Algérie

"Les autres vivent ce que Les Algériens ont vécu en 1990"




- Votre rôle dans le film Cheba Louisa de Françoise Charpiat est attendrissant. Comment vous êtes-vous préparée pour ce rôle ' Un rôle contre-emploi par rapport à votre filmographie?Oui, exactement ! Puisque moi je joue quand même des rôles sombres ou dans des films un peu intellectuels, ou des choses assez graves. Et là, même si le personnage est un peu sévère au début, c'est un personnage qui va vers la lumière. Et cela, c'est agréable parce que quand on est comédienne, on est un peu toujours tributaire du désir des autres.Il se trouve que les gens ne me perçoivent pas telle que je suis dans la vie. On ne s'imagine pas que dans la vie j'aime rire, chanter, que je puisse être légère. Et donc, du coup, j'étais contente enfin que je puisse faire un film qui ressemble un peu plus à ce que je suis. Et puis, par rapport à la préparation, pour moi cela était surtout le chant, en fait.- C'est vous qui chantez, vous n'êtes pas «doublée», ce n'est pas du play-back 'Oui, tout ! c'est moi qui chante.- On sait qu'avant vous avez fait un album?Là, c'est un autre exercice de style?Exactement ! En fait, le travail que j'ai dû faire c'est vraiment de faire en sorte de montrer une différence entre la grand-mère et sa façon d'aborder le chant, et Djamila aujourd'hui. Donc, cela a été vraiment le gros de mon travail.- Avez-vous écouté des chansons anciennes de raï pour vous en inspirer 'Exactement ! J'ai écouté Fattouma et même Cheikha Rimitti. Ce sont des femmes qui ont quand même bercé mon enfance. Et puis, ça fait partie de mon patrimoine génétique (rire).- Dans votre «ADN» 'Absolument ! Pour vous donner un exemple, la réalisatrice était «hyper» inquiète. Alors, quand elle m'a vu chanter, elle était rassurée. Mais là, elle me dit : «Par contre, pour la danse, pour Cheba Louisa, je pense que ce serait bien que tu aies un coach?». Je me suis sentie insultée. Je lui ai dit : «Comment ' Toi tu vas me présenter une Française, qui va me montrer comment danser ' Tu sais, c'est dans notre patrimoine génétique !» (rire). Depuis que je suis toute petite, je baigne dans ça.Moi, je suis issue d'une famille très joyeuse. Il y a plein de mariages comme chez tous les Algériens et les Maghrébins (rire). Donc, voilà, cela fait partie de mon histoire. Je n'ai pas besoin de quelqu'un qui me montre cela («Si un jour tu fais un film sur la danse classique ou le flamenco, tu peux me mettre qui tu veux, mais pas là»).- Vous avez formé un beau duo avec l'actrice Isabelle Carré. Une telle alchimie...Mais oui ! Parce que moi et Isabelle on s'était croisées très brièvement sur un film de Claire Simon qui s'intitule Les bureaux de Dieu. Et avec Isabelle, on rêve depuis très longtemps de travailler ensemble. Parce que nous avons la même façon de travailler. On se ressemble dans notre rapport au cinéma, dans notre vie de femme aussi. Et donc, du coup, il y a eu une complicité qui a été immédiate avec Isabelle (Carré).- A travers ce film, vous démentez et «démontez» les clichés et autres caricatures portant sur les Français d'origine maghrébine comme la polémique sur le port du voile en France?Absolument ! Moi, je ne supporte pas, limite il faut devoir se justifier d'aimer son pays d'origine. Enfin, c'est quand même hallucinant, quoi ! Mais de quel droit ' Et puis, il y a plein de trucs en France qui m'agacent. Qui tout d'un coup on va se fixer sur : «Ah ben lui, il n'a pas chanté La Marseillaise en équipe de France de football. Benzema (Karim) n'a pas chanté La Marseillaise, cela veut dire qu'il n'aime pas?» On est en train de devenir alors totalement fou, quoi !Et de stigmatiser une partie de la société en leur disant : «Non, il faut être plus blanc que blanc.» Alors, si on a des enfants, alors il faut les appeler Alexandre et Stéphane. Et, tout d'un coup, faire table rase de tout notre passé. Et non, quoi ! Il n'y a pas de raisons. Comme je le dis toujours, je suis française mais je suis aussi algérienne. Qu'on le veuille ou non ! Et puis, vraiment, je le vois dans mon entourage, que ce soit chez des hommes ou les femmes, des amis que j'ai et qui sont d'origine algérienne et qui sont donc Algériens eux aussi. Je les vois évoluer dans des métiers super intéressants.Moi, l'un de mes meilleurs amis, Kamel Mennour, est l'un des plus grands galéristes au monde. C'est lui qui représente Anish Kapoor, les plus grands plasticiens contemporains. Quand j'étais sous contrat avec l'Oréal, c'est Youcef Nabi, un Algérien, qui m'a engagée. Enfin, il y a plein de gens, des femmes et des hommes, qui ne sont pas ce qu'on veut bien nous montrer.- Ce film est une lueur d'espoir?Oui ! Et pour dire aussi à nous, des gens comme moi qui sommes nés en France et qui avons un héritage : «Eh bien, on n'a pas à choisir ! Et qu'on n'a pas à avoir honte de ce qu'on est».- On espère vous revoir en Algérie pour un nouveau film après celui de Djamila Sahraoui, Barakat?Je suis très contente parce que je vais revenir tourner en Algérie bientôt incha Allah, avec un film produit par Michelle Gavras, la femme de Costa Gavras et réalisé par Salem Brahimi (Abdelkader). C'est l'adaptation d'un roman d'Arezki Mellal intitulé Maintenant, ils peuvent venir publié chez Actes Sud. Une histoire qui se passe durant les années de terrorisme (en Algérie). Et qui est un roman extraordinaire. Et c'est un très très beau scénario !Au départ, je me suis dit : «Oh, un truc sur le terrorisme et tout...». Sauf que nous les Algériens, ce que nous avons vécu pendant les années 1990, tous sont en train de le vivre aujourd'hui. Et quand on France on nous dit : «Et le printemps arabe, l'Algérie va faire le sien». Mais quel printemps arabe ' Nous, cela fait longtemps que nous sommes passés par là déjà. Et je trouve que c'est hyper intéressant de reparler de cette période. Parce que cela met plus en exergue ce qui peut se passer aujourd'hui en Egypte, en Tunisie, en Libye ou dans de nombreux pays arabes.




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