Algérie

Les avocats de Oultache : « Il n'y a pas de mobile »



Dans l'assassinat du défunt Ali Tounsi, ancien directeur général de la Sûreté nationale, « il n'y pas de mobile » mais plutôt « des causes » qui ont conduit à la matérialisation de l'acte. Il s'agit là de l'intime conviction des maîtres Belarif et Youcef Dilem, avocats de Chouaïb Oultache, auteur présumé du crime. Les deux avocats reviennent sur « les nombreuses violations » de la procédure qui « entachent » non seulement l'enquête préliminaire menée par les éléments de la BRI, mais également l'instruction judiciaire confiée au tribunal de Bab El Oued, près la cour d'Alger. Dans un long entretien accordé au journal, ils expliquent que certains crimes sont commis sans mobile parce que ce sont les évènements qui en sont à l'origine. « Un simple mot peut provoquer un crime. Ce qui s'est passé entre Oultache et le DGSN, quelques minutes avant l'acte, est la cause de ce dernier. Il n'y a aucun mobile, il n'y a jamais eu de fait avéré à l'encontre d'Oultache », disent-ils. Ils relèvent que ce qui s'est passé est survenu entre deux personnes liées par des relations professionnelles étroites, une courtoisie familiale et le bon voisinage.« La convergence des points de vue entre les deux hommes s'est vite révélée lorsque le défunt a constaté les capacités d'Oultache de donner corps à des projets de la Sûreté nationale, notamment dans le domaine de la modernisation et de la mise en place d'une unité de surveillance aérienne. Mieux, Tounsi a confié à Oultache la mission de mettre sur pied une équipe de cadres capables de prendre en charge ce plan de modernisation. Ce qu'il fit en faisant appel à des compétences internes qui étaient au placard et qui ont pu par la suite s'épanouir. » Au fur et à mesure que le temps passe, ajoutent les avocats, Oultache est sollicité pour tous les aspects liés à cette modernisation, notamment dans le domaine de l'informatique et de la télésurveillance, où le niveau se révélait notoire. « Ce qui a suscité des interférences internes à l'institution surtout de la part de ceux qui se sentaient dépassés.Commencent alors les plus folles rumeurs sur la commission des marchés que présidait Oultache, selon lesquelles il y aurait eu de la corruption. Pourtant, les rôles et les prérogatives de chacun étaient bien définis. En fait, la commission que présidait Oultache avait pour mission d'identifier les besoins opérationnels et fonctionnels, la recherche de solution, l'élaboration des termes de référence, la spécification technique et la confection du cahier des charges. Une fois toutes ces missions accomplies, le dossier est remis à la direction de l'administration générale pour élaborer et lancer l'avis d'appel d'offres, recevoir les soumissions et les ouvrir en présence d'un huissier de justice. Celles qui sont retenues sont par la suite transmises à la commission présidée par Oultache pour évaluer l'offre technique. Il est important de préciser que cette commission est composée des représentants de toutes les directions concernées par le projet. Une fois l'offre technique acceptée, elle donne lieu à l'ouverture des plis financiers, classés selon un tableau comparatif des offres transmis à la DAG, qui convoque les soumissionnaires pour négociation ».En fait, l'élaboration du contrat et sa signature relèvent de la DAG. Oultache n'avait pas de délégation de signature. Mieux encore, « dans un souci de transparence », Oultache filmait et enregistrait tous les travaux de la commission. Une procédure qui « dérangeait » de nombreuses personnes à l'intérieur de l'institution. Les rumeurs sur les prétendus dépassements, révèlent les deux avocats, ont fini par instaurer un climat de malaise et de tension au sein de l'équipe. « Des accusations ont été portées contre Oultache à propos d'un marché qu'il aurait donné à une société d'informatique, ABM, dans laquelle est actionnaire son gendre. Accusations parvenues à Tounsi, qui instruit l'Inspection générale des services (IGS) pour ouvrir une enquête. Juste avant, le DGSN avait demandé à Oultache le bilan de toutes les activités de la commission et de l'unité aérienne, dont le rapport devait être remis au plus tard le 25 février, soit deux semaines après. Lui et son équipe travaillaient jour et nuit, mais à la date du 24 au soir, ils n'avaient pas encore finalisé le rapport. Il demande à ses coéquipiers de rentrer chez eux, leur disant qu'il allait, lors de la réunion prévue avec le défunt et l'ensemble des directeurs centraux de la Sûreté nationale, demander un délai supplémentaire pour achever le bilan. » Le jeudi 25 février, Oultache se rend au siège de la DGSN dans l'idée d'une demande de report de l'examen du bilan de ses activités.Lorsqu'il arrive au secrétariat, il remarque que de nombreux directeurs centraux (le directeur de la Police des frontières, l'inspecteur général, le directeur de la police judiciaire, le directeur des écoles, le directeur de la communication, le directeur des moyens techniques, le directeur de l'administration générale, le chef de la sûreté de wilaya d'Alger et les membres de la commission des marchés) étaient déjà dans la salle de conférence ou faisaient le va-et-vient entre celle-ci et le secrétariat du défunt. Oultache demande à être reçu par le DGSN avant la réunion, mais le secrétaire le fait patienter du fait que le chef de cabinet, qui attendait, avait demandé à être reçu avant lui. Il sollicite le chef de cabinet pour dire au DGSN qu'il veut à tout prix le voir. Peu après, le secrétaire lui fait signe d'entrer au bureau de Tounsi.Contradiction des témoins Les déclarations des quatre gardes du corps du défunt devant le juge laissent perplexe tant elles sont marquées par des contradictions flagrantes. L'un des deux policiers du premier binôme déclare avoir entendu du bruit dans le bureau du DGSN et, quelques minutes après, il a vu Oultache traverser le couloir en tenant une arme dans la main et en vociférant des menaces et des insultes. Il a tiré une balle puis il est retourné au bureau du défunt où il s'est enfermé. « Nous avons cassé la porte d'entrée et l'avons sommé de jeter son pistolet, mais lui a tiré une deuxième balle. Nous avons réussi à le désarmer après l'avoir maîtrisé. » La même version est racontée par son binôme, sauf que ce dernier déclare avoir attendu les officiers de la police judiciaire pour intervenir et ouvrir la porte du bureau. Les deux autres policiers apportent une tout autre thèse. Selon l'un deux, ce sont les éléments de la police judiciaire qui ont désarmé Oultache, sans pour autant se rappeler comment la porte du bureau a été ouverte. Le deuxième, par contre, est formel : elle a été cassée. Or l'expertise a montré qu'il n'y avait aucune trace de violence ni sur la serrure ni sur la porte. Le chef de la sûreté de wilaya et le DAG affirment avoir eux-mêmes maîtrisé Oultache pour le désarmer, alors que ce dernier déclare que les deux cadres ont pris la fuite et que lui est retourné dans le bureau du DGSN et s'est affaissé sur un fauteuil. Il était presque évanoui lorsque les policiers sont rentrés dans le bureau, sans aucune difficulté. Entre les propos des uns et des autres, la vérité est ailleurs'..


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