Algérie

«Les agences de notation ont besoin d'un contre-pouvoir»



«Les agences de notation ont besoin d'un contre-pouvoir»
-Les agences de notation ont été accusées ces dernières semaines d'avoir aggravé la crise de la zone euro. Ces critiques sont-elles justifiées ' Tout à  fait, même si elles ne sont pas les uniques responsables de cette crise. Néanmoins, on peut dire qu'elles ont mis de l'huile sur le feu. Il semble d'ailleurs qu'on a pas tiré les leçons de la crise des subprimes en 2008 dans laquelle ces agences avaient un joué un rôle important parce qu'elles ont sous-estimé les risques liés aux actifs toxiques. Leur évaluation n'est pas irréprochable, ce n'est pas une science exacte. En plus, ces agences sont procycles, c'est-à-dire que plus ça va mal, plus elles accélèrent la crise, car s'il y a un début de défiance de la part des banques par rapport à  un pays, les agences risquent de dégrader sa note souveraine, les marchés réagiront en se défiant davantage et l'on entrera dans une spirale qui peut conduire au genre de situation qu'on a vécue pour la Grèce par exemple. Le problème avec ces agences c'est qu'elles sont privées et peu nombreuses. Il n'y en a que 3, donc il y a une concentration forte de l'information à  leur niveau, alors qu'en face, il n'y a pas de contre-pouvoir. -Comment arrivent-elles à  avoir cette emprise sur les marchés ' On a créé un certain nombre d'indicateurs comme le ratio de solvabilité des banques Bâle III dans lesquelles on prend en compte la solvabilité par rapport aux risques d'investissement et c'est pour cela que les banques regardent de près les notations des agences. Quand celles-ci dégradent un pays, les banques auront tendance à  vouloir se délester des actifs à  risque pour maintenir leur ratio de solvabilité. Les taux d'intérêt sur les emprunts haussent pour ces pays ce qui peut engendrer une nouvelle spirale de crise.    -Leurs opinions sont censées àªtre indépendantes, mais certains en doutent, qu'en pensez-vous' En réalité, elles ne sont pas tout à  fait neutres. Il y a un problème de conflit d'intérêt, de pouvoir d'influence, etc. De plus, elles sont en concurrence entre elles dans la mesure où chacune recherche à  àªtre la première à  amorcer quelque chose. Il y a aussi un problème de transparence par rapport aux modèles qu'elles utilisent pour évaluer les risques d'un pays. Face à  cela, vous avez des marchés qui sont «monotonnés» par rapport et les agences gardent ainsi leur pouvoir.   

-On remarque que ces agences sont critiquées depuis des années, pourtant elles demeurent puissantes et influentes. A quoi doit-on cela ' On le doit au fait qu'elles ont été institutionnalisées. Aujourd'hui, pour àªtre sur un marché obligataire, il faut àªtre évalué. Il y a des mécanismes d'évaluation du risque par rapport au calcul des ratios de solvabilité. Je ne dis pas qu'il ne faut pas évaluer, mais plutôt qu'il est nécessaire que ces agences soient obligées à  la transparence, qu'elles soient contestables. C'est cela qui diminuera leur pouvoir sur le marché. Pour en arriver là, il faudrait qu'on ait un organisme international qui soit capable de faire ces évaluations. Une sorte d'agence publique et supranationale pour que les banques dans leur calcul du risque soient capables de choisir entre le recours à  une agence privée ou publique. Il est nécessaire qu'il y ait une concurrence à  ces agences privées, proposées par des organismes internationaux publics, crédibles disposant de compétences avérées dans le domaine de l'économie de l'évaluation. Sinon, il n'y aura pas d'alternatives. -Mais qu'est-ce qui fait qu'on ait pas pensé, jusque-là, à  cette solution qui semble pourtant évidente ' Les Etats étaient moins préoccupés tant que ça ne les concernait pas et que le problème ne concernait que les entreprises comme ce qui s'est passé en 2008. Mais aujourd'hui, nous sommes dans une évaluation d'actifs publics et avec l'effet de contagion en Europe, il y a une sorte de prise de conscience publique quant à  la nécessité d'une réforme internationale en la matière. Tous les pays doivent coopérer, il doit y avoir des discussions politiques et un consensus. Seulement, ce qu'on remarque c'est qu'il y a un décalage entre la vitesse du marché et la vitesse politique. A ce niveau-là, on ne réagit que quand on est au bord du précipice. Ce qu'il faudrait, c'est également avoir une banque centrale forte, ce qui n'est pas le cas en ce moment en Europe.             
 


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