Algérie

Les Américains parlent de leur commandement africain avec Alger



Les Américains ont parlé du commandement américain pour l'Afrique, les Algériens ont parlé des mécanismes africains de sécurité collective. Curieux dialogue rapporté par une source autorisée usant d'une belle langue codée. Après le « niet » algérien à l'Africom et à la création d'une base américaine en Algérie formulé par Mohamed Bedjaoui, son successeur, Mourad Medelci, en a discuté hier avec une délégation américaine conduite par M. Ryan Henry, sous-secrétaire adjoint principal à la Défense, chargé des Affaires politiques. La rencontre s'est déroulée en présence de MM. Abdelmalek Guenaïzia, ministre délégué auprès du ministre de la Défense nationale, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, et du côté américain, Mme Teresa Whelan, sous-secrétaire adjointe à la Défense, et M. Robert Ford, ambassadeur des Etats-Unis à Alger. On se souvient que la question de la création d'une base américaine avait suscité des échanges sibyllins entre Alger et Washington. Alger affirmant ne pas accepter d'installation de « bases militaires quel que soit le pays auxquelles elles appartiennent », Washington répliquant qu'elle n'avait pas fait une telle demande. L'objet de la visite est-il de convaincre Alger de changer d'avis ? Même si c'était le cas, et à moins d'un retournement spectaculaire, on voit mal le gouvernement algérien revenir sur le refus exprimé il y a quelques mois. La rencontre d'hier semble donc bien motivée par un souci d'informer les responsables algériens sur le projet de commandement militaire américain en Afrique en fournissant « un certain nombre d'informations sur les missions envisagées pour un tel commandement, ainsi que sur les conditions générales de son fonctionnement ». La source autorisée, citée par l'APS, utilise un langage presque codé, sans donner de détails, en indiquant que la « partie algérienne s'est informée de plusieurs aspects du projet américain et s'est fait préciser un certain nombre de données pertinentes de nature politique et technique ». Il faudra bien s'en contenter, en attendant des informations... chez les Américains. Quel type d'informations a-t-on donné sur un projet dont les contours ne sont pas secrets et dont le but proclamé est d'assurer une surveillance accrue du continent africain, et notamment la région du Sahel que l'on présente comme une zone d'activité djihadiste ? A moins qu'il ne s'agisse d'informer la partie algérienne du pays « élu » pour abriter ce futur commandement. Récemment, la presse marocaine se félicitait qu'un rapport du Congrès américain désigne le Maroc comme possible terre d'accueil de l'Africom. Dans ce cas de figure, on comprend que les Américains veuillent «informer» l'Algérie d'un tel choix en raison des lectures politiques qui ne manqueront pas de suivre. Décodages «non autorisés» La « source autorisée » n'apporte pas d'éclairage dans ce domaine. Il ne reste qu'à faire un décodage non autorisé et à considérer comme autant de réserves à l'égard des projets américains la réaffirmation que les commentaires apportés par l'Algérie s'inscrivent dans le « cadre des constantes de la politique extérieure de l'Algérie ». Tout comme l'insistance sur « l'état et les perspectives des efforts déployés par l'Union africaine (UA) en vue de valoriser le potentiel de sécurité collective à l'échelle du continent dans la conformité à son Traité constitutif et à son pacte de non-agression et de défense commune ». Si la communication officielle a choisi d'insister sur l'aspect « africain », cela veut dire que l'on estime que l'Afrique n'a pas besoin d'un acteur extérieur pour gérer sa sécurité. Cela n'est pas dit aussi crûment, mais la langue de bois diplomatique sert surtout à cela. Et la « source autorisée » s'en donne à coeur joie en évoquant « l'action persévérante de mise en place de mécanismes africains propres entrant dans le cadre de l'architecture africaine de sécurité pour la prise en charge des besoins en termes d'opérations de maintien de la paix, dont la force africaine en attente ». Les « arrangements entre l'UA et l'Organisation des Nations unies, ainsi que les dispositifs juridiques et institutionnels de lutte contre le terrorisme dont l'Afrique s'est dotée pour contribuer efficacement à une coopération antiterroriste globale, ont été exposés par la partie algérienne ». Gageons que les Américains ne sont pas ignorants des « mécanismes africains » et des « arrangements de l'UA avec l'ONU », mais apparemment leur rappel serait un « message ». Qu'en conclure ? Qu'Alger n'est pas convaincue davantage après le passage de la délégation gouvernementale américaine mais qu'elle en reste à une expression contrainte. Il a été souligné « l'utilité de consultations élargies et approfondies sur toutes les dimensions de la question à la lumière de tous les facteurs dont la prise en considération est nécessaire ». La conclusion de la source autorisée est un modèle du genre.


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