Algérie

LE VOYAGE



Ce n'est pas le «voyage des comédiens», les ambulants fabuleux, l'admirable leçon d'histoire et de mise en scène aux longues séquences du film du grand réalisateur visionnaire, Théo Angelopoulos, penseur moderne, fils de la Grèce.
Ancienne contrée, de philosophes qu'on ne cite pas, car nombreux, mais précieux ; de mythes fondateurs, sources intarissables d'inspirations et d'écrits, même de nos jours, pays du commencement de la civilisation actuelle, mais d'un voyage ordinaire, tellement rapide qu'il ne forme, peut-être, que peu, mais essentiel pour tisser des liens d'amitié entre les individus et les peuples. De nos jours, tout voyage a un départ, localisé, daté, minuté. Terre hammadite, aéroport Abane-Ramdane, une figure emblématique de la Révolution algérienne. Un des héros, comme on en fera plus en cette terre jonchée de tessons du moule brisé qui les formait. Le lieu est d'une simplicité efficace. Un service impeccable, assuré par une police des frontières qui veille au grain (surtout le plus mauvais), une douane méticuleuse mais aimable, surtout les douanières, pour qui l'uniforme va si bien. Sur le tarmac, entre chien et loup, les crêtes des montagnes alentour se précisent en contre-jour. Soudain, le soleil rougeoyant est happé par une main invisible et puissante, derrière les fantastiques formes rocheuses. La nuit est là. L'avion décolle. Silence à l'intérieur. En dessous, les sombres et nombreuses montagnes enlaçant Béjaïa, sa baie et son port, éclairés de mille et une bougies aux flammes brillantes. Signal et révérence, surtout, à la mythique montagne silencieuse, enveloppée, à cet instant magique, du voile noir de la nuit : Ma-Gouraya. Derrière les réacteurs grondant du transporteur, une traînée de fils noués, coupés... renoués par des mains fileuses et lieuses de la sagesse, pour consolider une trame favorable à de beaux motifs de paix et d'union. L'aéronef se stabilise, une fois son cap de croisière atteint. Clics des ceintures de sécurité, bavardages, va-et-vient des hôtesses et des passagers, pleurs innocents d'un enfant. Son père entame, à voix basse, une comptine pour l'emberlificoter puis une berceuse pour l'endormir, sans résultat. Le chérubin, maître chanteur, résiste.
Une voix mécanique : -Atterrissage dans quelques instants...
Un vieux enlève son chèche (turban) jaune et se coiffe d'une casquette, tout en murmurant :
- C'est son tour !
Le silence s'installe, graduellement, dans les rangs jusqu'au fond de la matrice mécanique. En bas, se déroule un tapis lumineux, pas nememchi, naili ou kbaili, mais provençal. Exit alors pour tous. Un enfant, à la tête pleine d'impressions indélébiles du pays natal des aïeux, revient en courant, récupérer son dessin naïf (des collines, des nuages, des arbres et une maison), oublié dans le ventre de fer, de fils et de matière plastique. Ventre qui sera plein au prochain vol de retour, demain à... 9h.


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