« Le problème ici est que vous regardez l'Occident à travers la France», a, un jour, expliqué un diplomate étranger au chroniqueur. Et c'est juste. Colonisés à outrance, nous sommes du coup enfermés dans la décolonisation, la peur de la recolonisation et l'image du Meursault gras, gros, tueur d'arabe, pieds-noirs ou vignerons durs. Le reste du monde est la France plus ou moins bien traduit, ouvert ou à moitié fermé, difficile d'accès ou de voisinage, fourbe partenaire des accords d'Evian sans fin ou gardiens de nos secrets honteux, géolier de l'Emir Abd El-Kader ou voleur de ressources. Tout Occidental qui débarque chez nous, en diplomate ou en touriste ou en homme d'affaires est vu à travers cette grille qui tatoue la peau de l'histoire et du décolonisé ou ses petits-fils. L'Occident est un espace d'ambigüité pour le décolonisé de la France ou contre son gré. On y va pour s'y soigner mais on y dénonce la mauvaise repentance. On lui demande des excuses et des visas. On discute avec lui d'affaires et d'archives. Du coup, quand il y a des élections en France, il y a des élections dans tout l'Occident. Les Algériens y suivront le spectacle comme on regarde à traves les fenêtres d'un voisin riche qui ne nous invite pas souvent à manger chez lui, sauf malgré lui ou parce qu'on est déjà chez lui. Et quand la France vote à presque 7 millions de Français pour l'extrême droite, c'est vu comme la confirmation que le reste du monde ne veut pas du reste du monde. Comme si l'Occident confirmait sa réputation de mauvais voisin, de gros colon qui mange la terre et le puits. Comme la preuve qu'il veut nous jeter à la mer ou nous laisser le choix entre la valise et le cercueil des mauvaises indépendances.
C'est tout ce que l'on retient des élections françaises ici. Ce pays prouve que le reste de l'Occident veut décoloniser des décolonisateurs & fils qui y vivent selon lui, malgré lui. La vision est grossière mais c'est ainsi qu'elle enjambe la mer. Aux millions de Français qui ont voté Le Pen vont correspondre des millions du Sud qui croient qu'on veut leur voler l'Islam, la terre et qu'on ne les aime pas et qui, du coup, ont droit de ne pas aimer le monde mais lui tourner le dos ou le convertir ou le punir au nom de Dieu. L'extrême droite qui s'y dessine avec 7 millions d'électeurs est un pays du Sahel vert, un territoire du «Salaf» et des salafistes gaulois, un émirat de la souche dans l'imaginaire de l'extrême droite, djihadistes au Sud du Nord. Les extrêmes sont donc là. Ils se font écho et se font signe par-dessus la majorité molle du reste de l'humanité.
Donc, les Algériens ont suivi les élections mais voient l'essentiel: Le Pen a pris le pouvoir. Il ne lui manque que la présidence...
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Posté Le : 24/04/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Kamel Daoud
Source : www.lequotidien-oran.com