Algérie

Législatives L'abstention a «voté»



Le scrutin de ce jeudi a été marqué par un taux d'abstention très fort. Ce sont près des deux tiers des Algériens en âge de se prononcer qui ont boudé les urnes. Le vote du 17 mai est un désaveu de la politique des partis de l'opposition et, en même temps, de celle des partis au pouvoir, un comportement et un résultat qui devraient soulever chez la classe politique de manière générale moult questions et imposer autant de lectures. Les 35% de participation consacrent, sans doute, l'échec de la campagne électorale, une campagne médiocre qui n'a brillé que par les promesses inutiles et les discours futiles. Ils consacrent aussi l'échec de la politique des partis dans leur choix trop discutable des hommes, mais, et c'est là le plus important, ils consacrent le refus du peuple à ce que la chose publique soit continuellement considérée comme une affaire d'intérêts privés, restreints et sans commune mesure avec les préoccupations des citoyens. Ne nous cachons plus le visage et gardons les yeux bien ouverts ! Entre les attentes du peuple et le comportement de ceux censés le représenter, le décalage est immense. Ce comportement des élus n'est malheureusement pas accidentel ou nouveau; mais bien au contraire, il s'agit d'une perversion en règle de la responsabilité sociale et de la conscience politique. Le simple citoyen a appris à ne plus compter sur ses élus pour effectuer, en son nom, le contrôle de l'action du gouvernement. Il a appris à ne plus revoir ses représentants que la veille d'élections. Il a compris que plus personne, là-haut, ne pose ses problèmes, ne s'inquiète de son sort ni ne prend en charge ses préoccupations. Le scrutin de jeudi passé a donc donné lieu à une décision, à un choix, puisque seulement à ce niveau-là il a encore la possibilité de choisir.  Le résultat du scrutin a beaucoup de significations pour qui veut comprendre. Les Algériens rejettent en bloc les critères archaïques selon lesquels les partis continuent à sélectionner les hommes. Evaluer la capacité des hommes à moderniser le pays, au troisième millénaire, en fonction uniquement de leur appartenance tribale est une insanité que les Algériens refusent désormais. Parachuter des noms dans des circonscriptions électorales desquelles ils ne font même pas partie est une autre aberration qui ne passe plus. Compter sur la «bonté » du peuple est un procédé qui ne fait plus recette. Nous sommes dans un moment de l'histoire de l'humanité que tout le monde s'accorde à nommer « l'ère de la connaissance », une époque où les compétences sont regardées avec la plus grande attention et mobilisées avec la plus grande volonté, une époque où tout se joue sur la compétence. Comment se peut-il que chez nous, aujourd'hui encore, on continue à piétiner le peu de compétences qui restent à cause de l'incapacité de certains à suivre l'évolution de l'environnement international ? Ceux qui n'ont pas bien saisi le phénomène douloureux de la harga, l'évolution dangereuse de la criminalité dans notre pays et l'indifférence grandissante des citoyens, devraient se presser de se ressaisir. La pauvreté, loin d'être éradiquée dans un pays à la richesse avérée, ne fait que prendre de l'ampleur, l'analphabétisme est toujours là avec ses taux inquiétants, les maladies d'un autre temps n'ont pas fini de se propager, l'industrie boite, l'université agonise, l'école n'en finit pas avec les « réformes stériles », l'agriculture consomme son échec, les jeunes diplômés envahissent les trottoirs en désoeuvrés... Et pour couronner le tout, la malvie étend ses lambeaux bien au-delà des territoires qui étaient siens il y a une dizaine d'années encore. Le peuple a voté en mature. Et, de ce point de vue, l'interprétation donnée par M. Yazid Zerhouni, lors de sa conférence de presse, est perspicace à plus d'un titre. En effet, le peuple ne se contente plus d'attendre des changements qui tardent à venir, il les réclame dorénavant à travers les 65% d'abstention et à travers les 15% de bulletins nuls. Des changements qui ne peuvent être probables qu'à partir du moment où certaines pratiques cesseront.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)