Algérie

Lenteur et subjectivité dans l'octroi des autorisations



Lenteur et subjectivité dans l'octroi des autorisations
Le président du groupe Cevital, Issad Rebrab a bien eu raison de déclarer lors d'une interview accordée tout récemment à la chaîne de télévision Dzair News que l'investissement privé algérien est bridé par un personnel politique qui n'arrive pas à se défaire de la mentalité des années socialistes.Quand on sait que ce sont les mêmes hommes qui présidaient aux destinées du pays à l'ère socialiste, qui gèrent aujourd'hui encore une Algérie qui a depuis 1990 pris officiellement option pour la libre entreprise, on ne peut qu'applaudir aux propos de cet entrepreneur hors du commun.Il faut bien se rendre à l'évidence que la plupart des dirigeants qui nous gouvernent avaient pris effet et cause, s'ils ne l'avaient pas directement inspiré, pour la charte nationale de 1976 dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'était pas tendre envers les entrepreneurs privés. D'où cette incapacité de se défaire de cette certitude que l'entreprise privée doit constamment être soumise au contrôle des institutions de l'Etat qui se conduisent à son égard comme d'authentiques actionnaires.Cette perception étriquée héritée de cette période qui réservait la part belle aux sociétés nationales au détriment des entreprises privées, est encore présente aujourd'hui à travers certains hommes politiques influents qui ont pour caractéristique d'avoir servi sous le régime socialiste.C'est précisément ce qui fait que l'Algérie qui se targue d'avoir instauré depuis 1989 la liberté de commerce et d'industrie, est paradoxalement le seul pays au monde où un investisseur qui veut risquer son argent pour créer de la richesse et de l'emploi, doit préalablement demander l'autorisation du gouvernement. Une autorisation qui prendra plusieurs mois, voire même plusieurs années, avant d'être accordée et, dans de nombreux cas, refusée.Même les pays les plus fermés au monde comme la Birmanie, Cuba et tout récemment la Corée du Nord, ont mis fin à cette ridicule formalité, se contentant comme il est tout à fait naturel d'une simple déclaration d'investir qui obligera l'investisseur à s'acquitter convenablement de ses obligations fiscales et sociales. Pour lancer un projet industriel d'importance, un promoteur algérien doit obligatoirement informer le gouvernement par le truchement du Conseil national de l'Investissement où il se doit de déposer une demande accompagnée de toutes les pièces administratives y afférents.Ce Conseil présidé par le Premier Ministre et composé d'une dizaine de ministres, est censé promouvoir l'investissement productif, mais en réalité, il contribue beaucoup à le verrouiller du fait que les considérations politiques priment bien souvent sur les objectifs économiques attendus.Compte tenu du nombre élevé des membres de ce Conseil et de leurs agendas chargés, il est très difficile de réunir autant que nécessaire et dans des délais acceptables, le quorum nécessaire pour délibérer.Ce qui explique l'accumulation de dossiers d'investissement en attente de feu vert au grand dam des promoteurs qui perdent ainsi beaucoup de temps et d'agent. Il faut en effet savoir qu'un promoteur qui n'obtient l'accord d'investir qu'au bout de deux à trois années d'attente, comme s'est malheureusement souvent le cas, sera nécessairement contraint de reconsidérer son business-plan, car beaucoup de paramètres de gestion auront changé entre-temps. Le coût des équipements va augmenter, la main-d'?uvre sera plus chère et les débouchés des produits moins sûrs.Il n'est, de ce fait, pas rare que des investisseurs abandonnent leurs projets devenus non rentables, après obtention de l'autorisation du Conseil National de l'InvestissementCette problématique de l'autorisation préalable de l'Etat pour investir, que le patron du groupe Cevital a dénoncé n'est, en réalité, pas nouvelle et les syndicats patronaux, à l'instar du Forum des chefs d'entreprise (FCE) ont maintes fois réclamé sa suppression et son remplacement par une simple déclaration d'investir, comme cela se fait dans pratiquement tous les pays du monde.Leur doléance est d'autant plus recevable que le gouvernement clame à longueur d'année son souhait de sortir l'industrie productive du dangereux marasme dans lequel elle se trouve, notamment en raison des goulots d'étranglement que provoque le Conseil National de l'investissement. Cette légitime revendication n'a curieusement débouché que sur la suppression de cette formalité au profit des investisseurs étrangers. Les promoteurs algériens continuent aujourd'hui encore à y être soumis.Cette décision, pour le moins discriminatoire, montre à l'évidence que le gouvernement ne souhaite aucunement souscrire aux v?ux des investisseurs algériens car le Conseil national de l'Investissement sert en réalité de moyen de contrôle de l'expansion des entreprises privées qu'il faut autant que possible maintenir à une « taille gérable », notamment, lorsque leurs patrons n'ont pas encore pris fait et cause pour le pouvoir en place.M. Issad Rebrab, a donné à l'occasion de son interview, la longue liste de ses projets (trituration de graines oléagineuses, port intégré de Cap Djinet, usine de machines à laver de Sétif, complexes sidérurgique etc.) bloqués au niveau de cette instance depuis plus de cinq années, mais il ne serait pas le seul à se plaindre de la lenteur et de la subjectivité du Conseil à connotation beaucoup plus politique qu'économique, que d'aucuns qualifient de véritable crime économique qui empêche l'Algérie de se développer sainement en diversifiant son économie.Le Forum des Chefs d'Entreprises avait estimé en 2011 le manque à gagner total occasionné par la CNI à environ 35 milliards de dollars. Un chiffre faramineux qui avait conduit de nombreux journalistes à utiliser le terme de « crime économique » pour qualifier cette gigantesque perte qui aurait pu faire gagner à l'Algérie au minimum 2 points de croissance supplémentaires chaque année. Le manque à gagner est certainement beaucoup plus important aujourd'hui.Ce qui est un paradoxe pour un gouvernement qui cherche à faire face au plus vite aux lourdes restrictions budgétaires que ne manquera pas d'induire la forte baisse des revenus pétroliers.




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