Les avocats, un rempart contre une justice aux ordres

S'il y a bien un acquis du soulèvement, c'est le fait qu'il ait permis à la parole de se libérer et aux langues de se délier sans crainte. L'ampleur du mouvement de contestation et de protestation citoyenne née le 22 février a également permis à des corporations de converger autour d'un idéal de liberté jamais revendiqué avec autant de ténacité. S'il y a une corporation qui s'est investie pleinement dans l'accompagnement du mouvement, c'est bel et bien celle des avocats.Cette corporation qui, de tout temps, a défendu le principe de la prééminence de la loi sur les injonctions, les avocats ont toujours défendu le droit de la défense. Auxiliaires de justice proches du justiciable, les avocats ont investi le mouvement populaire dès le début. Grèves et marches, les avocats ont su conjuguer le droit de défense avec les aspirations de la rue qui réclame sans ambages une justice indépendante.
Leur rôle et leur engagement se confirment au fur et à mesure que le mouvement avance. C'est lors des arrestations que les avocats se sont illustrés comme rempart contre la justice aux ordres. Lors des arrestations opérées parmi les porteurs de l'emblème amazigh, parmi les animateurs du mouvement et les personnalités politiques, les avocats se sont montrés dignes en portant presque seuls la responsabilité de défendre les centaines de détenus.
Ils se sont constitués en collectif de défense bénévolement pour montrer que le chemin de la liberté sera long, et pour cela nécessitera sérieux et abnégation. D'Alger à Tlemcen, de Tizi Ouzou à BBA, en passant par Annaba, Sétif jusqu'au Sud, les avocats ont sillonné tous les tribunaux du pays pour défendre la cause, celle des détenus et du mouvement. Ils sont également le trait d'union entre le mouvement et les détenus. Le collectif des avocats "est notre famille", témoignent les détenus libérés, pour dire tout l'engagement de ces citoyennes et citoyens aux côtés du peuple.
Sans citer les dizaines d'avocats engagés pour défendre la cause de la rue et la liberté des détenus, ils sont devenus les héros du soulèvement. L'histoire retiendra que les robes noires composent l'une des corporations qui a pris cause pour le mouvement populaire sans trop chercher à en tirer des dividendes, qu'elles soient pécuniaires ou politiques. Grâce à leur engagement, ils ont montré la voie de la convergence autour de l'idéal de démocratie et de justice.
Les avocats resteront pour longtemps cette corporation qui a su soutenir et accompagner une révolte citoyenne avec une contribution des plus exceptionnelles. Les robes noires ont montré combien la justice est "injuste", combien la défense "ne se défend plus" et comment l'indépendance de l'appareil judiciaire est une nécessité historique pour un pays qui aspire à instaurer une nouvelle république démocratique et un Etat de droit.


Mohamed Mouloudj