Algérie

Les agités et le symbole



Des syndicats autonomes en grève le jour de la commémoration de l'anniversaire de l'UGTA. Ce télescopage, selon toute vraisemblance, n'a pas été prémédité mais il est bien symbolique de l'état du syndicalisme. L'attaque frontale des services du chef du gouvernement contre les syndicats autonomes qui feraient, selon eux, dans «l'agitation infondée» dans la fonction publique et quasiment dans la «prise d'otage», ne lui donne que plus de relief. On peut comprendre que le gouvernement soit agacé par ces syndicalistes entêtés et décidés à se faire entendre; mais la manière dont il le fait est, au mieux, un manque de sang-froid, au pire une annonce que la répression va se mettre à fonctionner. Mais pour des syndicats autonomes si présents sur le terrain mais dont l'existence peine à être admise par le gouvernement, cela n'a rien de nouveau. Ils ont déjà été gratifiés du label «d'agitateurs», version francisée du vieux et suranné «mouchaouèche» par des responsables de la fonction publique. Le fait que les services de M. Abdelaziz Belkhadem reprennent les mêmes termes ne doit pas les surprendre. Tout au plus, cela constitue pour eux un signe de l'exaspération qu'ils suscitent chez des responsables qui ont pris l'habitude d'un syndicalisme aseptisé et qui surtout se refusent à admettre que des acteurs nouveaux soient là et qu'il faudra bien prendre langue avec eux. Les grèves, quand on ne les appréhende pas sous une optique strictement policière, sont le signe d'un appel au dialogue et au partenariat. C'est aussi un droit constitutionnel reconnu dont l'exercice ne devrait pas classer les syndicats dans le rang de la subversion. Face à la volonté des syndicats d'exercer ce droit constitutionnel, les autorités ont eu tendance à faire dans le recours abusif à la justice pour suspendre l'exercice du droit de grève. On a très peu médiatisé le fait que la grande grève du CNES, qui avait été interdite par la justice des référés et qui avait provoqué une quasi-scission au sein du syndicat, a été en définitive reconnue légale par le Conseil d'Etat. Mais il est vrai que le gouvernement a, dans la manoeuvre, réussi à créer des dissensions au sein du syndicat. Tout le monde sait, et le gouvernement en premier, qu'aller à la grève n'est pas une partie de plaisir et que les syndicats qui y ont recours prennent le risque de ne pas être suivis par les bases. Cela n'a rien à voir avec les quelques grèves générales organisées dans le passé par l'UGTA et qui avait l'assentiment et le soutien plus qu'implicite du gouvernement. C'est bien un nouveau syndicalisme qui se forge dans l'adversité et qui, à sa manière, s'approprie et redonne du sens à cette date du 24 février, si importante dans l'histoire du syndicalisme algérien. Les «agitateurs», c'est un constat, n'ont, jusqu'à présent, pas perdu la sympathie des Algériens, qui y voient plutôt le signe d'une vitalité sociale positive.
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