En marge de la visite de Kadhafi à Paris. Des Affaires étrangères aux étranges affaires.La mise en scène publique des affects et tumultes passionnels privés, loin d?émouvoir et d?humaniser (en opposition au cynisme pragmatique des ordres politiques), perd son crédit dans le calcul qu?elle met en oeuvre, devenant paramètre politique à son tour, en bousculant le fonctionnement et les relations diplomatiques des Etats. Ce jeu puéril et transparent occupe une place croissante dans l?espace public au moment où les oppositions idéologiques traditionnelles - à l?intérieur et entre les nations - perdent de leur acuité et de leur gravité dramatique. De la braguette éventée de Clinton aux aventures matrimoniales du ménage Sarkozy, en passant par la surprenante célébration des obsèques de F. Mitterrand (associant épouse et concubine), on ne compte plus les interférences entre vie publique et vie privée. Dans un livre récent sur Clemenceau, Michel Winock rappelait à quel point les hommes publics, de ce côté-ci du moins de l?Atlantique, étaient ordinairement discrets sur l?intimité de leur vie privée.En 1984, « en pleine guerre au Tchad », Madame Memona Hintermann, journaliste à France 3, raconte qu?alors âgée de 32 ans, après une conférence de presse à Tripoli, Kadhafi l?a fait venir dans sa caserne, sous prétexte d?un entretien, et a tenté de la violer. Elle affirme lui avoir résisté et il l?aurait menacée de mort si elle s?avisait d?en parler à ses collègues.En pleine visite de Kadhafi à Paris, en ce mois de décembre, M. Hintermann depuis lundi 10 décembre sur Canal (dans l?émission « L?Edition spéciale » (1)) et ailleurs sur d?autres canaux, ne cesse d?évoquer cette histoire vieille de 24 ans, choquée par le faste qui est servi à son agresseur, faisant ainsi écho au tumulte cacophonique entourant la visite d?un si singulier prince de Méditerranée, mer que le président français prétend unifier.Kadhafi n?est sûrement pas un enfant de choeur. Quand on entend le témoignage de Hintermann, on est tenté de penser : « pourquoi pas ? » et de partager sa peine et son émotion. Mais ce monde est fait de curieuse manière en ce que l?intox a atteint un degré de raffinement devant lequel celui de Machiavel ferait office de divertissement pour collégiens.Hintermann appartient par ailleurs à une profession où la manipulation de l?information est chose ordinaire. L?opportunité de l?émergence de cette affaire invite à la plus grande circonspection. Le loup est trop beau. Ni la pudeur, ni l?occasion de la visite du chef d?Etat libyen ne suffirait à l?expliquer. D?où les questions suivantes :1.- Hintermann aurait évidemment dû s?indigner en 1984, dès son retour en France. Avait-elle vraiment peur que la menace de Kadhafi puisse l?atteindre jusqu?en ces marches hexagonales ? On n?est plus vierge effarouchée à 32 ans. Surtout quand on prétend garder la « tête haute ».2.- Lors de l?instruction et de la tenue des procès reprochant à la Libye la destruction des avions civiles à Lockerbie (270 morts en 1988) et au-dessus du Niger (170 morts en 89), les proches des victimes de ces attentats auraient été confortés et bien soutenus par le témoignage de cette journaliste qui avait cru devoir continuer à se taire...3.- Pendant tout leur calvaire en Libye, les infirmières bulgares n?ont pas entendu un seul mot de la bouche de cette journaliste qui aujourd?hui s?indigne de manière si véhémente contre le « satyre libyen ». Pourquoi donc ce silence au moment où d?autres femmes étaient torturées et pas seulement menacées ? L?Ex-Madame Sarkozy a pris ces femmes en pitié et a fait ce qu?il fallait pour leur apporter l?aide charitable d?une Première Dame de France. Combien celle de madame Hintermann aurait-elle été précieuse alors !4.