Le dépassement de la raison dans le Tassawuf
Comme ils ont coutume de le faire depuis quinze jours, des centaines de fidèles se sont pressés avec ferveur, mercredi dernier à 22 heures, dans la fastueuse salle du Minbar de la Zaouia de Sidi Mohamed Bel Kaïd pour suivre la conférence de M. Eric Younes Geoffroy, professeur d’islamologie à l’université Marc Bloch à Strasbourg, qui a traité du «dépassement de la raison dans le Tassawuf (Soufisme)».
Ce spécialiste du soufisme est auteur de six ouvrages sur ce sujet et d’une série d’articles, dont une vingtaine publiée dans l’Encyclopédie de l’Islam, était bien apte à traiter d’une si délicate et intéressante question. Moins un orateur qu’un habile dialecticien, il fut écouté avec beaucoup d’intérêt. Il sut avec une grande facilité d’élocution exposer clairement l’opinion qu’il a sur ce sujet.
Son premier mot fut d’évoquer le nom du grand soufi Abou El Hassan Chadily. Cette évocation opportune ne manqua pas de plaire à tous les fidèles de la tariqa Belkaïdia El Habria laquelle est une branche de la voie Chadliya. Sidi Abul Hassan Chadyli est le disciple de Sidi Abdesalam Ben Mechich lequel a reçu l’enseignement de Sidi Abou Medien, le saint patron de Tlemcen.
On se rendit compte dans ce début et même après qu’il eut cité quelques soufis égyptiens qu’il connaissait bien le Tassawuf égyptien. Quels arguments a-t-il produits pour affirmer ce dépassement de la raison dans le Tassawuf?
En ce qui concerne la définition de la raison, tous les philosophes sont d’accord. Elle est d’ailleurs simple et peut être donnée en quelques mots: C’est la faculté par laquelle l’esprit humain atteint la connaissance grâce à ses propres facultés et en dehors de toute révélation.
La raison, fait remarquer M. Eric Younes Geoffroy, s’oppose à la foi qui est la croyance ferme en la révélation divine. On demanda au grand soufi Al Junaïd (M 910) ce qu’est le Tassawuf. Il fit cette réponse: Le Tassawuf est la présentation des moments privilégiés et cela consiste pour le serviteur à ne considérer que les limites de sa condition, à ne se préoccuper que de son Seigneur et à n’adjoindre d’autre présence que son moment.
Mais qui donc dirige le travail de la pensée chez le soufi? Prenant appui sur une citation du grand soufi d’Andalousie Muhiyi El Din Ibn Arabi, le conférencier affirme que c’est le cœur qui est la demeure de la connaissance et de l’intention. Citant cet autre grand soufi, Abdelhamid El Ghazali, M. Eric Younes Geoffroy ajouta que c’est la connaissance par le cœur qui ouvre la voie à des inspirations divines (Il-Ham).
On pourrait se demander si la raison est étrangère au Tassawuf. A cela, le conférencier déclara que le soufisme n’est pas irrationnel et qu’il est plutôt supra-rationnel. On sait que ce qui est rationnel est fondé sur l’esprit de méthode et des connaissances scientifiques.
Le Tassawuf n’est-il pas plutôt empirique? Non, rétorqua M. Eric Younes Geoffroy, le soufisme est une science. Il est vrai, ajouta-t-il, qu’il ne s’en suit pas que le soufisme ait son origine ou même son fondement dans la raison.
La science du Tassawuf est la science des états spirituels (Ahwal). Le grand et célèbre soufi Abu Bakr Ibn Dular Ibn Jahdar El Shibli récitait ces quatre vers:
«La science du soufisme est inépuisable; c’est une science sublime, céleste, seigneuriale pleine d’enseignements pour les maîtres. Ne la connaissent que les hommes doués de grandeur et gratifiés de la prédilection divine.»
A propos de la Sharia’â et de la Haqiqa, le conférencier fit préciser que la Sharia’â ou la loi exotérique est l’acte de l’homme. Quant à la Haqiqa ou loi ésotérique, c’est la vérité métaphysique. Elle signifie la connaissance de Dieu. El Haq est Dieu en tant que Réel et Vrai.
En général, les Fuqaha, c’est-à-dire les littéralistes, ceux qui sont portés à la lettre du Coran, s’opposent aux fuqaha, c’est-à-dire les fidèles de la voie spirituelle.
Dans la suite de son discours, l’orateur rappela que le Tassawuf et l’école de théologie dogmatique, issue de l’enseignement d’Abu l-Hassan Al Ashari, étaient en opposition et faisaient souvent la guerre.
A la suite de l’imam Ahmed Ibn Hambal, Ibn Taïmiya et son disciple Ibn-al Qayim et à leur suite Mohamed Abd-Al Wahab et ses disciples sont partis en guerre contre le Tassawuf. C’est ce qu’ils firent également à l’endroit des Mutazila, des Qadariya et des Kharijites.
Le conférencier insista longuement sur ce point. C’est donc assez pour nous convaincre que le Tassawuf, qui nous manque beaucoup de nos jours, a sa source dans le Coran.
Le Coran admire ces hommes que «nul négoce et nul troc ne distraient du souvenir de Dieu, de la prière et de l’aumône (sourate XXIV, V.37)». Dieu Tout-Puissant a dit: Ceux qui marchent humblement sur la terre et qui disent «paix» aux ignorants qui s’adressent à eux (Coran XXV.64) auront pour récompense la place la plus élevée du Paradis.
Après cette admirable conférence, saluons encore une fois le professeur Eric Younes Geoffroy pour avoir traité, avec talent et tact, d’un sujet aussi complexe qu’embarrassant.
je prie DIEUX le tout Puissant pour qu'il accord une bonne santé & une longue vie plein de prosperité de joie & de bonheur à notre cheikh Sidi mohamed abdelatif Amine ya rab el 3alamine
BOUHANNA Brahim - CONSULTANT EN FORMATION ENTREPRISES - ANNABA, Algérie
14/06/2011 - 15867
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Posté Le : 16/10/2008
Posté par : hichem
Ecrit par : Rachid Benblal, Avocat & historien
Source : www.voix-oranie.com