Algérie

Le Zoom du Samedi



Que celui qui a voté lève la main La semaine a remballé ses jours et tourné une autre page. Elle nous a laissé un pays qui n’a pas daigné voter et des urnes qu’on a daigné bourrer. Après les Arabes qui se tiraient dessus en Palestine, c’est au tour d’autres Arabes de s’entretuer au Liban. L’Irak détient toujours la palme de l’horreur alors que, sous d’autres cieux, les gens vivent heureux. Longtemps et heureux. Les abstentionnistes vous saluent bien! Ben, quoi dire de plus qui n’a été dit sur le 17 mai. Les Algériens d’en bas ont préféré ne pas respirer le jeudi des urnes, jouant aux absents et tournant le dos aux visages collés sur les murs lépreux de la République. 65% d’indifférents, selon Zerhouni, environ 80% de fantômes, d’après les sigles qui ont voté le boycott et les partis qui ont vu tous leurs candidats recalés et un peu plus de 100% selon les premiers concernés, les habitants de la rue qui ont décidé que, une fois pour toute, puisque l’Algérie pouvait se passer d’eux 11 mois sur 12, 23 heures sur 24, 6 jours sur 7, alors eux, ils pouvaient bien se passer de l’Algérie le reste du temps. Et ce n’est que justice. Les Algériens, ceux qu’on ne montre jamais dans les jités, ceux qui refusent de marcher lorsqu’on les siffle, ceux qui polluent l’air de leur respiration lourde de malentendus, ceux qui ont été oubliés par l’indépendance, ceux qui sont morts et qu’on a bâillonné dans leur tombe, ceux qui n’ont que leur prénom pour commencer la vie, ceux là et des millions d’autres ont refusé de cautionner la comédie nationale. Ils ont refusé, par leur abstention, à travers les bulletins nuls, d’applaudir la mauvaise mise en scène d’un énième épisode d’un drôle de feuilleton, ou dirai-je d’une télé-réalité (c’est ce qu’il faut dire pour paraître branché) où les vedettes ne sont pas celles que l’on croit. Les Algériens d’en bas n’ont pas voté et il ne faut pas trop leur demander pourquoi. Ils se sont levés le jeudi et ont décidé de ne pas trop se faire emmerder par un vote qui, finalement, ne les regarde pas. Ils n’ont pas voté sans se poser trop de questions, sans faire de chichis, sans se prendre la tête et enfin pour ne pas déroger à leurs habitudes électorales. Alors on a eu droit à toutes les analyses possibles et imaginables. L’Algérien en a marre des promesses, il ne se reconnaît pas dans ces visages gros et gras, ne fait plus confiance dans le parlement, comme s’il lui avait jamais fait confiance un jour, et patati et patata et que je t’en remette une double couche d’analyse à la h’rissa et un plat de commentaires sur l’abstention avec deux boulettes de kefta, des frites pourries et un chouia de felfla. On l’a disséqué, ce pauvre électeur, pour trouver ce qui clochait chez lui. On l’a lobotomisé pour extraire de son cerveau réfractaire l’idée de ne plus voter lorsqu’on a besoin de sa voix. On a pris son sang, enfin ce qu’il en restait, pour l’analyser, histoire de localiser ces gènes de l’abstentionnite, un microbe facilement contagieux. On les a vus ces patrons de partis, véritables PME pour leurs propriétaires, fustiger la presse rendue coupable de noircir l’image du député et s’en prendre au petit peuple jurant qu’ils allaient demander à Boutef de changer de ghachi. On a entendu de tout et du n’importe quoi sauf la vérité qu’on a voulu escamoter. L’Algérien n’a jamais voté de sa vie. L’Algérien n’a jamais fait confiance à ces costumes cravates venus lui dire que sa vie sera meilleure s’il votait pour leurs portefeuilles. L’Algérien a toujours été un grand abstentionniste devant l’Eternel et, malgré tous les appels à la participation, même moi j’y suis parti de ma chronique, aucun argument n’a pu le convaincre du contraire. Toutes ces grandes gueules qui se la ramènent ne doivent pas oublier une chose, les élections nationales ont été, de tout temps, entachées d’irrégularité, l’autre nom de la fraude. On a bourré les urnes à double fond, on a créé un parti à moustache qui a tout raflé, on a fait voter les morts et les enfants de trois ans et on a gonflé les taux de participation, heureusement que l’ère des 99,99% de votants a été enterrée avec Boumediene, mais on n’était pas loin malgré tout. C’est ça ce que l’Algérie d’en haut n’a pas encore pigé et c’est malheureux. Bouchaïr vs Zerhouni C’est un duel à distance, par conférence de presse