Le wahhabisme est
un mouvement politique et religieux, à tendance puritaine des musulmans
d'Arabie saoudite. Institué par Mohammad ibn Abd al-Wahhab [1703 - 1792], puis
écrasé par les Ottomans, il a été restauré à partir de 1902.
La fin du
XVIIIème siècle et le début du XIXème siècle marquent pour le monde musulman
l'époque de sa plus grande déchéance. L'empire Ottoman, la Perse, l'Empire
mogol de l'Inde, jadis Etats puissants, sont en décomposition et s'en vont en
lambeaux sous la pression de la Russie et des grandes puissances coloniales de
l'Occident. A la décrépitude politique, à la stagnation économique, à
l'appauvrissement des masses correspond le lamentable état des mÅ“urs des
classes dirigeantes et le marasme intellectuel des élites.
La religion,
elle-même surchargée de superstitions dégradantes, n'a plus que des rapports
lointains avec le monothéisme austère du Prophète Mohammed (QLSSSL). Un
mysticisme puéril, un culte des saints et des tombeaux habilement utilisé par
les mollahs ignares, distributeurs souvent intéressés d'amulettes et de
charmes, l'avait remplacé. Les villes saintes de la Mecque et de Médine
offraient un spectacle désolant de vice et de désordre lors du pèlerinage
annuel. Il semblait que ce rite. Institué par le Prophète (QLSSSL) pour
perpétuer et affermir les liens spirituels entre les croyants, n'était plus
qu'une occasion pour mettre à sac des pèlerins venus des contrées lointaines.
C'est dans ces
circonstances, si pénibles pour l'Islam, où son âme paraissait l'abandonner,
qu'une réaction salutaire se produisit. Elle partit de cette terre même
d'Arabie qui vit naître le Prophète (QLSSSL) et fut le berceau de la religion.
Mohammed Ibn
Abdûl-Wahhab en fut le héraut. L'enseignement de cet homme au cÅ“ur ardent, au
caractère inflexible, que l'on a parfois comparé à Calvin, fit tressaillir les
âmes de ses compatriotes et leur insuffla l'enthousiasme des premiers du
premier jour de l'Hégire.
Son appel au
retour à la pureté première de l'Islam retentit jusque dans les coins les plus
reculés du monde musulman et fut le levain puissant qui anima tous les
mouvements de réforme qui se produisirent depuis. Les «néo-Mu'tazilites»
eux-mêmes, ces libéraux modernes de l'Islam, qui sont par leur tempérament à
cent lieues de la fougue révolutionnaire et de l'intolérance dogmatique des
iconoclastes du Nedjd, ont fortement subi l'influence de la puissante
personnalité d'IbnAbdûl-Wahhab.
Le fondateur de
la secte que l'on désigne improprement de son nom, les « Wahhabites », naquit à
Ayinab dans le Nedjd, au centre de l'Arabie. Dès son jeune âge il montra du goût
pour les études et une intense religiosité. Après avoir fait ses études à Damas
et à Médine, il fit le pèlerinage de la Mecque, parcourut la péninsule arabique
en long et en large et poussa jusqu'n Perse. Au cours de ses voyages, il put se
rendre compte de l'étendue du mal qui rongeait l'Islam et rentra dans le Nedjd
résolu à mettre un terme aux superstitions grossières et aux pratiques
dégradantes qui avilissaient la vraie religion du Prophète (QLSSSL).Il
entreprit donc de catéchiser ses compatriotes et écrivit un livre, le «
KitabatTawhid » (Livre de l'unité), où il exposa sa doctrine. Elle se réduisit
en somme à peu de chose. Au point de vue théologique, elle ne renferme rien de
nouveau. Ce n'est qu'un appel passionné au retour pur et simple à la doctrine
première de l'Islam, telle qu'elle fut livrée dans le Saint Coran et pratiquée
par les « quatre bienheureux compagnons du Prophète (QLSSSL) ». elle s'élevait
avec véhémence contre toutes les déformations et innovations qui avaient
dénaturé et corrompu le caractère absolu et rigide du monothéisme de l'Islam.
En pratique, elle se traduisait par une lutte impitoyable contre le culte des
saints, la vénération de leurs tombeaux, devenus de véritable sanctuaires,
contre l'emploi des amulettes, des rosaires, contre toutes les pratiques enfin
susceptibles de dégénérer en fétichisme.
Tout en vouant un
respect profond au Prophète (QLSSSL), Mohammed Ibn Abdûl-Wahhab refusait de lui
accorder un hommage teinté d'idolâtrie. D'accord avec la plupart des docteurs
musulmans, il estimait que chaque fidèle capable de lire et de comprendre le
Coran et la Sunna était apte à juger en matière de doctrine. Il repoussait avec
la plus grande énergie toute idée d'intercession quelconque entre le croyant et
Dieu.
Né d'un mouvement
de révolte contre les abus et les superstitions, le Wahhabisme se présente donc
comme une tentative de réforme puritaine extrêmement simple. Il condamne tous
les apports postérieurs au IIIème siècle de l'Hégire. Il rejette les écrits et
les interprétations de tous grands docteurs de l'Islam du Moyen Age et ne
reconnaît que l'autorité des quatre écoles de droit sunnites. Les Wahhabites se
disent rattachés au rite d'Ibn Hanbalmais, en réalité, ils ont renforcé encore
davantage les prescriptions rigoureuses de cet imam, le plus strict des quatre.
