Algérie

Les 14 années d'Abdelaziz Bouteflika passées au détecteur d'affaires Analyse éco : les autres articles


Le président Bouteflika est arrivé au pouvoir à la mi-avril 1999. Cela fera 14 ans cette semaine. Son bilan économique peut se résumer ainsi : une hausse providentiellement opportune des cours du brut dès la fin du premier mandat, un programme de dépenses publiques sans précédent dans l'histoire du pays, et trois grandes affaires qui jettent un sortilège à la Baraka présidentielle. Les évaluations sont sujettes à des prismes temporels. En 2008, on aurait surtout retenu l'effort de rattrapage engagé dans les infrastructures. Cinq plus tard, l'angle de lecture change.
Les trois affaires qui jalonnent les années Bouteflika risquent finalement d'être les plus prégnantes dans le bilan final, recul historique compris. Plus sur la colonne du passif que prétendent l'être à l'actif, le Métro d'Alger, l'autoroute Est-Ouest ou le barrage de Beni Haroun. Khalifa Bank, Djezzy, et Sonatrach, trois enseignes dont les démêlées spectaculaires impactent lourdement trois secteurs clés de la création de valeurs dans le pays. Les trois affaires, si préjudiciables aujourd'hui à la performance de l'économie algérienne, détiennent en commun un attachement direct à la gestion personnelle du président de la République des affaires stratégiques de l'Etat.
Khalifa Bank, Djezzy et Sonatrach incarneront dans la durée toutes les tares d'un exercice du pouvoir autocratique, mal documenté, politiquement autiste, et malheureusement, circonstance impardonnable ajoutée à toutes les autres, substantiellement affairiste. Khalifa Bank est arrivée à la «bonne période» économique de l'ère Bouteflika. Celle où le nouveau Président tenait à connecter l'Algérie au monde. A tout prix. Accord d'association avec l'Union européenne, dérégulation des télécoms, encouragement des IDE.
Lorsque l'alerte est donnée sur les malversations de la banque Khalifa en automne 2001, le courrier de la Banque d'Algérie au ministre des Finances, Mourad Medelci, reste sans suite. Arbitrage politique à la présidence de la République. Bouteflika a besoin d'histoires à succès qui portent sa «bonne étoile». 15 mois plus tard, l'effet Madoff s'est empilé dans l'escroquerie Khalifa. Et l'ardoise est devenue lourde. Le «laisser faire» de la présidence lorsqu'il était encore temps de remettre Khalifa sur le droit chemin est le scénario classique des gouvernances attardées.
La suite est du même tonneau. Il aurait fallu sans doute que l'Etat - qui perdait gros dans la faillite frauduleuse de la banque privée à travers les dépôts de ses organismes publics- recapitalise et prenne le contrôle de la banque avant de la revendre à d'autres investisseurs. Ce qu'il a fait plus tard avec le groupe Tonic Emballage. Bouteflika a fait un choix contraire. Tuer toutes velléités de banque privée algérienne. Passée ou future. Conséquence, le secteur privé bancaire, c'est à dire celui qui a les meilleurs rendements, est strictement étranger en Algérie. Une hérésie planétaire. Dont les effets travaillent encore le système financier algérien : Bourse microscopique, marché financier insulaire, moyens de paiement jurassiques.
Dénominateur commun, le manque de confiance dans les opérateurs locaux. La bancarisation reste en Algérie la plus faible du bassin méditerranéen, Libye exceptée. Fracture financière dont le corollaire est la fracture numérique. C'est l'affaire Djezzy. Là aussi, décision présidentielle. Racheter OTA pour stopper - officieusement- les rapatriements de dividendes jugés brusquement en 2008 insupportablement importants. L'offensive contre Djezzy a précédé de plus d'une année le pic de tension algéro-égyptien de novembre 2009. Elle a créé un bug complet du développement des TIC en Algérie.
Le traitement brutal réservé à un investisseur étranger, certes loin d'être irréprochable, a gelé le secteur. Retour au monopole de fait dans la fourniture d'accès Internet, retard indécent de l'Internet mobile (3G), impossibilité des transactions électroniques, misère de la production des contenus pour le Web. Le récent classement humiliant de l'Algérie par les experts du World Economic Forum sur le front des TIC a provoqué une vive émotion à Alger. Il est sans doute exagérément sévère avec la performance du pays dans le domaine.
Mais pas très loin de la vérité. L'affaire Djezzy a tout paralysé. Y compris la marche suggérée de mettre le management d' Algérie Télécom entre les mains expertes d'un grand opérateur étranger. Les décisions personnelles du président Bouteflika sont également derrière le naufrage de Sonatrach. En 2006, l'affaire Sonatrach- BRC (Brown Roots and Condor) avait mis au jour l'affairisme prégnant de la gouvernance du secteur de l'énergie. C'est d'ailleurs toujours une affaire pendante pour l'ex-ministre du secteur, Chakib Khelil, grand artisan du plan de charge doré et surpayé de la joint-venture algéro-américaine. Les frais auraient dû s'arrêter là.
Le président Bouteflika a choisi là aussi de protéger sa mise. Et de bloquer l'instruction judiciaire. La suite est connue. Plus ample, plus chère pour le Trésor public, plus dévastatrice pour le climat contractuel sur le domaine minier algérien en jachère. Finances, Télécom, Energie : la panne est aujourd'hui complète. Si pendant ce temps le taux d'inflation remonte à près de 10% et le taux de chômage déborde dans la rue au-delà des hallucinatoires 9% officiels, alors du bilan économique du président Bouteflika il restera surtout une ombre noire. Comme une amputation. Un tronçon toujours non livré de l'autoroute Est-Ouest ; un autre scandale. Une autre affaire.
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