Algérie

les Américains avaient proposé les diplomates algériens au Nobel de la paix ! Abdelkrim Ghrieb. Ambassadeur d'Algérie à Téhéran de 1979 à 1982



-Qui a demandé une médiation algérienne dans la crise des otages '
Ce sont les Iraniens qui nous ont demandé de jouer les médiateurs. Par la suite, les Américains nous ont également sollicités, après avoir tenté, pendant une année, de trouver des partenaires qui pouvaient leur donner un coup de main. Ils avaient, par exemple, poussé l'ONU à intervenir, et Kurt Waldheim, à l'époque secrétaire général des Nations unies, avait fait le déplacement à Téhéran en compagnie de Mohamed Bedjaoui, représentant de l'Algérie au sein de l'organisation onusienne. Puis, ils se sont rabattus sur l'Organisation de la conférence islamique, qui a constitué une délégation des chefs d'Etat islamiques sous la conduite du président guinéen, Ahmed Sékou Touré, qui a fait la navette à plusieurs reprises en Iran, sans résultat. Ils ont aussi sollicité Yasser Arafat, également sans résultat. Ce n'est qu'après toutes ces tentatives que les Iraniens se sont adressés aux Algériens.
-Quelles conditions l'Algérie a-t-elle posées avant d'accepter la médiation '
Aucune. Ce n'est que durant les négociations que nous avons eu notre mot à dire pour arrondir les angles entre les deux parties. Les Américains, par exemple, avaient intitulé leur document de travail «la crise des otages», mais les Iraniens ne voulaient pas qu'on parle d'«otages», mais plutôt de «mécréants américains». Nous avons convenu de les appeler «détenus».
-Les Américains ont-ils eu peur que la diplomatie algérienne soit partisane '
Oui. Au début de notre médiation, les Américains avaient peur que nous penchions du côté du régime iranien, car c'est vrai que nous avions plus de sympathie pour les Iraniens que pour eux. Mais lors du cheminement des négociations, nous nous sommes montrés loyaux avec les deux parties. D'ailleurs, les Américains ont reconnu publiquement notre rôle et notre impartialité.
-L'affaire des six diplomates «exfiltrés» a-t-elle pesé dans votre médiation '
Pas du tout, puisque les Algériens sont intervenus dans les négociations une année après cet épisode. Les six diplomates avaient quitté les lieux avant la prise totale de l'ambassade américaine. Cette affaire n'a pas eu d'incidence lors des négociations. D'ailleurs, ce n'est que plus tard que nous avons appris que six diplomates s'étaient réfugiés à l'ambassade du Canada et qu'ils avaient pu, par la suite, quitter Téhéran. Les étudiants islamiques avaient, à la suite de ce départ, pris la décision de faire sortir les diplomates qu'ils retenaient dans l'ambassade et de les installer ailleurs.
-Avez-vous gardé des liens avec les négociateurs américains et iraniens '
Oui, au début. Nous avons même été reçus chez eux, dans leur famille. A l'époque, les Américains avaient proposé que le groupe de diplomates algériens soit citée pour le prix Nobel de la paix. Ils ont fait les démarches nécessaires auprès de la fondation Nobel.
-Vous souvenez-vous d'une anecdote qui vous aurait particulièrement marqué lors les négociations '
Je me souviens que nous avions demandé à rendre visite aux détenus américains, quand ils étaient encore retenus au siège de leur ambassade. Cette demande a été faite vers la fin décembre 1979, au moment des fêtes de Noël. Nous avions pris attache avec Monseigneur Duval, archevêque d'Alger, pour qu'il vienne en Iran, célébrer la fête de fin d'année avec les diplomates américains. Il a un peu hésité, car il devait accueillir des ecclésiastiques qui venaient de Rome pour célébrer la messe à Alger. Il a finalement accepté et il est venu à Téhéran célébrer la messe au milieu des diplomates américains.
-Regrettez-vous que le cinéma algérien ne se soit pas penché sur cet événement pour en faire un film '
Ce n'est pas dans notre tradition de faire un film à partir d'un événement, comme le font les Américains ! On n'a pas encore le réflexe de médiatiser une démarche ou une action comme ils savent le faire. D'ailleurs, ce sont les Américains qui ont médiatisé l'affaire. Ce sont leurs médias qui se sont mis à nous suivre partout. Je pense aussi que nous avions peur d'échouer comme cela a été le cas avec les autres tentatives.


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