Les optimistes choisiront de lire dans les chiffres fournis par le
gouverneur de la Banque d'Algérie les signes d'une stabilité. Les plus
critiques ceux d'une inquiétante stagnation et de l'absence d'efficacité de la
politique économique. Une économie dominée par les exportations d'hydrocarbures
et l'importation de tout le reste. C'est la conclusion que l'on retire, une
fois de plus, du tableau dressé par le gouverneur de la Banque d'Algérie. Le
tableau, qui ne surprend pas les observateurs, représente bien une synthèse de
l'évolution de l'économie nationale.
La présentation très factuelle de l'état de l'économie et des finances du
pays devrait normalement faire grincer quelques dents du côté du palais du
gouvernement car elle démontre, en creux, le peu d'efficacité de la politique
économique. Plus que jamais en effet, les performances nationales sont
asservies aux marchés pétroliers. Dans un contexte de récession mondiale, le
pétrole a quand même résisté et assuré à l'Algérie un niveau de revenus
externes satisfaisant et à même d'amortir les chocs externes. A cela est venue
s'ajouter la baisse relative des prix des produits alimentaires. «La situation financière
extérieure de l'Algérie demeure solide en dépit des incidences de choc externe
de la crise financière et économique internationale sur la balance des
paiements» s'est félicité M. Mohamed Leksaci. Ainsi, et malgré ces
circonstances adverses, les réserves de change ont atteint144,32
milliards de dollars à fin juin 2009 contre 143,1 milliards de dollars à fin
décembre 2008. Selon le rapport annuel lu à la tribune de la Chambre basse, la
stabilité des réserves, conjuguée à la modestie de la dette extérieuresont
des instruments de protection contre la grave crise économique internationale.
Le taux de change de la monnaie nationale se rapprochait de son point
d'équilibre en juin 2009.
Recul des exportations hors hydrocarbures.
Sans surprise, il constate que le vecteur de transmission des effets de
la récession mondiale sur l'économie algérienne s'est manifesté surtout à
travers la baisse des prix et de la demande de pétrole.Les exportations
d'hydrocarbures ont été divisées par deux au premier semestre 2009: 19,96
milliards de dollars contre 41,70 milliards au premier semestre 2008.
Sur ce front l'amélioration des cours mondiaux depuis le début de l'année
constitue un soulagement après la contraction des marchés au dernier trimestre
2008. Le gouverneur de la Banque centrale note que les exportations hors
hydrocarbures ne décollent toujours pas et reculent même à 370 millions de
dollars. Une certaine continuité caractérise le niveau d'importation, celles-ci
atteignent 19,19 à juin 2009 contre 19,70 mds USD au 2e semestre 2008. On note
un élargissement des importations des biens d'équipement industriel (34,07%),
en raison notamment de l'accélération du rythme des investissements étatiques -
essentiellement des infrastructures - et ceux du secteur des hydrocarbures.
En revanche, et c'est une bonne
nouvelle pour les comptes externes si la tendance se maintient, les
importations des biens alimentaires ont reculé de manière substantielle de -21%
au cours du premier semestre 2009 comparativement à la même période de 2008
marquée par une forte hausse des prix sur les marchés internationaux.
Des IDE toujours faibles.
Autre observation révélatrice, la faiblesse des investissements directs
étrangers, les fameux IDE. En 2008, ces IDE représentaient 2,33 milliards de
dollars, dont 1,26 milliard de dollars au second semestre. En 2007, ces
investissements s'élevaient à seulement 1,37 milliard de dollars, selon la même
source. Au premier semestre 2009, le tassement des IDE se confirme, ils n'ont
atteint que 700 millions USD. La récession mondiale n'explique qu'en partie la
contre-performance. Les données financières internes présentent un profil quasi
symétrique avec celui des statistiques externes. Le gouverneur de la Banque
d'Algérie Mohamed Leksaci a annoncé que les revenus budgétaires sont passés de
2.483,3 milliards de DA au premier semestre 2008 à 1.962,6 milliards de DA au
premier semestre 2009, soit une baisse de 21%. Naturellement cette baisse est
imputable «au repli des recettes fiscales pétrolières de moins 35,4% dans une
conjoncture caractérisée par une augmentation de la fiscalité ordinaire». La
forte baisse de la contribution des recettes des hydrocarbures est
essentiellement liée aux prix des hydrocarbures exportés tout au long du
premier semestre de l'année 2009.
