Algérie

les Algériens ont raison de s'alarmer de l'infiltration des groupes djihadistesMathieu Pellerin. Chercheur associé à l'IFRI sur le Sahel et le Maghreb



les Algériens ont raison de s'alarmer de l'infiltration des groupes djihadistesMathieu Pellerin. Chercheur associé à l'IFRI sur le Sahel et le Maghreb
-Avez-vous été surpris d'apprendre que le Premier ministre libyen avait été enlevé 'Non. Ali Zeidan est aujourd'hui acculé. Il est déjà très fragilisé sur un plan politique. Au sein du congrès, son parti, l'Alliance des forces nationales, est très divisé et perd de l'influence au profit des Frères musulmans. Il est aussi fragilisé sur le plan militaire : il ne parvient pas à mettre en place une armée nationale et est obligé de composer avec les brigades (thowar) héritées de la révolution, qui restent très fortes. Par ailleurs, depuis plusieurs mois, les enlèvements se sont multipliés. Ils sont à la fois crapuleux et/ou politiques, visent des chefs d'entreprise, des personnalités du pouvoir ou leurs familles, comme récemment le fils du ministre de la Défense, ou des dignitaires de l'ancien régime.
-L'enlèvement a été revendiqué par la Chambre des révolutionnaires de Libye, selon son porte-parole en réponse à la capture samedi dernier d'Abu Anas al Libi. Est-ce que ce groupe a un lien avec Al Qaîda '
Non, pas que je sache. Il s'agit d'une brigade qui s'inscrit dans le camp des révolutionnaires dont le chef, Abou Obeida, est originaire de Zawiyah, ville qui fait partie du camp révolutionnaire. Je n'y vois pas un acte terroriste, mais davantage un avertissement sans frais, cette fois-ci, adressé à Ali Zeidan pour lui rappeler que l'effectivité du pouvoir est aujourd'hui entre les mains des brigades et qu'ils faut répondre à leurs revendications, et elles sont nombreuses. Collaborer avec les Américains est aujourd'hui considéré comme une menace aux acquis de la révolution, ce n'est pas nécessairement l'expression d'une radicalité religieuse. Toutefois, il n'est pas certain que cette milice ait agi seule, elle peut tout à fait avoir reçu l'appui d'autres milices dont les intérêts sont ici convergents, celles qui se revendiquent du fédéralisme, celles proches des Frères musulmans, ou celles proches des salafistes. Elles contestent toutes l'autorité de Zeidan.
-La complicité de Tripoli avec les Américains est donc avérée '
Compte tenu de la déliquescence des institutions libyennes, la vérité est sans doute entre les deux. Les Américains ont très bien pu s'exonérer de l'aval des Libyens pour mener leur raid. Mais on peut aussi très bien imaginer qu'Ali Zeidan, qui appelle régulièrement les Occidentaux à l'aide (pour sécuriser les frontières ou créer une armée nationale), ait pu ouvrir la voie aux Américains. Dans tous les cas, Ali Zeidan est fragilisé dans cette histoire : soit il passe au yeux des Libyens pour l'agent des Américains, soit cela signifie qu'il ne contrôle absolument pas son territoire et sa capitale.
-Qu'en est-il de la situation des brigades aujourd'hui '
Tripoli reste une mosaïque de brigades, soit attachées à une ville (comme les milices de Misrata, de Zintan, ou de Benghazi pour les plus importantes), soit guidées par des intérêts idéologiques (révolutionnaires, religieux ou fédéralistes). Ces milices forment des alliances très changeantes au gré de la conjoncture politique et sécuritaire en fonction d'intérêts ponctuellement convergents.
-Les Algériens s'alarment depuis 2011 de la circulation d'armes à la frontière. L'absence d'Etat en Libye peut-elle conduire à terme à une déstabilisation des pays voisins, l'Algérie mais aussi la Tunisie '
L'infiltration des groupes djihadistes comme des contrebandiers, qui, du fait de la porosité de la frontière, vulnérabilise les pays voisins, mais je ne vois pas de déstabilisation des régimes en place. Les Algériens ont raison de s'en alarmer car depuis deux ans, c'est une réalité, la Libye est un marché d'armes à ciel ouvert.


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