Algérie

Le vote des SDF Point net



«Nous sommes les oubliés de la campagne électorale parce que sans domicile fixe, nous n'avons pas de carte d'électeur et donc nous n'intéressons pas les candidats». Le propos est recueilli par un collègue qui a parcouru les rues d'Alger dans la nuit de mardi à mercredi.
On sait que ceux qui ne votent pas «n'entrent pas dans les plans» de campagne des prétendants à la gestion des assemblées locales mais on pouvait quand même espérer voir quelques candidats rendre visite à ces laissés-pour-compte. D'abord, parce qu'il se trouvera bien un directeur de campagne qui se croirait visité par le génie en pensant à une «sortie» pour le moins originale.
Ensuite, parce que faute de programme et d'imagination, nos partis ont laborieusement pioché dans tout ce qu'ils pensaient, à tort où à raison, pouvoir toucher la fibre sensible des Algériens. La surenchère patriotique ou nationaliste, la religion, la Palestine, l'anti-américanisme primaire, l'anti-colonialisme tardif... Tout ce qui est sentiment est omniprésent dans le discours électoral ou le discours tout court.
Il faut dire que les sentiments, ça a le mérite d'être à portée de main, de toujours trouver preneur et de n'être pas tenu, puisque ce n'est même pas une promesse ! On aurait donc pu voir de braves et téméraires candidats aux élections locales s'agenouiller devant une porte cochère pour parler aux «sans-domicile-fixe» et écouter leur détresse en rapprochant l'oreille parce qu'il faut bien compenser la faiblesse de la voix, toujours tremblante chez ces gens-là. Mais d'après la collègue qui a parcouru les rues d'Alger, les vrais SDF ne se voient pas dans la journée.
Ils sont tellement dignes qu'ils vont comme tout le monde gagner de quoi faire bouillir la marmite ou essayer de le faire. Et ce qui ne gâte rien, l'occupation leur permet de se fondre dans la foule, jusqu'à ce que la terrible réalité leur revienne à la face avec la tombée de la nuit. Tellement dignes qu'ils renoncent à la réaction de dépit et aux aigreurs que tout le monde aurait pourtant aisément comprises. Certains d'entre eux s'emportent même sur le dispositif législatif qui ne leur permet pas d'avoir une carte d'électeur comme des citoyens à part entière.
Et d'ironiser même sur ce dispositif qui oblige l'électeur à s'inscrire dans la circonscription de sa «nouvelle résidence» ! Et oui, les nouvelles résidences, ce n'est pas ce qui manque aux SDF ! Il y a les changements selon les saisons. Comme des oiseux migrateurs, ils vont chercher le pan de ciel qui leur assurera la chaleur suffisante à la vie ou le climat qui intègre le mieux leur tempérament ou l'état de leur corps.
Il y a les changements d'opportunités. Un espace plus chaleureux, des gens plus généreux ou un rapprochement familial plus «sécurisant». Mais on ne vote toujours pas quand on n'a pas de maison ! Il y en a même qui croient qu'ils pourraient en avoir une, s'ils... pouvaient voter ! Et oui, il est des états de détresse qui poussent les gens à s'accrocher à tout...
même aux élections et aux élus ! Le jour, il n'y a pas de SDF à écouter et à qui parler. Le soir, ils sont là mais les caméras de l'ENTV ne suivront pas les candidats qui vont les voir. Ce n'est pas au programme. Eux ne votent pas, ceux qui votent ne voient pas qu'on s'intéresse à eux. Alors à quoi bon ' Allez, on passe en regardant la mer. Les portes cochères n'ont rien à offrir. Tant mieux, les candidats n'ont rien à leur promettre.


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