Hier au Liban se tenaient les premières élections législatives depuis neuf ans. Elles se déroulaient conformément à la nouvelle loi adoptée après de longs mois de bataille entre les différentes forces politiques du pays.Le Liban se préparait aux législatives. Cependant, beaucoup craignent qu'au lieu de faire sortir le pays de la crise politique permanente la nouvelle loi selon laquelle se dérouleront les élections provoquera davantage de chaos, écrit le quotidien Kommersant.
La situation est encore aggravée par le contexte international défavorable: l'Iran et l'Arabie saoudite s'affrontent pour l'influence au Liban, qui a failli se transformer en avant-poste du groupe terroriste Daech* et vit dans l'attente d'une nouvelle guerre contre Israël.
Le vote devait avoir lieu en 2013 mais les députés ont prolongé plusieurs fois leurs pouvoirs dans l'impossibilité de trouver un terrain d'entente sur la nouvelle loi encadrant les élections. Depuis les dernières législatives, le Liban a connu plusieurs changements de gouvernement et a vécu pendant plus de deux ans sans président faute d'entente entre les principaux acteurs politiques du pays. Pendant la crise présidentielle déjà, certains pensaient que la nouvelle loi sur les élections pourrait permettre de stabiliser le Liban.
Le système politique du Liban est le résultat d'un compromis ethno-confessionnel. Traditionnellement, le Président (élu par le parlement) est issu de la communauté chrétienne maronite, le Premier ministre est un musulman sunnite et le président du Parlementest un musulman chiite. Le Parlement est réparti de manière parfaitement égale entre les chrétiens et les musulmans.
Selon la spécialiste du Liban Irina Mokhovaïa, candidate ès sciences politiques, les élections ne changeront pas grand-chose au système politique libanais basé sur les principes de loyauté clanique et confessionnelle. "Les institutions du Président et du Parlement ont une fonction décorative: toutes les principales décisions - la nomination du chef de l'Etat et du gouvernement - sont le résultat d'ententes et de concessions entre les chefs de clans. Le principal résultat des législatives au Liban est qu'elles auront enfin lieu, et que dans le pays sera maintenue l'apparence d'un système démocratique", explique l'experte.
On estime que les résultats des élections précédentes ne tenaient pas compte de la position d'une grande partie des électeurs libanais. En arrivant dans un bureau de vote, un citoyen libanais pouvait choisir plusieurs candidats de différentes listes politiques dans son district électoral. La simple majorité remportait la victoire. Désormais, les Libanais donnent deux voix: une pour la liste politique dans l'ensemble et une autre pour le "favori" de cette liste. Pour chaque 10% de voix, la liste obtient la possibilité de présenter son candidat au Parlement du district électoral. Les "favoris" de chaque liste passent. Mais la situation est telle que dans un district électoral certains partis s'unissent pour former une liste commune, alors que dans un autre ces mêmes partis s'opposent. Les candidats d'une même liste s'affrontent activement entre eux. Certains disent que l'équilibre ethno-confessionnel a été enfreint dans certains districts électoraux.
La plupart des experts libanais pensent que le bloc du premier ministre sortant Saad Hariri, soutenu par l'Arabie saoudite, perdra plusieurs places au parlement, tandis que le mouvement chiite Hezbollah et ses alliés, au contraire, obtiendront des voix supplémentaires. Mais dans l'ensemble, déclare le directeur du centre libanais d'études médiatiques Salem Zahran, la composition du nouveau Parlement se différenciera peu de celle que l'on connaît actuellement: la même élite politique restera au pouvoir. "La seule chose qui pourrait influencer la situation au Liban est une explosion dans la région", estime l'expert.
Les Libanais craignent que leur pays devienne une arène d'affrontement violent entre l'Arabie saoudite et l'Iran, et jugent également inévitable un conflit du Hezbollah et de l'Iran contre Israël. Comme le fait remarquer l'observateur politique libanais Tawfik Chouman, deux projets politiques continuent de rivaliser dans le pays: le "projet de résistance" (avec le Hezbollah et l'Iran) et le projet soutenu par les pays arabes du Golfe, notamment l'Arabie saoudite. "Les forces qui prendront le dessus décideront du sort du Liban", conclut l'expert.
