Algérie

Les années d'illusions



Les années d'illusions
«L'illusion est trompeuse, mais la réalité l'est bien davantage.»
Il est vrai qua la nostalgie saisit tous ceux qui sont arrivés en bon état à la retraite: non pas qu'ils voudraient refaire le dur chemin de la vie, mais ils aiment reconsidérer les choses avec un oeil nouveau. Ne croyez pas que mon ami Benny est du genre à dire: «Si jeunesse savait...». Mais il s'émerveille de s'apercevoir qu'il ne s'est jamais trompé dans ses jugements. Cependant, il y a, dit-il, des choses qu'on ne peut pas dire quand on est jeune alors qu'au crépuscule de la vie, on peut se permettre certaines vérités. Quarante-huit années après, (nous allons nous aussi bientôt fêter le cinquantenaire de l'inauguration de notre promotion!) il s'étonne toujours du parcours des rares survivants de notre promotion. «Si tu te souviens, il y avait au moins 3000 candidatures à l'annonce parue dans le journal qui promettait l'organisation de deux années d'études pour les gens qui avaient au moins le niveau du B E P C. 300 ont été retenus dans les trois départements d'alors. Sur les 300, 70 ont passé avec succès l'écrit et l'oral et 25 ont survécu à la période probatoire. Si tu te rappelles bien ya Da M'sili, dès le premier abord, on pouvait s'apercevoir qu'il y avait des gens qui n'étaient venus que parce qu'ils ne savaient pas trop où aller après un cycle d'études qu'ils avaient du mal à maîtriser pour diverses raisons. Certains commençaient à éprouver une certaine lassitude à suivre des cours tandis que d'autres avaient hâte de trouver une indépendance économique qu'une maturité précoce appelait. Certains étaient venus juste pour la frime, parce que le secteur qu'on allait inaugurer semblait prestigieux. Il faut dire que la bourse qu'on nous offrait était supérieure à beaucoup de salaires de l'époque. Il faut dire aussi que le régime d'alors était d'une générosité qui n'avait d'égale que son ambition à former une nouvelle génération militante. Et nous avons été sérieusement pris en charge par les responsables de l'époque. Non seulement la bourse était confortable, mais nous avions accès à des institutions prestigieuses qui nous assuraient le couvert. Nous étions chouchoutés et dorlotés. Il y avait des individus de toutes les régions. Les organisateurs ont tenu à préserver l'équilibre régional. Il y avait des jeunes qui sortaient tout frais du lycée, alors que d'autres avaient quitté une profession qui ne les inspirait guère. Je me souviendrai toujours de l'unique bachelier de la promotion qui se targuait d'être un écrivain. Il avait osé dire un jour, en plein cours, cette phrase qui est restée célèbre dans les annales:«Nous autres, écrivains...». Le professeur lui avait alors jeté un regard méprisant. Cet enseignant, un étranger venu d'un pays socialiste, était doté d'un certain talent pédagogique et d'une culture phénoménale. Il nous avait tous épatés en nous disant un jour, lors d'une des nombreuses digressions qu'il se plaisait à faire quand il sentait de notre part une certaine lassitude à le suivre: «J'ai décelé parmi vous, un véritable génie dont on entendra parler à l'avenir...». C'était sa façon de réveiller en nous une ambition qui sommeillait paresseusement. Chacun de nous croyait être ce petit génie qui avait surpris ce professeur. Quarante-huit ans après cette déclaration, nous cherchons toujours qui pouvait être ce fameux génie... Les choses ont commencé à se gâter après la période probatoire qui survint trois mois après le début de notre stage. Les organisateurs avaient soudain perdu leur première inspiration: c'est la raison pour laquelle, dès que nous revînmes des vacances d'hiver, nous nous aperçûmes que l'école n'était pas encore prête à nous assurer le cycle pratique qui était inscrit dans le programme. C'est la raison pour laquelle on nous envoya faire un stage de volontariat dans un petit village kabyle, au pied du Djudjura. Il fallait aussi former des militants.




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