- Marc Olivier Fogiel l?avait invitée à son émission « On ne peut pas plaire à tout le monde » en 2003. Elle lui aurait fait part de ses mésaventures, dit-elle. Il faut être bien naïf pour croire qu?une telle histoire ait pu être gardée secrète pendant 4 ans. Le Tout-Paris sait que Marc Olivier Fogiel possède tout sauf sa langue, prompt à inventer de tortueux stratagèmes pour faire l?actualité quand il n?y a rien à commenter. Dieudonné en sait quelque chose. Et les « MOF », il y en a plein les rédactions !5.- Fin 2003, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne décident de négocier le retour de la Libye parmi les « nations civilisées ». En avril 2004, Mouammar Kadhafi est reçu à Bruxelles par Romano Prodi, président de la Commission européenne.La même année, Tony Blair, Silvio Berlusconi et Jacques Chirac (premier président français à s?y rendre), se précipitent à Tripoli. Cette journaliste qualifiée, expérimentée et qui a payé de sa personne, aurait dû alerter l?opinion publique mondiale de l?irréductible perversion du dirigeant libyen. Au lieu d?attendre sa visite à Paris et clamer après coup « Recevoir une telle ordure, c?est à pleurer » (Clicanoo.com, le 12 déc. 2007)6.- « Dans mon livre (Tête haute, éditions Lattès, 2007 (2)), je n?ai pas dit un mot sur cette histoire, car elle était enfermée dans mon passé », dit-elle. La romance de Mme Hintermann serait crédible si elle faisait partie de ces gentilles petites ménagères de banlieue, dont beaucoup meurent chaque année des traitements infligés par les pères, les maris ou les compagnons : ces « Kadhafi » d?infortunes qui peuplent les rubriques nécrologiques et judiciaires du petit peuple de France.7.- L?arrivée de Kadhafi à Paris est programmée et annoncée depuis longtemps. Il est à Paris depuis lundi. Et Mme Hintermann ne s?aperçoit de sa présence et ne retrouve la mémoire qu?à son arrivée ? Là aussi les journalistes amnésiques selon les circonstances, et qui se souviennent soudainement, sont toujours suspects.8.- Les familles des victimes des attentats aériens en Ecosse et au Niger ont été reçues par le Président Sarkozy pour s?indigner. C?est leur droit. Pourquoi donc Mme Hintermann ne demande-t-elle pas semblable audience ? Pourquoi ne dépose-t-elle pas plainte, profitant de la présence du « colonel » libyen ? Pinochet a connu sort identique en Grande-Bretagne il y a peu.9.- Lancée par Canal le 10, ce n?est que 2 jours plus tard, le 12, que l?affaire prend son envol. Et encore, seulement dans les blogs et les médias périphériques d?audience mineure. Etrange. Hintermann, victime oubliée ou pion sur un échiquier médiatico-politique déchaîné et complexe ? Avec ou sans son aimable collaboration ?Il est possible que les faits rapportés soient exacts. Nous n?avions pas besoin de cela pour savoir depuis longtemps que la Libye aurait été (comme beaucoup d?autres) un acteur mineur sur la scène mondiale et régionale depuis 1969 si ce territoire ne recelait pas des richesses minérales considérables. On en serait peut-être encore à un Senoussi souverain à la mode mussolinienne ou berlusconienne.Toutefois, bien que la victime semble être une journaliste professionnelle peu coutumière des opérations d?éclat, on ne peut s?empêcher de se demander si nous ne sommes pas devant une nouvelle histoire du genre « RER D » avec des agressions fictives et des mobiles (que le matraquage médiatique a rendus logiquement) vraisemblables ? Toute cette affaire sent très fort la mauvaise foi dans un contexte qui incite à la prudence. Paradoxalement, Mme Hintermann se tait quand Tripoli « menace » le monde et, avec véhémence, monte aux créneaux quand, platement elle baisse la gandoura et le reste. C?est vrai que ça se voit moins quand tous les pays arabes se déculottent en un « glorieux » mouvement d?ensemble. A Annapolis, par exemple, on découvre que le ridicule ne tue plus. Il n?amuse même plus. Dans cette galerie de « chefs », il n?y avait que la chandelle qui tenait debout.Â
PAR-DELA LES ETATS D?AME RETROSPECTIFS
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Posté Le : 23/12/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Hadj Ahmed Bey
Source : www.lequotidien-oran.com