Algérie

Les Algériens entre colère et incompréhension



Les Algériens entre colère et incompréhension
Le gouvernement, qui a promis de réguler le marché des fruits, légumes et autres produits de large consommation, n'a toujours pas réussi à asseoir une stratégie pour réduire les intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs.F aire les courses hebdomadaires est devenu, pour beaucoup de chefs de famille, un véritable cauchemar. En raison de la cherté de tous les produits de large consommation, il est de plus en plus difficile de remplir son couffin. Plusieurs ménages ont «appris à se passer» de certains articles, classés, désormais dans la catégorie «facultatif». La liste de ces produits facultatifs est de plus en plus longue pour Mme G. Lynda, la trentaine, mère de trois enfants, rencontrée au marché du quartier 8 Mai 1945, dans la commune de Bab Ezzouar (Alger). Comme de nombreux chefs de famille, cette femme n'a plus le choix. Pour faire face aux besoins de ses enfants, elle doit se concentrer sur «les produits essentiels». Pas question de faire des folies. Les folies, il faut le préciser, dans ce contexte, est de dépasser la liste des achats minimum. «Des pâtes alimentaires, quelques légumes si possible, du pain et deux sachets de lait.» Lynda G. sillonne les allées du marché depuis le matin. Elle interroge les vendeurs à la recherche des fruits et légumes les moins chers.Ce marché est visité quotidiennement par des habitants d'autres communes de l'Algérois. Il est réputé pour être l'un des plus «cléments» de la capitale. Mais il faut dire que Lynda n'a pas encore trouvé le bon compte. Le caddie qu'elle charrie depuis plus d'une heure ne contient pas grand-chose : un chou-fleur et des plantes aromatiques. «Il y a encore quelques jours, le chou-fleur était inaccessible. Dans mon quartier à Alger-Centre, il coûtait 120 DA. Ici, c'est bien moins cher, je l'ai payé 70 DA», nous explique-t-elle, avant de se diriger vers les vendeurs informels installés à l'extérieur de ce marché où elle espère trouver l'aubaine. Des étals anarchiques ont été érigés à l'extérieur du marché, cédant à peine quelques passages boueux pour les clients du marché. Un «souk» parallèle improvisé, à côté du marché couvert, où les prix sont quasiment les mêmes qu'à l'intérieur. «L'avantage, ici, c'est qu'on n'est pas obligé de sentir les odeurs nauséabondes de l'intérieur.»La tournée externe de Lynda s'est avérée infructueuse. Soucieuse de faire quelques centaines de dinars d'économies, elle va d'étal en étal, puis décide enfin d'entrer de nouveau au marché couvert. Et c'est là qu'elle achète des carottes à 45 DA, deux concombres à 80 DA/kg et des tomates à 55 DA. Le vendeur explique qu'avec les journées ensoleillées de ces derniers jours, les prix ont connu une baisse sensible. «Foutaises», répond Lynda. Les prix n'ont jamais connu de baisse, puisque, nous dit-elle, «quelles que soient les conditions météorologiques, les commerçants trouvent bien une raison pour faire flamber les prix». Il faut dire que le gouvernement, qui a promis de réguler le marché des fruits, légumes et autres produits de large consommation, n'a toujours pas réussi, et ce depuis quelques années, à asseoir une stratégie pour réduire les intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs. Le résultat est que les prix flambent sans raison. Les étals des bouchers semblent boudés par les «visiteurs». Les viandes rouges demeurent hors portée. Le kilo de b?uf est cédé entre 750 et 1500 DA, le poulet à partir de 320 DA/Kg.«La politique agricole du pays fait la promotion du régime végétarien», lance Lynda qui s'est décidée à acheter deux cuisses de poulet. «Les merguez, les côtelettes, le steak c'est pour les occasions. Le foie, c'est pour les très malades», plaisante-t-elle. Des chefs de famille ne cachent pas leur inquiétude après les dernières hausses ayant touché certains produits laitiers. Si l'Algérien moyen qui ne peut pas se permettre de la viande régulièrement et se rabat sur les produits laitiers et les ?ufs, il ne tardera pas à crier famine si l'anarchie continue à régner en maître. «Le gouvernement ne se soucie apparemment pas de la tournure qu'est en train de prendre le marché. Les dysfonctionnements nous privent de viande, de légumes et, tout récemment, de produits laitiers. Que mangera-t-on demain '», s'insurge une vieille dame interrogée sur les dernières augmentations concernant les yaourts et les ?ufs.Marché rime avec anarchieAu niveau des étals des fruits, seules les mandarines à 100 DA et les bananes à 120 DA semblent à la portée des clients. Les variétés de fruits exposés partout ne suscitent même pas l'intérêt des passants, qui forment des queues devant les étals de pomme de terre à 50 DA/kg. Des prix passent du simple au double à l'occasion d'une fête religieuse ou d'intempéries. Selon les commerçants, «le produit agricole se fait de plus en plus rare. Les producteurs se désintéressent d'un créneau dès que la demande est en baisse sur le marché. C'est le cas par exemple pour la pomme de terre et des légumes de saison dont l'approvisionnement connaît des perturbations durant l'année». Les prix varient aussi selon la disponibilité des marchés. Ainsi, si dans certaines communes, les habitants ont le choix du marché où faire leurs achats et établir un tri selon la qualité du produit ; dans certaines communes, les citoyens sont livrés au diktat des commerçants où, en l'absence de marché couvert, ils n'hésitent pas à tripler les prix.Le gouvernement s'est engagé à remédier à ce problème en promettant la réalisation et la livraison de plusieurs centaines de marchés de proximité l'été dernier. Plusieurs mois après, aucun résultat concret, aucune évaluation n'a été faite après les grandes campagnes menées à la veille du mois de Ramadhan 2013. «Dans mon quartier, le kilo de carottes coûte 140 DA, alors qu'il est à 50 DA au marché de proximité», se plaint Djamila, qui habite à Baba Hassen.La situation est insoutenable pour les ménages installés depuis quelques années dans les nouvelles cités issues des différentes formules de logement. Les nouveaux quartiers AADL ou les cités choisies pour contenir les flux des relogés ne sont pas dotés de marchés de proximité et c'est le calvaire assuré pour les pères de famille contraints à des déplacements fréquents pour faire les courses, au risque de se faire dépouiller par les marchands du quartier dont certains sont qualifiés de «sans scrupules».




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