interposée. L’une, tout ce qu’il y a d’officielle, suivie par la presse nationale et étrangère et relayée par la télé aux mille subventions. L’autre, tout ce qu’il y a d’officielle, suivie par la presse nationale et étrangère mais étrangement ignorée par la télé de HHC. Le ministre a dit au micro que tout s’est bien passé, le président de la commission de surveillance a dit tout son contraire. Zerhouni a dit que Bouchaïr s’est pris au piège d’élections propres et honnêtes, Bouchaïr a dit qu’il ne faisait que son job. Zerhouni a affirmé que Bouchaïr a été très mal renseigné sur la vérité, Bouchaïr a affirmé n’avoir rapporté que la vérité. Zerhouni a alors rétorqué que Bouchaïr avait la main légère et qu’il s’est trompé en écrivant à Boutef, Bouchaïr, vexé, a fait savoir qu’il n’avait fait qu’enregistrer les dépassements câblés du reste du pays. Zerhouni, pour clore le débat et taire la polémique, a révélé que Bouchaïr, confus d’avoir dérangé la quiétude de Boutef et coupable de jeter l’ombre d’un doute sur la probité des urnes, a présenté ses plates excuses à qui voulait les accepter; Bouchaïr, informé des propos de Zerhouni, s’est levé, a appelé son équipe, et pris le micro pour déclarer solennellement que le 17 mai n’a pas existé officiellement. Il a distribué la photocopie de sa correspondance présidentielle, a serré les mains de son entourage, s’est lavé les mains, a pris sa serviette sous les bras, éteint les lumières, fermé les portes de la commission de surveillance, descendu les deux étages, son bureau se trouvant au rez-de-chaussée, et il est rentré chez lui avec le sentiment du devoir accompli. Pour lui, ce vote ressemble, à s’y méprendre, à tous les votes qu’a connus le pays et contre ça, ni lui, ni sa commission, ni le président ne pouvaient grand-chose. Donner aux pauvres, c’est prêter à Tonic Le PDG de Tonic, l’usine de cartons, a été libéré au courant de la semaine dernière à la grande satisfaction des siens, de la grande famille des PDG et de leurs relais dans la presse indépendante de sa volonté. Le bonhomme, qui pèse presque un milliard de dollars prêté gracieusement par une banque publique, se retrouve donc libre pour pouvoir rembourser sa dette. La morale de l’histoire n’est pas à chercher dans l’acte de justice, ni à trouver en fouillant dans la gestion de l’entreprise, mais elle est du côté de ce prêt qui relève franchement du conte de fée. Comment donner un milliard, pas de dinars, pas de douros, pas de zlotys mais un milliard de bons vieux dollars américains à un seul homme. Même Bill Gates, l’homme le plus riche du monde, s’il venait à solliciter la moitié de cette somme dans nos banques passoires, le préposé au guichet lui rira au nez et on écrira sur sa demande de prêt «refusé pour insuffisance de garantie». Bon sang, mais dites-moi simplement sur quelle base peut-on octroyer un milliard de dollars à une seule entreprise alors que des centaines de milliers de jeunes Algériens, désireux de fuir leur misère nationale, se cassent les dents et les chicots sur l’intransigeance des banques de la République. L’incompétence officielle, incapable de sortir le reste de l’Algérie des Autres de son cloaque, se cache derrière les différentes formules d’aide à l’emploi et à l’investissement juvénile qui, à leur tour, se heurtent aux structures financières censées être un tremplin pour un premier décollage. Car, et ça c’est une deuxième question à laquelle il faudra répondre, comment voulez-vous qu’un jeune issu du sous-sol présente des garanties pour une avance sur l’avenir? On lui demande des garanties, une hypothèque sur un bien immobilier. Rien que ça, une hypothèque sur un bien immobilier pour que lui et les millions de ses semblables ne puissent jamais voir le bout du tunnel. Comme quoi, il est pas bête celui qui a dit qu’on ne prêtait qu’aux riches. Pourquoi se paye-t-on la gueule du citoyen en le fourvoyant dans un dédale de pièces administratives pour ensuite se faire rabrouer devant le cynisme des banquiers? Il faudra bien un jour quelqu’un qui ait le courage de répondre à ces questions et à tant d’autres qui attendent; et ce jour-là, les gars, si on trouve cette personne, c’est qu’on a déjà commencé à sortir la tête de la m… Saâd Doussi NB: Je suis encore au saadoussi@yahoo.fr à essayer de comprendre comment marche ce pays.


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