Contraction des recettes hydrocarbures.
Le prix moyen a été évalué à 51,89 dollars/baril au premier semestre 2009
contre 111,56 dollars/baril au premier semestre 2008", explique le patron
de la Banque d'Algérie. Ainsi, les recettes pétrolières au premier semestre
2009 n'ont atteint que 63,1% du total des recettes budgétaires contre 77,2% au
premier semestre 2008.
Les recettes des hydrocarbures se sont contractées, reculant à 1.238,7
milliards de dinars à juin 2009 contre 1.918,3 milliards de dinars au premier
semestre 2008, soit une baisse supérieure à 20%. A l'inverse, les recettes
fiscales hors hydrocarbures ont positivement évolué de plus de 28% passant de
565 milliards de DA à 723,9 milliards de dinars. Le gouverneur Leksaci confirme
les bons chiffres que l'Algérie a enregistrés en 2008, année de l'aggravation
de la crise mondiale, grâce à des performances correctes, toutes choses étant
égales par ailleurs, dans le secteur des hydrocarbures et malgré le rendement
négatif de l'agriculture. L'inflation aurait été maîtrisée à environ 4,4% en
moyenne annuelle contre 3,5% en 2007 en dépit de l'inflation importée. Le
panier de la ménagère, qui ne fait pas la différence entre inflation locale et
celle importée, paraît nettement plus allégé...
Selon la Banque centrale, le PIB a progressé grâce à la vitalité des
secteurs du bâtiment et des travaux publics, des industries et des services. La
croissance hors hydrocarbures, tirée par le programme des investissements
publics, dépasse 6% pour la deuxième année consécutive. La contribution de
l'agriculture au PIB est inférieure à 7% illustrant, au-delà de la trop
coupable pluviométrie, les insuffisances graves dont pâtit ce secteur.
La croissance économique, qui ne crée pas beaucoup d'emplois et ne semble
pas améliorer le niveau de vie moyen, est essentiellement tirée par les
importants chantiers d'infrastructures intégralement réalisés par des
entreprises étrangères.
Des fondamentaux... qui se trouvent ailleurs.
Il ressort globalement du rapport annuel présenté par le gouverneur de la
Banque centrale que l'essentiel des fondamentaux qui déterminent l'économie
nationale se situent au niveau des marchés mondiaux. Comme toujours, le prix du
pétrole et celui des produits importés - alimentaires notamment - conditionnent
l'ensemble du tableau. La souveraineté économique, à tout le moins l'existence
de leviers et de marges de manoeuvre, à cette aune également est directement
interpellée. La faiblesse persistante de la production interne - et
l'incapacité manifeste à la dynamiser - prive le pays des moyens de réduire une
dépendance socialement aggravée par la persistance d'un taux de chômage élevé.
Le rapport du gouverneur de la Banque d'Algérie étaye, bien
involontairement, le caractère irréductiblement - et de plus en plus - rentier
de l'économie. Car à l'importation de produits en l'état, viennent s'ajouter
les prestations de services facturées en devises. On aurait apprécié, à cet
égard, de disposer de plus d'informations sur les transferts de dividendes et
de profits vers l'étranger des divers opérateurs où «investisseurs»
commerciaux...
Réserves de change ou non, la situation économique est plus stagnante que
stable. Dans le schéma d'organisation qui apparaît en filigrane du rapport
annuel de la Banque d'Algérie, les structures de l'économie algérienne semblent
se résumer à une passerelle ou à un drain entre la production pétrolière et les
importations de biens et de services.
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Posté Le : 17/10/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saâdoune
Source : www.lequotidien-oran.com