousfi et Mahdjoub Bedda jouent leur dernière carte ici, leur sort sera définitivement fixé par la justice qui pourra alors décider d'alléger les lourdes peines auxquelles ils ont été condamnés (respectivement 15 ans, 12 ans et 5 ans de prison). Abdelghani Zaâlane, ancien ministre des Travaux publics, avait été, lui, acquitté en première et seconde instance, mais il demeure sous le coup du mandat de dépôt prononcé à son encontre dans plusieurs autres affaires.
Le dossier de l'automobile scindé en trois
Ce qu'il faut comprendre est que les cinq anciens ministres cités précédemment, auxquels s'ajoute Abdeslam Bouchouareb (en fuite), constituent, en quelque sorte, le noyau présent dans toutes les affaires entamées durant l'année 2020. Leur comparution fréquente est due au fait qu'ils aient été cités et inculpés dans les trois tranches du dossier du montage automobile. La justice a, en effet, décidé de scinder ce dossier énorme en trois parties, et les mis en cause ont dû donc comparaître avec différents hommes d'affaires : Mohamed Baïri (groupe IVAL), Ahmed Mazouz (GM Trade) et Hassène Arbaoui (KIA), puis avec Mourad Eulmi (Sovac), Mahieddine Tahkout (Suzuki, Cima Motors) et en dernier lieu avec Ali Haddad (ETRHB). Ces cinq ministres ont aussi comparu (cette semaine) dans le procès de l'homme d'affaires Mitidji (Safina), Benfisseh (homme d'affaires originaire de Skikda), et ils sont appelés à comparaître dans une toute dernière affaire, qui se trouve toujours en instruction, celle de l'investisseur Kherbouche. Ce groupe s'est cependant élargi dans l'affaire de Ali Haddad, car celle-là a également entraîné Amar Ghoul, Boudjemaâ Talai, Karim Djoudi et Amara Benyounès, respectivement ministre des Transports, ministre des Finances et ministre de l'Industrie. Ce dernier (Amara Benyounès) a été libéré le 3 novembre dernier après avoir été acquitté au terme d'un jugement en appel qui a abouti à la conclusion que les faits pour lesquels il avait été inculpé ne relevaient pas de ses prérogatives.
Poursuivi pour octroi d'un projet d'édification d'une cimenterie à l'ETRHB, il s'était défendu en rappelant que le volet relatif aux mines avait été soustrait de ses prérogatives lorsqu'il se trouvait en poste, et qu'il avait ensuite été nommé à la tête du ministère du Commerce.
Deux ministres acquittés
Amara Benyounès n'est, cependant, pas la seule ancienne personnalité à avoir été acquittée cette année. Avant lui, Mohamed Djemaï, ex-secrétaire général par intérim du FLN, a été reconnu non coupable dans deux chefs d'inculpation pour lesquels il avait été poursuivi et placé sous mandat de dépôt. La principale affaire concerne des poursuites engagées pour destruction de documents officiels au sein de l'Assemblée, alors que la seconde est liée à une plainte pour diffamation déposée par le chroniqueur arabophone Saïd Bouokba.
D'autres affaires retentissantes ont retenu l'attention durant cette année. La plus célèbre d'entre elles s'est achevée durant cette semaine à la cour de Tipasa qui a jugé en appel Mme Maya, deux ex-ministres et l'ancien responsable de la DGSN. Ce qui a fait que ce dossier ait tant fait parler de lui est que la concernée, de son vrai nom Nechnache Zoulikha, ait été poursuivie pour obtention d'indus avantages auprès de personnalités auxquelles elle s'était présentée comme étant la fille de Abdelaziz Bouteflika. Mohamed Ghazi, ancien ministre du Travail, Abdelghani Zaâlane et Abdelghani Hamel ont confirmé ce fait devant la justice qui a eu également à écouter Mohamed Rougab, ancien conseiller du Président déchu. Trois semaines auparavant, Djamel Ould Abbès et Saïd Barkat, deux ex-ministres de la Solidarité, avaient comparu en appel pour mauvaise gestion. Djamel Ould Abbès a également comparu, en qualité de témoin cependant, durant le procès de son fils Skander, jugé avec Baha Eddine Tliba, dans l'affaire de vente des sièges de député. Durant l'été dernier, le procès Hamel en appel avait, lui aussi, retenu tout particulièrement l'attention. L'ancien patron de la DGSN avait été jugé avec ses deux fils, sa fille et son épouse pour obtention d'indus avantages. Au cours de l'audience, le président du tribunal a énuméré une longue liste de biens immobiliers obtenus de manière irrégulière.
Plusieurs dossiers en instruction
Durant cette année, la justice a finalisé l'instruction de deux dossiers importants qui devraient être programmés en procès au début 2021. Il s'agit de l'affaire de Abdelhamid Melzi, ancien responsable des zones Club-des-Pins et Moretti, et celle de Tayeb Louh, ancien ministre de la Justice. Dans sa chute, le garde des Sceaux a entraîné avec lui plusieurs hauts fonctionnaires du ministère de la Justice, mais aussi l'ancien conseiller du Président déchu. Saïd Bouteflika a été entendu et inculpé par un magistrat instructeur qui l'a auditionné au sein de la prison militaire de Blida, où il est détenu, puis dernièrement au tribunal de Sidi-M'hamed. Mardi, la chambre d'accusation qui avait été saisie par ses avocats a confirmé son inculpation. Les dossiers en instruction ne se limitent, cependant, pas seulement à ces deux affaires. Le nouveau pôle spécialisé mis en place au tribunal de Sidi-M'hamed pour pallier le vide laissé par la suppression de la juridiction de privilège (Cour suprême) croule littéralement sous les dossiers de corruption. Les magistrats instructeurs qui le composent ont déjà prononcé des mandats de dépôt contre quatre personnalités depuis le mois d'août dernier. Il s'agit de Mohamed Bedjaoui, ancien ministre des Affaires étrangères, Houda Feraoun, ancienne ministre des Télécommunications, Djamila Tamazirt, ancienne ministre de l'Industrie, et Abdelkader Ouali, ex-ministre des Travaux publics.
Ils accusent tous Abdelaziz Bouteflika
Le nom de Abdelaziz Bouteflika est revenu très souvent dans les principaux dossiers traités par la justice. Les deux anciens chefs de gouvernement n'ont eu de cesse de répéter que leur rôle s'était très souvent limité à l'application des instructions émanant du Président déchu. C'est également ce qu'ont soutenu plusieurs anciens membres de l'exécutif incarcérés. Amar Ghoul en fait partie. «Je n'ai fait qu'appliquer les ordres du président de la République et du chef du gouvernement», a déclaré ce dernier lors de son audition dans le procès Haddad.
Le jugement de Bouteflika est cependant à écarter, avait affirmé Abdelmadjid Tebboune dans une interview où il expliquait que les ministres inculpés pour corruption étaient comptables de leurs actes. Dans les différents tribunaux d'Alger, ces actes ont été qualifiés comme étant de véritables crimes contre l'économie du pays. Des sommes astronomiques dilapidées ou transférées vers l'étranger ont été dévoilées durant les plaidoiries des représentants du Trésor public.
A. C.


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