Algérie

Le vol, le recel et la mauvaise foi



Lorqu'un voisin vole un bien d'un autre voisin, c'est déjà en soi un acte inamical.
Lorsqu'un ami dérobe un bien à un autre ami, c'est de la méchanceté.
Mais lorsqu'un frère vole son aîné, c'est alors un délit qui mène droit vers l'incarcération, le procès, les débuts de la mise en examen et l'annonce du verdict suivie de l'appel et tout le chapelet d'ennuis causés.
Les deux frères Benchabane se prennent à la gorge devant Khaled Benyounès, le président de la section correctionnelle du tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d'Alger).
Et lorsque ce jeune magistrat entend deux frères adversaires dans un même dossier, il met toute sa compétence sur les plateaux de la balance pour être à la hauteur de son siège.
Redouane et Mourad se disputent autour de la somme volée: 800 millions de centimes! Produit d'une vente d'objets et matériels volés au frangin.
A la barre, les versions sont multiples et le juge est chargé de trancher et arriver auparavant à la vérité. Le frangin mettra beaucoup de temps à résister à l'envie de répondre à la «voix du sang» pour emprunter «la voie de la vérité».
Une fois, le détenu affirme qu'il a été attaqué par des voyous voleurs qui ont pris la marchandise pour se volatiliser dans la nature.
Une autre fois, il affirme sans sourciller que la marchandise a été tout simplement volée à son insu. «Mais alors, expliquez-nous comment on a arrêté votre ami avec une grosse somme d'argent qu'un chômeur ne peut amasser!» lâche le président qui soupçonnait que l'on n'a pas tout dit autour de ce dossier.
Même Moslem, le parquetier suit difficilement les pseudos arguments des uns et des autres. Tête bandée (une agression en taule, probablement) Khaled, l'ami du frangin voleur confirme l'attaque par les individus qui se sont emparés de la marchandise.
-«Je suis même sûr qu'il voulaient me faire la peau et je...
-Pourquoi' Vous êtes le parrain, alors' Dites au tribunal pourquoi aller au crime.»
Khaled baisse la tête. Il sent que le piège se referme autour de ses chevilles et que pas plus tard que tout à l'heure, il sera bien obligé d'aller vers l'évidence. Il résiste, oui mais jusqu'à quand' La position du juge qui fait preuve de tenacité et de patience d'avoir raison des «non» des inculpés de vol et de recel.
L'ambiance est électrique. Les deux frères ne se regardent pas encore. Leurs regards se croisent, mais ne tardent pas à être vite détournés. Benyounès jette ses dés: «Le tribunal a tout le temps qu'il faut pour obtenir la vérité. Il y avait une marchandise qui a disparu. On a arrêté un receleur avec du fric mal acquis. Il nous reste les auteurs et ils sont ici présents à la barre» dit, sans s'emballer, le massif juge qui va alors assister à un aveu explicite sortant de la bouche du jeune frangin voleur: «Monsieur le président, j'en ai marre de me taire. J'ai une boule au fond de la gorge. Je vais cracher le morceau. C'est moi qui ai revendu la marchandise volée!» Un seau d'eau glacée tombe sur les épaules des inculpés. Khaled Benyounès, le juge du siège se tient le front de satisfaction. Il s'étire sur son siège. Il sent que la fin des débats est proche.
Les mines s'assombrissent, côté détenus qui viennent d'apprendre (avant l'annonce du verdict) que leur séjour aux «Quatre-Ha» va s'allonger de quelques longs mois et saisons... Seul, Moslem, le représentant du ministère public demeure raide. Il n'attend que le moment de requérir de quoi apporter de l'eau au moulin du président, un magistrat jovial, affable, sérieux, mais souvent ombrageux à cause de comportements irresponsables émanant de justiciables irrespectueux du sceau de l'Etat via la balance de la justice que ce Monsieur sert convenablement en appliquant la loi, tout simplement. Entre-temps, les détenus attendaient avec beaucoup de trac, de trouille, la fin de ce procès qu'ils ont mis sur pied par deux opérations délictuelles. Le vol plus le recel! L'affaire a été mise en examen, le temps pour Benyounès de bien revenir sur les déclarations des uns et des autres. Ouf!


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