Algérie

Les banques algériennes peinent à changer des procédures et des méthodes désuètes



Les comptes devises des particuliers constituent un véritable casse-tête et certaines banques étrangères conseillent discrètement à leurs clients de s'adresser aux établissements publics algériens pour y ouvrir des comptes en devises. Quant aux cartes bancaires, elles restent peu utilisées, à l'exception de certaines niches de clients au profil bien précis.
« Revenez dans une semaine». Au guichet d'une banque publique algérienne, le client est invité à passer commande et à patienter. Motif du retard : il a commandé des devises. Celles-ci ne sont pas disponibles au guichet de l'agence. Même quand il s'agit de sommes minimes, cent dollars par exemple, l'agence doit passer une commande auprès de sa direction. Il faut plusieurs jours pour que les formalités soient accomplies et que la somme demandée soit mise à la disposition du client.
Ces pratiques sont un héritage des années de pénurie, quand l'Algérie, étouffée par la dette, ne disposait pas de devises et ne pouvait en mettre à la disposition de chaque agence bancaire. Depuis, la situation a radicalement changé et le pays devrait passer le cap des 200 milliards de dollars de réserves de change avant la fin de l'année. Mais malgré l'abondance, personne n'a pensé à changer ces pratiques instaurées pendant la période de disette. Elles restent donc en vigueur, provoquant un encombrement inutile des guichets et des lourdeurs qui nuisent gravement à l'image des banques, avec cette absurdité : une agence bancaire ne peut pas honorer un chèque de cent dollars !
La gestion de l'argent déposé sur les comptes en devises de particuliers est également faite de tâtonnements. Le client est tenu de justifier chaque virement qu'il reçoit. Quand l'argent provient de l'étranger, la moitié de la somme perçue est versée au client en dinars et l'autre moitié en devises. Mais ce même client ne peut bénéficier d'une opération de change au taux officiel auprès de sa banque s'il a besoin de devises. Il ne peut percevoir que son allocation annuelle.
Ces approximations ont provoqué une méfiance auprès des banques étrangères installées en Algérie. Pour le besoin de cet article, un client a demandé à ouvrir un compte en devises auprès d'une banque étrangère. Un responsable lui a conseillé de s'adresser à une banque publique algérienne, pour une double raison : d'une part, la gestion des comptes est trop complexe, et non souhaitable auprès de ces banques ; d'autre part, les formalités sont tellement rigides, depuis l'affaire Khalifa, que tout le monde préfère éviter ce genre de procédure.
Cela n'empêche pas que les comptes en devises ont un vrai succès en Algérie, particulièrement depuis que les cartes de paiement en devises ont été introduites. Un banquier explique que ces cartes, qui permettent d'opérer régulièrement des retraits partout dans le monde, ont un énorme succès auprès de certaines catégories de clients, comme les parents qui ont des enfants étudiants à l'étranger. La formule permet de leur verser des sommes de manière régulière, sans aucune formalité administrative, à l'exception du paiement des prestations d'usage.
LES CARTES BANCAIRES RESTENT PEU UTILISEES
Quant aux cartes bancaires utilisables en Algérie, elles restent peu usitées, malgré les affirmations du ministère des Finances et des banquiers. Le nombre de cartes en circulation devrait pourtant frôler les dix millions en 2012, selon l'Association des banques et établissements financiers. Malgré l'explosion de ce chiffre, l'utilisation reste marginale. Un million de cartes fournies par Algérie Poste n'ont même pas été récupérées par leurs titulaires, et la moitié des six millions distribuées ne sont pas utilisées, selon le patron d'Algérie Poste Mohamed Laïd Mahloul.
Cette désaffection du public est d'abord due à l'inefficacité du système mis en place, selon des clients. Distributeurs automatiques en panne, non alimentées, absence de terminaux de paiement et autres difficultés ont terni la réputation du système et détruit la confiance des clients. Rencontré dans une agence bancaire de Kouba, un client raconte qu'il a perdu confiance en sa carte bancaire depuis le jour où il s'est retrouvé «sans argent, la veille de l'Aïd». Un autre, à Zéralda, affirme que sa fréquentation des distributeurs automatiques lui a montré qu'une machine sur deux n'est pas opérationnelle en moyenne.
Un autre client signale les tracasseries qui entourent les cartes bancaires. Le renouvellement demande au moins deux mois. De plus, les banques n'ont pas le même comportement face à des problèmes similaires. Ainsi, une carte bancaire «confisquée» par un distributeur automatique de la Société Générale à la suite d'une erreur de manipulation, a été remise sur le champ à son propriétaire, à Kouba, après un simple contrôle d'identité. A l'inverse, chez BNP Paribas, le client a été contraint de patienter plusieurs jours, et de multiples va-et-vient.
Le détenteur d'une carte d'Algérie Poste reconnaît toutefois que cela lui évite les interminables files d'attente devant les guichets, particulièrement dans les moments de forte affluence. L'usage reste cependant limité tant que les terminaux ne sont pas disponibles dans les commerces. Ce qui constitue une opération complexe dans un pays qui ne sait plus gérer la complexité.




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