Les Libanais aux urnes
Les bureaux de vote ont ouvert à 07H00 (04H00 GMT) pour accueillir les quelque 3,7 millions d'électeurs. Malgré l'heure matinale, des files s'étaient déjà formées dans la capitale Beyrouth devant plusieurs bureaux, dans une atmosphère détendue.
Le Parlement (128 députés) devrait être dominé par les partis traditionnels, parmi lesquels le puissant Hezbollah. Ces dernières années, le pays a connu des crises à répétition, évitant, souvent de justesse, l'engrenage de la violence malgré une situation géographique sensible, entre la Syrie en guerre et Israël. Entre 20 000 et 30 000 policiers et soldats ont été déployés pour sécuriser le vote, dans un pays frappé ces dernières années par des attentats meurtriers. Avec une classe politique accusée de corruption et de népotisme, incapable de relancer une économie brinquebalante, la population aspire à un changement qui semble difficile à concrétiser. "C'est la première fois que je vote", confie Thérèse, 60 ans, devant un bureau de vote dans la capitale. "Je viens soutenir la société civile, parce que personne d'autre ne me plaît dans ce pays, même si je ne pense pas qu'ils vont gagner", poursuit-elle. "Je soutiens du sang frais". A des dizaines de kilomètres de là, dans la ville de Tyr (sud), Jalal Naanou, partage la même conviction. "On est venu voter pour avoir de nouveaux députés, parce que sans changement, notre situation ne va pas changer, voire elle va empirer" lâche le jeune homme de 28 ans.
Hezbollah
Les dernières législatives au Liban remontent à 2009. Le Parlement avait prorogé à trois reprises son mandat, invoquant notamment des risques sécuritaires. Indépendamment de l'issue du scrutin, le Hezbollah, seule formation à ne pas avoir abandonné les armes après la guerre civile (1975-1990), devrait continuer de dominer la scène politique. Malgré les divergences et parfois même l'animosité, les décisions politiques majeures sont souvent prises par consensus entre les forces politiques rivales, le Hezbollah, le Premier ministre Saad Hariri et le président Michel Aoun orchestrant le jeu. Quelque 597 candidats répartis en 77 listes sont en lice, pour des législatives organisées pour la première fois selon un mode de scrutin proportionnel. Mais la répartition des sièges est aussi régie par un subtil partage confessionnel, entre les différentes communautés religieuses, et respecte une parité islamo-chrétienne. Les 1 880 bureaux de vote devaient fermer à 19H00 (16H00 GMT) et les résultats pourraient être annoncés dès le lendemain dans les 15 circonscriptions.
Dossiers épineux
La nouvelle loi électorale adoptée en 2017 a incité des candidats de la société civile à tenter une percée.
C'est le cas notamment de la coalition "Koullouna Watani", qui appelle les électeurs à se mobiliser contre l'establishment politique traditionnel.
"Si le taux de participation s'avère plus important que lors des précédentes élections, cela signifiera plus de voix allouées aux listes de la société civile", estime l'expert Said Sanadiki, évoquant une "majorité silencieuse" qui boude généralement les scrutins.
Les prochains élus devront se pencher sur des questions politiques, mais aussi économiques majeures, dans un pays habitué aux coupures d'électricité quotidiennes, aux pénuries d'eau et à un problème de gestion des déchets ménagers qui perdure depuis trois ans.
Le Liban doit par ailleurs se lancer dans ses premières explorations d'hydrocarbures en Méditerranée, une possible manne financière pour un pays qui croule sous une dette publique culminant à 150% du PIB, le troisième taux le plus élevé à l'échelle mondiale.
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Posté Le : 07/05/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Nawal Z
Source : www.lemaghrebdz.com