Quand les bruits de couloirs ne sont plus audibles, nous nous faisons un
devoir de vous les faire parvenir. Musique.
« Tout le monde le sait et personne ne le dit», pourrait-on résumer
l'affaire des eurodéputés pris en flagrant délit de corruption par de faux
lobbyistes anglais. Deux journalistes du «Sunday Times», se faisant passer pour
des lobbyistes, ont diffusé cette semaine, des vidéos dans lesquelles on peut
voir et entendre quatre députés du Parlement européen, monnayer leurs services
pour déposer des amendements législatifs. Les vidéos ne nous disent pas de
quels directive ou projet de loi, il s'agissait. Peu importe, l'essentiel du
message du «Sunday Times» est de nous apprendre que les eurodéputés ne sont
pas, tous intègres et propres et que le processus législatif européen n'est
pas, dans bien des cas, aussi juste, transparent et démocratique qu'on peut le
croire. Est-ce un scoop médiatique ? Oui, parce qu'il y a l'image et le son
diffusés sur les principales chaînes de télé et repris en boucle sur la toile
de l'Internet. En revanche, croire que les quatre députés mis en cause, sont un
fait rarissime et exceptionnel, relève de la candeur politique. Précisons, il
ne s'agit pas de dire «tous pourris», mais de comprendre que les lois,
règlements, directives, enquêtes... adoptés par l'auguste Institution qu'est le
Parlement européen, ne suivent pas un processus exempt de tout soupçon et ne
servent pas toujours l'intérêt général des peuples, source de la légitimité des
élus. Dans cette histoire ce sont les députés corrompus qui sont dénoncés, les
lobbyistes corrupteurs, eux, passent au second plan. Trois des députés ont
démissionné et seront poursuivis pour délit de corruption.
Les lobbyistes sont épargnés,
alors que dans ce genre de délit, corrompus et corrupteurs sont concernés par
le même délit. Le cas, encore une fois, n'est pas nouveau puisque les pouvoirs
politiques européens permettent et font appel au travail des lobbyistes, tout
en dénonçant l'opacité et l'irrégularité de leurs missions. Une attitude
hypocrite et absurde. Faut bien rappeler qu'on recense plus de 15.000
lobbyistes à Bruxelles, soit autant qu'à Washington, pour près de 45.000
fonctionnaires et élus dans les Institutions de l'Union européenne. Par
ailleurs, l'Institut supérieur européen du lobbying (ISEL) dont le siège est à
Bruxelles, dispose de deux antennes à Strasbourg et Paris. Cet institut forme
(Bac + 5) au premier diplôme de lobbyiste. Le job du lobbyiste consiste à
travailler pour les intérêts du groupe, firme ou entreprise qui l'emploie. Il
doit déployer tous les moyens d'influence pour pousser les décideurs politiques
et publics, dans le sens de l'intérêt de son employeur. En conclusion, il n'y a
rien d'exceptionnel à ce qu'un lobbyiste tente d'influencer la décision d'un
décideur public ou le vote d'un élu politique. Cette proximité complice entre
les lobbyistes et les décideurs politiques pose depuis toujours un problème
d'éthique et de justice au fonctionnement de la démocratie. Une majorité de
lobbyistes travaillent sous la couverture de journalistes, au sein des
Institutions européennes. Cette confusion des rôles a poussé les syndicats de
journalistes à demander l'identification (badge) des lobbyistes et leur
recensement en tant que tels. La Commission européenne a ouvert, en 2007, un
registre à cet effet où l'inscription des lobbyistes est… facultative. Très peu
d'entre eux se sont inscrits. En outre, les lobbyistes activent plus dans les
couloirs des exécutifs européens que dans ceux des instances élues. Parce
qu'ils savent que ce sont la Commission et le Conseil européen qui ont
l'initiative des lois et leur application. Ce qui vient d'être dénoncé au
Parlement européen est une pratique courante dans les Institutions exécutives.
Comme le ridicule ne tue point, un nombre appréciable de hauts fonctionnaires
et élus européens rejoignent la fonction de lobbyiste, à la fin de leur contrat
ou mandat politique. Ils travaillent alors pour les intérêts de grands groupes
industriels, pharmaceutiques, énergétiques, de l'environnement, de l'armement,
etc.
Cependant, les groupes de lobbying ont un argument de taille pour leur
défense: le monde associatif et les ONG. Ils estiment que l'action, publique ou
discrète des associations et ONG, dans les coulisses des Instituions
européennes, ne diffère en rien à la leur : le but étant d'influencer la
décision publique ou politique. Dans la forme, la similitude est vraie. En
revanche, dans le fond le lobbyiste Å“uvre pour l'intérêt d'un groupe ou une
personne privée avec comme objectif le profit financier. L'action d'une
association ou ONG est publique et Å“uvre pour un intérêt général, souvent en
opposition au profit financier. De plus, les moyens financiers et matériels
dont dispose une association sont largement en dessous de ceux des lobbyistes.
Certaine études avancent le chiffre d'un milliard d'euros consacré chaque
année, par les entreprises privées au travail de lobbying. Cette même étude
révèle l'existence de plus de 3.000 groupes d'intérêts à Bruxelles, dont 70 %
au service d'entreprises privées. A cela, il faut y ajouter les innombrables
clubs de réflexion, bureaux de conseils et autres organisations le long de
l'année de «Think –Tanks» dans les domaines les plus divers.
Ainsi, le scandale du Parlement européen n'est pas une surprise en soi,
peut-être même une leçon ou un avertissement donné par un groupe de lobbyistes
à un autre groupe concurrent. Pour la petite histoire, ce ne sont pas 4 députés
pris la main dans le sac, la semaine dernière, mais 14 au total. Qui sont les
10 autres ?
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Posté Le : 03/04/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Bureau De Bruxelles : M'hammedi Bouzina Med
Source : www.lequotidien-oran.com