Algérie

Les accommodements sémantiques du système



Il y a un terme dont ils ont une sainte horreur mais parviennent tant bien que mal à le prononcer, quand il leur procure une sortie ou une posture accommodante. Le pouvoir et ses clients dans la périphérie la plus large n'aiment pas le mot «système» et c'est le moins qu'on puisse dire. Ils lui préfèrent de loin celui de «régime» qui présente un double avantage. Il suppose d'abord que Bouteflika et son cercle le plus proche ne sont plus là, les algériens n'ont plus de raison d'investir la rue, étant entendu que c'est la revendication essentielle, sinon unique qui était à l'origine du soulèvement populaire. Ensuite, que cette demande «satisfaite», il fallait donc passer à autre chose : l'élection présidentielle, conçue comme la «solution» exclusive et surtout «fantasmée» comme exigence populaire dont ils vont chercher l'expression là où ils ont l'habitude de la trouver. Ils préfèrent le terme régime, dont ils ont adopté la mutation sémantique inventée par le génie populaire, puis squattée par beaucoup de monde la «issaba». Ils ont ainsi réduit le système à un groupe qui serait le seul responsable de la banqueroute politique, économique, sociale et morale du pays. Parmi ceux qui se sont accrochés à ce tour de passe-passe avec un incroyable aplomb, il y en a qui ont fini à? El Harrach. Mais d'une manière générale, on peut concéder qu'il reste encore parmi les personnels du système, des femmes et des hommes dont les casseroles ne sont pas aussi bruyantes. Au point où on est, les piètres consolations peuvent passer, la théorie du «moins mauvais» n'étant pas encore totalement un mauvais souvenir. Mais pour ce faire, il eut fallu que ces gens-là se fassent petits, au lieu de formuler des solutions, quand ils ne prétendent pas carrément à l'alternative.Ce n'est manifestement pas le cas. Abdelmadjid Tebboune est venu nous dire, la main sur le c?ur et le sourire ravissant, qu'il a été victime du régime qui en a fait un ministre puis un? premier ministre ! Il aurait même été le combattant le plus farouche de la «issaba». Et maintenant Bouhadja qui préside une réunion organique du FLN pour nous apprendre que son parti qui l'a traîné dans la boue, qui a barricadé son bureau et cadenassé les portes de l'Assemblée nationale pour lui en interdire l'accès? n'est plus le même du fait que Bouteflika ne soit plus là. Il aurait peut-être suffi de lui rappeler qu'on ne l'a pas entendu dire un mot envers Bouteflika quand il était «là» mais bon? Dans la foulée, il a même laissé planer le doute quant à sa candidature à la présidentielle. «Tebboune n'est pas le candidat du FLN», nous dit-il. On s'en doutait un peu. La feuille de route a changé : le pouvoir n'a plus «un» mais «des» candidats, puisqu'il faut bien trouver des «concurrents» à son favori. Alors, Bouhadja ou quelqu'un d'autre du FLN va sûrement y aller, comme Mihoubi et d'autres encore. L'ancien président de l'APN nous apprend même que le FLN est en crise mais nous rassure quand même : il va s'en sortir rapidement. Et pour cause, pour lui, la «crise» n'est pas due au rejet des Algériens qui exigent la restitution du sigle au patrimoine commun mais? l'emprisonnement de Djemaï ! Au FLN comme chez les autres clients du système, les arrangements confortables ne se font pas seulement dans la sémantique.
S. L.


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