Algérie

Les atouts de la finance islamique



L'existence de banques islamiques sur le marché algérien exigerait des changements fondamentaux dans la loi sur la monnaie et le crédit, le code du commerce et la réglementation fiscale.

Ceci est une affirmation de Lachemi Siagh, président de Strategica, lors de la seconde édition du forum algérien sur la finance islamique (FI) organisé, hier, par le bureau de consulting Isla Invest à l'hôtel Sheraton d'Alger sous le thème «Finance islamique en Algérie, un marché en plein essor». Lachemi Siagh commencera par rappeler les causes qui ont provoqué la crise financière internationale entre subprime, spéculation des traders, défaillance des mécanismes de régulation et opacité en matière de gouvernance et les raisons qui ont fait que les banques islamiques y ont échappé. «Ceci n'est pas pour faire le parallèle entre la finance islamique qui n'existe que depuis 30 ans, et donc à l'état embryonnaire, et la finance classique qui, elle, connaît des effets d'accumulation importants», précise-t-il.

 Le monde compte, selon lui, à peine 300 banques islamiques comptabilisant 700 milliards d'actifs «alors que la Deutsche Bank compte à elle seule en compte 2,3 milliards de dollars».

 Il fait remarquer que pour la finance islamique, «il y a des clichés sans en connaître véritablement le fonctionnement. Alors on dit que c'est de l'arnaque, du maquillage, ce n'est pas vrai !». En FI, dit-il, «la conception du tout produit doit exclure l'intérêt, or sans intérêt, il n'y a pas d'intermédiation bancaire». L'intérêt étant «le véritable moteur de l'activité financière». Seulement entre les deux systèmes, classique et islamique, il existe selon lui «une différence fondamentale de paradigme». Le conférencier base son explication du paradigme de la finance islamique sur deux faits importants à savoir que «la crise financière qui a frappé de plein fouet la finance conventionnelle ou classique est, reprenant Aristote, le résultat d'actes de bâtardise». Notamment au temps de Bush où «les mécanismes de régulation ont été le laisser-aller et le laisser-faire». Et que «toutes les religions interdisent l'intérêt». La finance conventionnelle a pris forme sur la base de l'intérêt, lorsque, dit-il, les Occidentaux ont accepté de faire comme les Juifs qui, eux, sont les premiers à l'avoir pratiqué.

«C'est un itihad»

 Ses précisons: la doctrine économique islamique, elle, par contre, rejette toute forme de spéculation ou Gharar qui est un élément d'incertitude en terme de délai, d'objectif ou de lieu dans lequel il se produit. L'asymétrie de l'information donne un déséquilibre dans le contact. «C'est pour cela que les actifs toxiques ou produits dérivés n'ont pas contaminé la finance islamique», dit Siagh. Il indique que la FI oblige à une pratique du filtrage par l'investisseur «par son exclusion de plusieurs domaines d'activité (jeux du hasard, alcools, pornographie...)». Le ratio d'endettement ne doit jamais dépasser 33%. Ceci est «une convention des docteurs de la loi, c'est un Ijtihad». Obligation faite de la purification des revenus, «5 à 7% des dividendes reçus doivent être donnés à des oeuvres de charité». «Si les banques classiques acquièrent leur part de marché par des rendements sur la base de fonds investis et des bénéfices par action, la finance islamique respecte la charia et les normes fiduciaires et prend à coeur les intérêts de ses clients.»

 Siagh soutient ses explications par l'autre obligation de fond «plaire à Dieu en travaillant fort, produire et utiliser rationnellement les ressources que Dieu met à la disposition de l'homme, son vice-régent sur terre». La FI établit ainsi «des règles prudentielles, de transparence et réglementaires spécifiques et adaptées à son industrie bancaire. C'est, selon lui, un système qui a été mis en oeuvre en premier par la banques de Bahreïn, de Djeddah et de Malaisie et qui réduit l'incertitude et rend la FI acceptable par l'Occident.» C'est une industrie qui a dépassé, dit-il, 1.000 milliards de dollars.

Le double système de la finance islamique

 La finance classique fonctionne selon le modèle de l'assemblée générale et du conseil d'administration alors que la FI a un double système à savoir un conseil d'administration représentant les actionnaires et un comité charia qui jouit d'un pouvoir moral, d'une grande indépendance vis-à-vis des organes dirigeants. Il a pour mission d'assurer la conformité des transactions entre autres et la recherche de la wassatia, cas de fetwa sur les sukuks, une sorte d'obligations pour des opérations commerciales avec un objectif économique et sans intérêt virtuel. Ce qui confère, dit Siagh, la légitimité aux opérations bancaires. Entre autres questions qui lui ont été posées, les raisons qui ont fait que l'Algérie n'a pas été touchée par la crise. «Parce qu'à la Banque d'Algérie, le compte capital est fermé», a-t-il répondu.

 Le directeur central de la banque Al Baraka fait savoir que «Al Baraka est née en 1991 avec des capitaux mixtes (50-50) saoudiens et publics (BADR)». «C'est la 1ère banque islamique en Algérie. Et ce n'est qu'en 2008 que Salama Bank est venue», a indiqué Nacer Hideur. Il rappelle aussi qu'il existe en parallèle des banques privées qui ont ouvert des services de finances islamiques. «C'est le cas de Housing ou d'AGB qui n'a pas ouvert de département dédié à la FI mais a des services à la demande des clients», a-t-il fait remarquer. Pour lui, «ça pose un problème de conformité mais c'est une bonne initiative». Hideur affirme que «le CPA a commencé à mettre en place les instruments pour la FI». Il rappelle que «les débuts d'Al Baraka ont été assez difficiles», sous ses regards, «avec étonnement, avec méfiance ou avec scepticisme». Il estime que 92% des parts du marché sont détenues par les banques publiques historiques et il existe 26 banques privées dont 20 grandes d'envergure internationale. Al Baraka détient à elle seule, selon lui, 16 à 17% du marché.

 Il rappelle les perturbations enregistrées en 2000 «à cause de l'affaire El Kalifa. Ce qui fait que l'Etat reste le grand collecteur de ressources bancaires.» En 2008, Hideur souligne qu'il y a eu 5.500 milliards DA collectés, «seuls 2.600 milliards DA ont été donnés en crédit». Il reste, dit-il, que «nous avons un plus grand engagement au niveau des ménages parce qu'il y a réellement un problème d'ordre religieux qui s'appelle elriba (l'intérêt),» dit-il. Avec ça, ajoute-t-il, «certains courants du fikh critiquent parfois notre degré de conformité avec la charia. Nous sommes dans une logique paradoxale parfois contradictoire, nous devons convaincre.» Si la loi ne permet pas à la FI de fonctionner en Algérie, Hideur fait savoir qu'«on nous laisse faire selon des montages qui nous sont propres, c'est un peu comme un mariage par la fatiha et l'acte civil».




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