Algérie - Alger

Le village où a été rédigée la déclaration du 1er novembre Ighil Imoula, la nuit qui a changé le cours de l’Histoire



Publié le 31.10.2024 dans le Quotidien l’Expression
Il donnera naissance à d’autres hommes et femmes qui ont bravé le colonialisme.

Ce village, baigné quotidiennement par la brume descendant des cimes glacées du Djurdjura, a toujours été un haut lieu des révolutions. Ighil Imoula, situé à Tizi N‘Tleta, à Ouadhias, a été le poste de commandement (P.C.) de Boubaghla, durant les années 1800, lors du soulèvement de Cheikh Aheddad. Ses enfants ont toujours été à l’avant-garde des révoltes contre les envahisseurs. À Ighil Imoula, on garde encore les noms de vaillants chefs tombés lors de l’insurrection de 1871 dont Cheikh Abdellaoui était l’un des lieutenants du Cheikh. Bon nombre de ses enfants seront déportés en Nouvelle- Calédonie.
Doués pour les défis, certains ont pu revenir des bagnes de l’autre bout du monde. Ighil Imoula se souvient encore de l’histoire de Hadj Ali Mohand Arezki qui a pu traverser mers et océans pour revenir après 26 ans passés en Nouvelle-Calédonie. Contre les injustices flagrantes, cette région a donné naissance à Hend Oumerri, le bandit d’honneur qui donnait froid dans le dos à l’armée coloniale durant plusieurs décennies. Les années passèrent, Ighil Imoula enfantera d’autres hommes et femmes qui ont bravé le colonialisme. Bien plus, c’est dans ce village, surveillé étroitement par les vigiles de l’armée coloniale, que fut rédigée et tirée à la ronéo, la déclaration du 1er Novembre, qui donnera naissance à une révolution armée laquelle va changer le cours de l’histoire non seulement de l’Algérie, mais du monde entier dont l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie. La Déclaration du 1er Novembre a été écrite dans une maison située au 1er étage d’un immeuble abritant un café maure à son rez-de-chaussée. Pour tromper la vigilance de l’armée française, des villageois se sont proposé d’organiser une tombola nocturne et de jouer aux dominos, en discutant et en frappant les dominos sur les tables. Le bruit, racontent les vieux d’Ighil Imoula qui s’en souviennent encore, servait à camoufler aux oreilles des vigiles français, le son de la Ronéo. Les villageois se souviennent encore des deux maisons qui ont servi, cette nuit-là, à la rédaction et au tirage du document historique. La maison dont le 1er étage, ou plus précisément à « Taghourfets » du café, avait servi à la rédaction, appartenait à Omar Benramdani. Une fois la déclaration rédigée, le document change discrètement de maison pour aller à celle des frères Idir Rabah et Ahcène où elle sera ronéotypée. Il faut reconnaître que réussir le pari de rédiger une déclaration qui allait être le détonateur d’une guerre de Libération nationale était un vrai défi dans un village entouré de trois casernes de l’armée coloniale, dont l’une était juste à quelques mètres de la maison, à Thaâssast, place située sur les hauteurs du village.
En fait, on peut comprendre que la gageuse soit relevée, lorsque l’on sait que tous les villageois étaient engagés dans le Mouvement national aux côté des premiers éléments de la révolution dont Ali et Mohamed Zamoum, et Amar Abdellaoui entre autres, enfants d’Ighil Imoula qui ont été parmi les premiers à rejoindre la rébellion avec Krim Belkacem. Mohamed Zamoum dit Si Salah, qui était fonctionnaire à la mairie d’Ouadhias, mettait à profit son poste pour délivrer des cartes d’identité falsifiées aux moudjahidine qui étaient recherchés par les autorités françaises. Des enfants d’Ighil Imoula ont également été parmi les fondateurs de l’Organisation Secrète (OS), Hocine Asselah dont une grande rue de la capitale porte le nom.
Ighil Imoula a fourni des hommes mais aussi des femmes, à la révolution. Parmi les porteuses de valises et les collectes de fonds pour le FLN, Bahia Yantren était très engagée à Blida alors qu’à la capitale, Tassadit Kassel et Baya Hacène étaient parmi les militantes algéroises qui ont combattu aux côtés des héros de la bataille d’Alger. C’est d’ailleurs la foison de ces hommes et de ces femmes dévoués à la cause nationale qui a rendu possible l’acheminement du brouillon de la Déclaration recopié dans une maison de Raïs Hamidoul (ex-Pointe Pescade) à Alger, vers Ighil Imoula, situé à plus de 100 kilomètres, sur les hauteurs du Djurdjura.
Kamel BOUDJADI



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