Algérie

"Les ajustements préconisés sont insuffisants"




Analysant la LF 2016 qui a été adoptée lundi dernier par l'APN sur fond de confrontations virulentes entre les députés, Samir Bellal considère que les mesures préconisées sont nécessaires mais largement insuffisantes compte tenu de l'ampleur de la crise. Il a, par la suite, plaidé pour une sortie urgente du «populisme» et des maquillages conjoncturels en laissant le marché fonctionner selon les seules règles de «la concurrence».L'Expression: La LF 2016 a été adoptée avant-hier après un bras de fer terrible entre les députés de l'opposition et ceux qui soutiennent le gouvernement' Ce manque d'unanimité va-t-il, selon vous, déboucher sur des conséquences facheuses'Samir Bellal:Il est normal qu'il y ait débat. La LF prévoit des mesures d'ajustement qui, à coup sûr, vont porter un coup au pouvoir d'achat de larges couches de la population. Mais par-delà le débat politicien, la question aujourd'hui est de dire si oui ou non le pays est en mesure de se doter d'un consensus politique large et crédible en vue de la mise en place d'un redressement économique urgent. Un tel consensus nécessite de toute évidence de régler en premier lieu la question de la légitimité, qui demeure posée.Vous parlez de répercussions sur le pouvoir d'achat, notamment des couches les plus fragiles de la société. Quelles sont les mesures qui touchent à ce point et comment vont-elles se traduire sur le terrain'L'ajustement est inéluctable et il sera douloureux. Et nous n'en sommes qu'aux débuts. La politique de soutien généralisé des prix a créé une situation intenable. Des ressources budgétaires colossales sont englouties dans cette politique de soutien. Aujourd'hui, les déficits sont tels que dans peu de temps, si la situation budgétaire ne s'améliore pas, les ajustements à la marge préconisés par la LF 2016 se révéleront insuffisants. Le problème n'est pas technique. Il est politique. L'ajustement est porteur de risques d'instabilité et de troubles majeurs et les autorités politiques du pays en sont conscientes, d'où leur refus de lancer un véritable plan de redressement. Ce qui est préconisé dans la LF 2016 ne constitue nullement une réponse appropriée et suffisante à la crise qui s'annonce.L'article 2 prévoit des augmentations de l'électricité, du gasoil, etc., d'un côté et d'un autre, des exonérations au profit des investisseurs sans que l'obligation de réinvestir une partie de leurs bénéfices ne leur soit faite, d'autre part. Ne pensez-vous pas, comme le dit l'opposition, que le gouvernement est en train de faire payer aux pauvres les cadeaux qu'il offre aux riches'La question n'est pas aussi simple. Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est parce que, durant des années, une politique démagogique et populiste a été menée par l'Etat, une politique laxiste dans pratiquement tous les domaines. Dans cette histoire, il n' y a pas d'un côté, les bons (l'opposition) et de l'autre, les méchants (pouvoir, patronat). Le discours démagogique des uns et desautres n'est pas de nature à permettre de trouver des solutions crédibles à la crise que nous vivons: aujourd'hui, il s'agit pour le pays de rompre avec le populisme, d'où qu'il vienne. A voir les réactions des uns et des autres, il est regrettable de constater que l'idéologie populiste, dont on commence à peine à mesurer les dégâts économiques, a encore de beaux jours devant elle.L'Algérie a fait une expérience des privatisations qui s'est avérée non concluante. Elle s'apprête à recommencer la même chose. L'article 66 de la LF, supprimé par la Commission des finances de l'APN et réhabilité par Abderrahmane Benkhelfa, prévoit l'ouverture du capital des entreprises publiques au privé à hauteur de 66% avec, après 5 ans, une possibilité pour le privé, d'acquérir la totalité des actions. Va-t-on rééditer le même scénario...'Il faut avoir le courage de voir la réalité en face: quelle est la situation qui prévaut aujourd'hui dans le secteur public' Les entreprises publiques sont toutes, à quelque exception près, déficitaires. Si elles arrivent à se maintenir en vie, c'est grâce, comme toujours, aux subventions que leur accorde l'Etat. Les entreprises publiques demeurent aujourd'hui encore le lieu de la gabegie, du gaspillage, de l'inefficacité. La société peut-elle se permettre de continuer à financer leurs déficits structurels' Telles sont les questions auxquelles nous devons répondre. Ceci dit, il convient d'observer que la privatisation n'est pas une fin en soi. Elle n'est qu'une modalité qui permet une nouvelle mise au travail, en rupture avec la logique clientéliste qui prévaut dans le secteur public. Par ailleurs, il y a lieu de ne pas se faire d'illusions: l'entreprise privatisée n'est efficace que si elle est soumise à la concurrence.L'article 71 de la même loi donne à l'Exécutif la possibilité d'émettre des décrets d'ajustement sans recourir à l'Assemblée populaire nationale, en cas de détérioration des équilibres généraux. L'argument, c'est «d'agir promptement». Le fait que l'intervention de l'Etat ne soit pas soumise à une validation démocratique ne porte-t-il pas atteinte à la souveraineté du marché et à la légitimité de son action'Validation démocratique, dites-vous' Nous savons tous que dans notre pays, le champ d'expression politique formelle n'est pas en vérité le lieu effectif de la délibération politique. Il n'y a donc pas lieu de s'embarrasser de ces considérations purement formelles. La mesure dont vous parlez est révélatrice d'une prise de conscience ou d'une reconnaissance du caractère extrêmement vulnérable des équilibres projetés dans le cadre de cette LF. Je ne vois pas d'autres significations.Donc, c'est pour protéger l'économie que cette mesure a été instituée par le ministre des Finances'Disons que c'est pour protéger le budget de l'Etat contre tout changement de situation par rapport aux projections.




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