Algérie

Les Abranis. Groupe de rock kabyle



Les anciens redoublent de musicalité Né en 1967, ce groupe a quarante ans aujourd?hui ! Un record dans le genre. Interview à trois voix : histoire, musique, société, idées? Sans mâcher les mots. Votre dernière sortie en mars 2007, a été vivement saluée. Quel est le secret de la longévité du groupe ? Racontez-nous vos débuts. Karim : C?était une soirée de retrouvailles, de partage et de plaisir. Retourner chez soi après près de vingt ans d?absence ! Nous tenons à remercier le public nombreux, venu à l?auditorium, et les auditeurs qui ont veillé tard pour nous écouter. Nous avons reçu de nombreux témoignages sur notre site « abranis.com ». Cela grâce à la Chaîne II et à l?équipe de l?émission « Irzwzif a yid ». La longévité du groupe, c?est une affaire de persévérance. Pour nous, la musique est d?abord une passion, plus qu?un métier. Nous avons peut-être gardé notre sincérité d?enfant malgré nos âges de pères tranquilles. Le public doit le ressentir. Arezki : A mon avis, le groupe Abranis doit sa longévité à son autonomie et à sa ligne de conduite constante : le respect du métier et du public. Karim : Nos débuts furent laborieux. De la musique moderne, rock de surcroît, en Algérie à l?époque, c?était un vrai challenge. En 1973, les rares producteurs qui existaient ne trouvaient pas de matière pour faire des disques. Les médias en général étaient sous contrôle du parti unique. Nous l?avons fortement ressenti à chacun de nos passages. En France, les émigrés nostalgiques étaient plus sensibles aux sons de flûte et de bendir, contrairement aux gens du bled ! De 1975 à 1990, Abranis a tourné plus à l?étranger qu?au pays : Allemagne, Hollande, Italie, Tunisie, Maroc, etc. En 1993, nous sommes revenus enregistrer Wali Kan, malgré l?ambiance coupe-gorge qui prévalait alors dans ce pays libéré par nos pères et nos frères du joug colonialiste, qui le maintenait à l?état d?indigénat. Nous sommes témoins de cela aussi. Maintenant, l?Algérie est un pays assez vieux pour savoir et assez jeune pour pouvoir. Ce sont juste les volontés politiques qui font défaut bien souvent. Yannick : J?ai eu la chance de rejoindre les Abranis en 1982. Leur musique alliait folklore et modernité, comme l?avaient fait Alan Stivell en Bretagne, Fairport Convention en Ecosse. C?est une expérience passionnante. Revendiquer de sauvegarder une culture n?a rien à voir avec les autonomistes, quels qu?ils soient. C?est le respect d?un héritage en alliance avec la modernité. Le savoir est le remède de tous les maux puisqu?il les guérit presque tous. L?Algérie renferme beaucoup de richesses et de potentialités : artistique, écologique, historique, économique? C?est vraiment un pays d?avenir, pourvu qu?il accède à la paix et à la prospérité, et c?est tout le bonheur que je lui souhaite. Et surtout que les intellectuels y soient libres pour toute création. La longévité culturelle et intellectuelle ne vient que par la production et l?innovation. Quelles sont les musiques qui ont influencé le groupe ? Karim : Cela varie selon les individus. Pour ma part, toutes les bonnes chansons, à commencer par celles que j?ai entendues la première fois sur une radio ramenée par mon frère Iddir quand il rentrait en cachette la nuit à la maison, car il était au maquis en 1957-1959. J?avais alors 9 à 10 ans. J?écoutais Slimane Azem, Taleb Rabah, Chérif Khedam... En 1963, je pars en France avec un grand cousin, qui lui aussi avait effectué son devoir de résistant. Dans ce pays, je découvre alors la « rock-musique ». Arezki : Mes influences vont du patrimoine algérien, de manière générale, aux différents courants musicaux anglo-saxons et autres des années 1960/1970. Yannick : En dehors de la musique classique, des influences anglo-saxonnes, de BB King à Jimi Hendrix en passant par Eric Clapton, Jeff Beck, Duane Allman, Carlos Santana (qui lui aussi a su allier folklore et modernité). Quel regard portez-vous sur la nouvelle scène algérienne et kabyle, en particulier ? Va-t-on vers une décantation ? Karim : La scène artistique algérienne se maintient comme elle peut. Certains en vivent. D?autres, le plus grand nombre, rament et ne parviennent pas à vivre de leur passion. Sans oublier ceux, exilés et morts dans le dénuement total : H?nifa, El Hasnaoui, Zinet... Nous attendons toujours le statut de l?artiste ! Le taux du droit d?auteur à la minute est l?un des plus bas au monde. Quant à la chanson kabyle, elle est réduite au second plan, elle qui jadis était au-devant. Elle ne s?est pas développée à l?échelle internationale. Au contraire, elle a comme accusé un retour en arrière. Durant des décennies, des artistes et des producteurs se sont contentés, sous prétexte du manque de moyens, d?éditer des produits à l?