Les autorités locales sont conscientes qu'il faut faire vite, car en plus du fait qu'il ne reste qu'une année et demie pour préparer et réussir l'événement « Constantine capitale de la culturelle arabe 2015 », celles-ci auront besoin de l'appui de la société civile et des associations. C'est le cas notamment de l'association des « Amis du musée de Cirta » qui milite depuis plusieurs années et qui a incorporé récemment le comité local de tourisme et d'artisanat. Son président, M. Benacef, nous explique l'engagement de son association dans les préparatifs de 2015 : « Notre souci est de travailler pour la ville. Nous sommes une quinzaine de bénévoles qui activent sur le terrain, en plus de près de 200 adhérents parmi lesquels des archéologues et des universitaires qui nous apportent leur aide. Pour l'année 2015, nous travaillons depuis janvier dernier et, au terme d'un travail de réflexion, nous voulons soumettre des idées sur l'accueil, les itinéraires touristiques, les sites à mettre en valeur, la construction de structures culturelles, l'artisanat, les loisirs (salles de cinéma, piscines etc.). C'est juste un apport. Concernant par exemple le chemin des touristes, nous avons commencé en 2010 une cartographie du site, que nous venons tout juste de terminer. Et nous pensons que malgré la dégradation du chemin, c'est tout de même réalisable d'ici à 2015. ».
Reconstituer le passé de la ville
En plus de faire un travail sur le terrain, l'association des Amis du musée de Cirta consulte énormément les archives, un effort intellectuel et physique intense dont l'ambition recherchée est de répertorier des métiers, des lieux ou des traditions qui ont disparu : « Nous avons répertorié 243 corps de métiers à Constantine du XIXe siècle qui ont disparu et nous n'avons retrouvé que 26 qui existent toujours. « Caid El Fadha » sont, par exemple, des personnes désignées par le Bey pour contrôler la qualité des produits dans les souks, c'est un peu l'équivalent des contrôleurs de la DCP. Nous avons essayé de remettre en marche une des dernières tanneries de Constantine, datant du IIe siècle après0 J.-C., et d'en faire un musée. Nous avons également fait des recherches sur les tribus de la région, en analysant des tomes du Journal officiel de la période française, nous avons fait tout l'historique de 17 wilayas de l'Est. On pourrait comprendre beaucoup de choses, dont la venue des Arabes », nous explique M Benacef. Le peu de moyens ne décourage pas pour autant les Amis du musée, dans leur local exigu situé au musée Cirta. L'association travaille en silence. L'esprit de camaraderie est bien plus important qu'autre chose, chacun apporte son coup de main et est chargé d'une mission. Ainsi, l'apport des cartographes est indispensable, des dizaines de cartes se tassent dans le bureau : « Nous avons fait des cartes à la main, et confirmé sur le terrain. Par exemple, nous avons travaillé sur l'eau à Constantine de l'époque romaine, arabe, des caniveaux turcs, ou encore des tubes en fonte des Français. Là, nous avons réalisé une carte des implantations des hammams et des fontaines, nous avons retrouvé les emplacements. Actuellement, nous sommes en train de potasser sur les jardins de l'époque ottomane qui existaient dans la ville, mais avec l'urbanisation c'est tout de même difficile à réaliser. Nous n'avons pas d'idées sur leur nombre, ça demande beaucoup de lectures, nous essayons de retrouver des archives que des collègues nous ramènent de Turquie, du Canada et de France. Nous nous sommes intéressés aux beaux arts du XIXe siècle, sur les artistes qui ont peint Constantine, nous avons déjà une centaine de preuves sur des scènes de batailles, de rues, ou encore d'instruments de musique. Nous disposons aussi de 9.300 photos sur la ville, et nous pouvons reconstituer la ville d'après ces photographies, les premières datent de 1850. L'association a aussi répertorié entre 63 et 72 édifices religieux islamiques qui ont disparu, entre mosquées, zaouias et écoles coraniques. Nous avons un inventaire, mais nous ne les avons pas tous situés. El Djamaa El K'bir qui a 9 siècles d'existence, son intérieur a été construit avec des matériaux de réemploi des colonnes des chapiteaux romain, et on pense qu'il a été installé sur une ancienne chapelle datant de l'époque romaine ». Quant à l'état de dégradation de la vieille ville, M. Benacef, comme tout Constantinois jaloux de sa ville, est affecté. Mais des solutions pour sauver ce qui reste de Souika existent, selon lui : « Les maisons s'effondrent sur elles-mêmes. Quand il pleut tous les gravats enflent, et c'est cette pression qui va s'appliquer sur les murs. Quand il fait chaud ça va sécher, et ça ébranle les maisons. On peut, par exemple, installer des magasins des matériaux qui sont particuliers à ces maisons. Maintenant, il y a des priorités, il faudrait commencer par situer les canalisations d'eau. Nous avons tiré la sonnette d'alarme depuis 2007. E'Chet, par exemple, a été refait, l'idée était là mais ça a été mal travaillé, le pavé n'a pas été refait à l'identique. Si on ne s'occupe pas des canalisations d'eau ça ne marchera jamais. Pour notre part, nous avons proposé de prendre un îlot et le réhabiliter, pour servir d'exemple. Il faut aussi cibler les sites à réaménager comme les foundouk, ou les locaux servant à l'artisanat. Pour relancer le tourisme, nous pensons qu'il serait utile de créer un label pour les produits de l'artisanat, et mettre en valeur certains sites méconnus comme les grottes ».
Posté Le : 21/05/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Kais Benachour
Source : www.horizons-dz.com