Algérie

Les artistes et le hirak, la parfaite osmose



L'art a toujours fait partie des mécanismes de lutte pour les Algériens nantis d'un discernement et d'un éveil que la classe dirigeante a longtemps sous-estimés. Et le mouvement du 22 février a grandement été nourri par cette dynamique qui deviendra une composante essentielle du hirak.Un rapport de force avait été mis en branle, bien avant l'avènement du soulèvement populaire, du fait que plus le totalitarisme et la violence, ou la "hogra", augmentaient, plus les différentes formes d'expression artistique se déployaient, devenant le carburant de cette nécessaire rupture avec l'avilissement de l'ère Bouteflika.
Des artistes engagés, qui ont toujours été du côté du peuple, joignent leurs voix à celles de millions d'Algériens descendus dans la rue. Libérer l'Algérie, du collectif composé de chanteurs et de comédiens comme Amine Chibane, Amel Zen, Kamel Abdat, Mina Lachter, Djam ou encore Idir Benaïbouche, sera l'un des premiers titres dédiés au hirak. Chanté en arabe dialectal, en tamazight et en français, ce clip très symbolique devient viral et cristallise le ras-le-bol de toute une génération. Quelques jours après le collectif, Raja Meziane accompagne le hirak à travers Allô système, une chanson-choc qui comptabilise à ce jour plus de 40 millions de vues sur Youtube.
Des paroles crues et un clip qui reprend les images des marches du vendredi, où la chanteuse dénonce tout ce qu'a fait subir le système au peuple ; corruption, hogra, condescendance des responsables? Nous citerons, également, Ouled El-Bahjda, dont les chants sont sortis des stades pour investir les marches jusqu'à devenir des hymnes à part entière, La casa d'El-Mouradia et, plus récemment, Fi hali n'sir. Le message de ces artistes vient renforcer le sentiment d'union en ciblant le même adversaire : le régime.
Non pas que le mouvement ait eu besoin de porte-voix, du moment qu'il a pu se défaire de ses chaînes et se dresser face au système, mais les artistes sont devenus le fer de lance de la contestation.
Les écrivains, quelques mois après le 22 février, feront leur lecture du hirak. De nombreux essais, des études sociologiques et même des romans voient le jour, et plusieurs collectifs commencent à publier. Les auteurs ont, tour à tour, et au travers de récits allégoriques pour certains ou retraçant l'historique journée du 22 février pour d'autres, contribué à "véhiculer un message d'espoir". Le poète Amin Khan a été l'initiateur d'un autre ouvrage collectif, Marcher !, un recueil de textes de journalistes, romanciers et photographes "qui mettent à jour (?) la dimension esthétique du mouvement populaire". Le Sila a également exposé et vendu un nombre impressionnant d'ouvrages sur le sujet.
Nombreux étaient les visiteurs qui venaient spécialement acquérir l'un d'eux, qu'ils soient de Rachid Sidi Boumediène, de Saïd Sadi, de Mahdi Boukhalfa, de Karima Aït Dahmane, de Mohamed Mebtoul ou encore de Mohamed Benchikou. L'attention au dernier rendez-vous littéraire algérien était particulièrement portée sur ces ouvrages qui proposent de nouvelles lectures du mouvement.
Plus récemment, c'est sur les planches du théâtre que le hirak a été à l'honneur, à travers la pièce Khatini d'Ahmed Rezzak, hirakiste de la première heure qui subit encore l'acharnement judiciaire. L'engouement qu'a connu sa pièce dernièrement rend compte d'une dynamique restée intacte, et que ces artistes participent à entretenir par leur art, leur engagement et le serment qu'il ont fait d'être l'écho de notre révolution.


Yasmine Azzouz


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)