Par exemple, ils ne se contentent pas de la simple récitation du credo de
l'Islam pour considérer quelqu'un comme appartenant à la communauté musulmane,
mais demandent une enquête sur son comportement religieux et moral, et
considèrent comme obligatoire la présence à la prière commune.
La simplification
de la doctrine de l'Islam, ramenée à son essence monothéiste, est doublée chez
les Wahhabites d'un code moral d'une rigidité extrême. L'inobservation de la
prière, du jeûne, de l'aumône rituelle, l'usage du vin, de l'opium entraînent
des pénalités sévères.
La prédication
d'Ibn Abdûl-Wahhab eut la bonne fortune de trouver l'adhésion de Mohammed Ibn
Saoud, chef héréditaire d'une des plus importantes communautés du Nedjd, qui
régnait alors sur les villes de Darya et de Riad. Le prince se révéla homme de
grand talent administratif et militaire. Son appui sans réserve assura au
fondateur de la secte la puissance matérielle qui manquait à son autorité
morale. Lorsque Abdûl-Wahhab mourut en 1787, l'Etat wahhabite, reproduction en
miniature du Khalifat de Médine, était en voie de progression rapide et
possédait une force militaire considérable. Une administration ferme et capable
avait assuré à la population la sécurité jusqu'alors inconnue. Les rapines et
les vols étaient quasi inconnus. La justice fonctionnait d'une façon
impeccable, chaque oasis possédait son école et des instituteurs étaient
envoyés dans toutes les tribus bédouines. Au début du XIXème siècle, le Nedjd
était définitivement organisé. Abd-ûl-Aziz, qui avait succédé à Mohammed Ibn
Saoud, se sentit prêt à entreprendre l'immense tâche, purifier le monde de
l'Islam et lui rendre sa gloire d'antan. L'étonnante aventure, qui faillit
bouleverser le cours de l'histoire de l'orient allait commencer. Elle débuta
par la prise foudroyante de la Mecque et une incursion à Kerbala, ville sainte
des chiites en Mésopotamie. Les troupes turques, qui tentèrent de résister
furent balayées. Rien ne pouvait résister à l'élan des troupes du Nedjd,
enflammées par la prédication wahhabite. En 1812, le successeur d'Abd ûl-Aziz,
Saoud, s'empara de Médine et les farouches partisans ôtèrent du tombeau du
Prophète (QLSSSL) toutes les offrandes et dispersèrent au vent les reliques
comme ils l'avaient déjà fait à la Mecque et à Kerbala. L'épopée continue
triomphale. Le Hedjaz est conquis, le Yémen et l'Iraq entamés, c'est la Syrie
qui est maintenant menacée. Les Wahhabites assiègent Alep, et attaquent les
faubourgs de Damas. Le Khaliif de Constantinople, s'émeut, fait appel aux
troupes modernes de son puissant vice-roi d'Egypte Ibrahim Pacha, après une
longue campagne, réussit à réduire les troupes Wahhabites. Leur vaillant chef
Abdallah Ibn Saoud, fut capturé et décapité.
L'Etat Wahhabite
paraissait s'évanouir à jamais. Ce n'était qu'une illusion. Il lui était
réservé de renaître à notre époque sous une forme nouvelle, plus puissant que
jamais.
On a reproché au
mouvement Wahhabite une grande étroitesse d'esprit et un fanatisme excessif.
Cela peut s'expliquer par le fait que la première phase de toute réforme
religieuse passe par le retour pur et simple au culte primitif. La réforme
protestante, par exemple, ne doit son salut qu'au rejet de toutes les
innovations subséquentes quel que soit leur caractère. En réalité, la
renaissance musulmane, puritaine à ses débuts, entra bientôt dans une voie plus
constructive et manifesta même un indiscutable libéralisme. La confirmation de
cette observation se trouve non seulement dans les écrits des libéraux musulmans,
mais dans l'évolution même du Wahhabisme, tel qu'il se manifesta avec éclat
dans l'Arabie Saoudite de nos jours.
L'écart entre le
Wahhabisme des débuts héroïques d'Ibn Saoud 1er et celui de ses successeurs
contemporains saute aux yeux. Cet écart n'est certes pas dans la doctrine. La
différence réside dans la manière de procéder. Pour que le lecteur puisse se
faire une idée des méthodes qui ont prévalu dans la conception moderne du
mouvement, un passage de la brillante biographie d'Ibn Saoud écrite par H.C
Armstrong en est éloquente. « Ibn Saoud décida qu'il n'emprunterait aux
européens que ce qu'ils avaient de mieux à lui offrir. Il ne voulait faire
siennes que les réalisations pratiques et scientifiques, et il rejetait leurs
conceptions. Il aiguillerait ses sujets sur la bonne voie, mais ne les
bousculerait point… »
Pour conclure,
l'Å“uvre intelligente et patiente du regretté Ibn Saouda fait de l'Arabie
Saoudite non seulement un membre influent de la confédération arabe, mais un
élément important de la politique internationale au Moyen Orient. Ses
successeurs tentent d'adapter le Wahhabisme aux exigences des temps modernes
afin de conférer à l'Arabie Saoudite une place et un rôle clé dans la région
notamment après l'émergence, certes de petits pays, mais dont l'influence va
crescendo tels les Emirats ou le Qatar. Tiraillé entre conservatisme et
modernisme, le Wahhabisme parviendra a-t-il à concilier les deux ?
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Posté Le : 12/04/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Amezrar Redha
Source : www.lequotidien-oran.com