Le Koweït, comparé au rigorisme de l'Arabie Saoudite, est souvent vu comme une oasis de libertés pour les femmes, mais des libertés sévèrement encadrées et étroitement surveillées. Comme dans tous les pays du monde, les femmes koweïtiennes ont dû se battre pour arracher certains droits, qui sont systématiquement remis en cause au nom de traditions prêtées à l'Islam. Un drame récent illustre les difficultés et la longueur du chemin qui reste à parcourir pour atteindre un semblant d'égalité des droits entre l'homme et la femme : le 19 avril dernier, une jeune Koweïtienne Farah Akbar est kidnappée et assassinée par un homme qui la harcelait et contre qui elle avait déposé une plainte dix jours plus tôt. Premier accroc: l'assassin est remis en liberté sous caution, alors qu'il avait reconnu sa culpabilité dans l'enlèvement et le meurtre de la jeune femme. Ce drame épouvantable a d'ailleurs redynamisé et amplifié le mouvement «#MeToo», lancé en janvier 2021 par une jeune blogueuse pour dénoncer un homme qui la pistait en voiture. Quant au meurtrier de Farah Akbar, il a été condamné à mort en juillet 2021, mais de recours en recours, sa peine a été commuée et il a été condamné à 15 ans de prison. Un nouveau procès avait été prévu pour le 30 janvier dernier, mais il semblerait qu'il ait été reporté, et Google est muet.La partie civile avait d'ailleurs apporté la preuve de la préméditation en révélant l'existence d'un traceur que le meurtrier avait placé sur la voiture de Farah pour mieux suivre ses mouvements. Comme l'infortunée Farah n'est plus là pour la contredire, la mère de l'assassin a déclaré dans une vidéo que son fils et sa victime, «qu'elle aimait comme sa fille», avaient une liaison. Il ne serait pas impossible que d'autres témoignages viennent accabler la défunte en jurant sur tout ce qu'on veut que Farah aguichait son assassin en actionnant ses feux de détresse. De là à en déduire qu'elle était responsable de sa propre mort, il n'y a qu'un pas que tous les bien-pensants ont franchi depuis bien longtemps et sous toutes nos latitudes vouées à la piété. Avec de telles iniquités, et elles sont prévisibles, le meurtrier du nom de Fahd Sobhi Mohieddine, de père égyptien et de mère koweïtienne, a de fortes chances d'être élu très vite député. Si l'émirat du Koweït n'est pas encore un «Etat islamique», au sens où l'entendent les groupes action de l'intégrisme, les islamistes y sont influents et agissants, dans les arcanes du pouvoir. La récente pantalonnade concernant l'ouverture de la carrière militaire aux femmes du Koweït et limitée aux services médicaux et de soutien, illustre encore une fois le poids des islamistes.
Sous la pression de parlementaires, le ministère koweïtien de la Défense a assorti la mesure de conditions transformant en parcours du combattant préalable la procédure de l'engagement. Pourtant, les autorités militaires avaient bien pris soin d'encadrer ce projet de carrière militaire en excluant la participation aux unités combattantes, et donc d'éventuels combats au corps à corps. Mais ceci n'a pas eu l'heur de satisfaire les islamistes qui en demandent toujours plus même lorsqu'ils ont tout obtenu, et ils confortent encore leurs positions acquises en interdisant le yoga. L'interdiction de cette discipline héritée de la tradition hindouiste, mais qui a pris à la longue une dimension universelle, ne s'applique pas aux hommes, mais uniquement aux femmes. Il s'agit en l'occurrence d'un club de yoga créé par des femmes et destiné exclusivement à des pratiquantes par l'organisation de retraites dans le désert, sans risque de s'y perdre. C'est indécent, ont décrété les islamistes sans trop qu'on sache si c'est la posture des femmes en méditation et ce qu'elles suggèrent ou bien ces campings féminins au clair de lune qui les gênent. Le député islamiste Hemdane Al-Azmi qui a mené sa campagne quasiment victorieuse contre le projet de carrière militaire pour les femmes a demandé l'interdiction du yoga.
Le ministère de l'Intérieur a immédiatement obtempéré en exigeant de l'organisatrice de ces retraites, Imane Al-Husseinane, une autorisation préalable pour qu'elle puisse continuer. Cette dernière a indiqué qu'en plus du permis, les femmes devront porter des vêtements pudiques pour qu'elles puissent participer aux sessions de yoga. Il faut rappeler qu'il y a quelques années, des théologiens de Malaisie avaient organisé un véritable symposium sur le yoga pour proclamer par fatwa que cette discipline était illicite. Plus conséquents avec eux-mêmes, les Malaisiens n'avaient pas dénoncé le yoga comme une pratique indécente ou incitant à la débauche, ils l'avaient rejetée simplement parce qu'issue d'une autre religion. Les islamistes koweïtiens ont simplement voulu aller plus loin, et surpasser les Malaisiens en matière d'intolérance, comme lorsqu'une autre femme avait dialogué avec Dieu sur les réseaux sociaux. Consciente de l'énormité de sa démarche, elle avait d'abord imploré le Créateur de lui faire don d'une voiture de luxe, mais devant les réticences divines, elle avait demandé l'égalité des droits. Qui peut le plus, peut le moins: Dieu lui avait alors demandé de quelle couleur elle la voulait sa voiture. Au lieu de la voiture somptueuse qui lui avait été promise, elle a été poursuivie en justice.
A. H.
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Posté Le : 07/02/2022
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ahmed Halli
Source : www.lesoirdalgerie.com