état de maquette, ce qui est malhonnête vis-à-vis du public. Quand on est réduit à enregistrer un album entier, mixage compris, avec une guitare à quatre sous, souvent même pas réglée au diapason, on ne peut aboutir à quelque reconnaissance que ce soit ou justifier cette carence en mettant l?accent sur les textes pour faire passer la pilule auprès d?un public crédule et confiant. Cette pratique ne pouvait que porter préjudice. Je ne vise personne, mais il fallait le dire, car il n?y a pas plus muet que celui qui tait quelque chose de constructif. Une chanson, c?est une musique et un texte à la fois. Il serait temps de changer dans ce monde sans pitié, en constante évolution. Celui qui ne suit pas est condamné à disparaître. Yannick : Il y aura une décantation, la nature va jouer son rôle comme d?habitude, la qualité finira par avoir le droit de cité. J?ai joué avec d? innombrables artistes algériens. Je n?ai qu?un conseil à leur donner, à toutes et à tous : vous avez besoin de « vos » musiciens, alors commencez donc par apprendre à les respecter un tant soit peu... Arezki : La chanson kabyle, pour ne parler que d?elle, souffre à mon sens de malnutrition, si je puis dire. Elle est rongée, n?ayons pas peur des mots, par un anachronisme, une dépersonnalisation et une folklorisation outrancière. Les images, à la limite de l?humiliation, que nous infligent nos médias télévisuels, sont éloquentes. La décantation n?est possible que si les divergences, les antagonismes, l?atavisme, l?individualisme, le carriérisme? cèdent enfin le pas à la remobilisation et à l?esprit de 1980, dont les acquis se noient dans une indigence et une médiocratie programmées. Karim : Heureusement, en ce moment, on assiste à une prise de conscience. Une nouvelle génération d?artistes émerge. Mon fils, Belaïd, a commencé à faire de la musique à mon insu, plutôt en mon absence. Je dois dire qu?il m?a agréablement surpris. S?il accepte mes conseils, (vous connaissez des enfants qui écoutent leurs parents ?), ce sera les mêmes que je prodiguerai à tous les jeunes : ne pas faire d?amalgame entre « passion et métier », réussir d?abord les études et choisir un métier porteur pour assurer sa subsistance. Cela n?empêche pas de s?adonner à son art. Mais, sans un métier parallèle, ils se retrouveront en galère à un moment ou un autre. Si, plus tard, leur passion leur permet de subvenir à leurs besoins, ils joindront alors l?utile à l?agréable. On croit savoir que des dissensions ont fait jour au sein du groupe? Karim : Notre ex-organiste a balancé sur le Net un communiqué dans lequel il condamnait la venue des Abranis à Alger, sous prétexte que celle-ci était capitale de la culture arabe, etc. Or, le contrat que j?ai paraphé, en tant que représentant légal du groupe, avec l?ENTV, ne fait pas référence à cet événement, contrairement aux élucubrations fallacieuses de notre ancien camarade, avide de publicité. Je précise que nous ne travaillons plus avec lui depuis 1992. Le groupe Abranis n?a besoin d?aucune approbation pour se produire devant son public. Nous le lui avons fait savoir et les tensions sont à la baisse. Des projets en vue, un album peut-être ? Karim : Oui, un nouvel album en composition. Mais avant, nous allons rééditer 5 albums et un DVD, tous introuvables actuellement en Algérie ou ailleurs. Les conditions ne sont pas toutes réunies, le temps passe et des projets demeurent en stand-by. Le nouvel album, nous le voulons radicalement rock. Yannick : Avec un gros, son car le rock c?est l?artillerie lourde de la musique. C?est pour cela qu?il passe mieux sur scène. Et Abranis est un groupe de scène avant tout ! Arezki : Comme ils ont dit eux. Le groupe reprendra-t-il son bâton de pèlerin pour de nouveaux concerts ? Karim : Notre groupe n?est plus tout jeune mais n?est pas encore à la retraite. Yannick : Quand on aime, on ne compte pas. Nous sommes toujours prêts à aller là où les gens désirent nous entendre. Arezki : Le bâton de pèlerin, je ne l?ai jamais déposé. Reprendre aujourd?hui avec le groupe est dans la continuité des choses et je m?en félicite, surtout après ce bonheur vécu le 29 mars à Alger, grâce à la radio et bien sûr, au nombreux et noble public. Karim : Nous avons discuté avec des professionnels à Alger. La balle est dans leur camp. Nous espérons que les bonnes intentions à notre égard aboutiront. Il y a un proverbe berbère qui dit : « Nekweni n?tshebir, Rebi yetsdebir » (Nous on s?occupe, Dieu pourvoit). Nous espérons nous produire dans une dizaine de villes à travers le territoire national. BIO-EXPRESS Précurseur de la musique pop rock en Algérie, les Abranis, du nom d?une tribu berbère, a été fondé en 1967. Le succès fut immédiat tant en Algérie que parmi l?émigration. Celui qui en est le fondateur n?est autre que Karim, chanteur guitariste. D?autres musiciens de talent se joindront à cette expérience, à l?instar du batteur Samir Chabane, du guitariste Madi Mahdi et de l?organiste Shamy El Baz. En 1975, après une tournée au pays, le groupe se scinda en deux : Samir Chabane et Madi Mahdi créèrent alors le groupe Syphax. Ce n?est qu?en 1980 que Arezki Baroudi, le batteur, et Hachemi Bellali, le bassiste, rejoignent le groupe. Trois ans plus tard, le Français Yannick Guillo, guitariste, rejoint le groupe. Les tubes à succès du groupe : Linda, Wali Kan, Tizizwa et Avehri. Le groupe compte faire des tournées dans plusieurs villes d?Algérie. Site Internet : www.abranis.com


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