Algérie

Le travail : joie ou desarroi ?



Le travail, pour A. de Vigny, est beau et noble. Il donne une fierté et une confiance en soi que ne peut donner la richesse héréditaire. A. France considère que le travail est bon pour l'homme. Il le distrait de sa propre vie. Certes, le travail est le principe même de la vie économique. Celle-ci a pour tâche essentielle de satisfaire des besoins matériels -mais aussi moraux- de l'homme vivant en société. D'où le proverbe : «l'homme est né pour travailler comme l'oiseau est né pour voler.» Le travail est, ainsi, une activité qui appartient exclusivement à l'être humain en ce qu'il lui permet de réaliser son but. Ce qui le diffère de l'activité animale qui est purement instinctive. Le travail humain est effectué en vue d'un «mieux-être» pour un «mieux-vivre» pour l'homme. Il en est l'essence même. Certes, il n'y a pas de travail sans peine, ni un travail sans joie, non plus, notamment, si on exerce son métier avec amour. Le monde est livré à l'homme pour le transformer et, selon certains, pour l'humaniser pour le rendre vivable. C'est pourquoi, d'aucuns définissent l'homme comme étant le seul être capable de travailler, c'est-à-dire de réaliser une oeuvre (telle que la construction d'une ville, d'un barrage, d'un canal, de verdoyer un désert comme Las Vegas...). Par le travail, l'homme adapte le monde (sans le détruire) à son goût. Ce qui prouve que l'homme et le monde ne sont tout faits, mais à faire constamment. Ce qui laisse dire à Yves Simon que «le travail a un double caractère : *Loi de mobilité : le travail ajoute, sans cesse, quelque nouveauté à une chose d'inachevée. *Loi de générosité métaphysique : le travailleur travaille pour son ouvrage plutôt que pour lui-même1.» Tels sont les principes du travail humain. Cependant, comment est conçue la notion du travail chez nous : grâce ou disgrâce ? Sous certains cieux, le travail est une joie en ce qu'il permet de satisfaire beaucoup de besoins (nourriture, confort mobilier, biens immobiliers, vacances...). Chez nous, le travail est un désarroi. Le travailleur trime tout le mois. Lorsqu'il perçoit sa paye, il constate, avec stupeur, qu'il n'y a aucune péréquation entre son salaire et le coût de la vie - remarquez que je ne parle pas de «goût» de la vie. Lorsque, de temps à autre, il y a une augmentation des salaires, elle est systématiquement suivie - et parfois précédée - de hausse des prix. C'est un véritable marché de dupes. S'applique, alors, la devise populaire : «l'État fait semblant de me payer, moi, je fais semblant de travailler.» Ce qui accentue la démoralisation sociale, c'est cet écart insolent, voire insultant entre les salaires des hommes au Pouvoir et le reste de la société civile. Lorsqu'un ministre, un député, un wali perçoivent trois à quatre fois le salaire d'un professeur d'université, cela dévalorise non seulement la notion morale du travail mais du savoir, en général et favorise une réelle désertification de la conscience professionnelle. Il y a une injustice flagrante en matière de répartition des richesses nationales. Même la grille des salaires, plus spécieuse que sérieuse, est refusée par certains secteurs (Education, Enseignement Supérieur) en ce qu'elle a été «tramée» entre le Gouvernement et la seule UGTA qui se prend pour l'unique avocat des pauvres. Le CNES a été sciemment évincé pour ne pas être consulté pour des raisons occultes. Les calculs d'intérêts ne sont pas à démontrer. Pour beaucoup de travailleurs, la Centrale Syndicale n'est plus qu'une «Nagaba» au lieu de veiller son rôle de «Naqaba». Voir qu'un professeur d'université, avec tout son capital cognitif et sa qualification pointue, est encore et toujours sous-payé - en tous les cas nettement moins payé qu'un député qui est loin d'avoir ses compétences - cela n'augure rien de rassurant pour le pays. Pourtant, il est connu que l'Université, dans le temps et dans l'espace, a toujours été le fer de lance des pays respectueux du Savoir et de la Science. Dans ce cas précis, l'UGTA n'a pas de quoi se réjouir car l'enseignant du Supérieur, en tant qu'élite intellectuelle, reste encore classé dans «la catégorie des défavorisés»2 par rapport aux salaires faramineux des gens du Pouvoir. Où est donc la justice sociale ? M. Benbitour, ex-chef du Gouvernement, reconnaît au journal El-Khabar du 18/09/2007, que «les compétences algériennes sont marginalisées.» Ce qui renforce la dépendance économique nationale vis-à-vis de l'étranger. Les décideurs sont-ils conscients que la politique actuelle risque de menacer l'avenir du pays en ce que tous les Algériens veulent faire de la politique, non parce qu'ils sont politiciens, mais pour les privilèges qu'elle assure : la considération sociale et l'aisance matérielle ? Que s'ils persistent à déconsidérer le Savoir et ses détenteurs, c'est la médiocrité qui s'éternisera au détriment des compétences et ce, au grand dam du pays et de la nation aujourd'hui comme demain. Il ne suffit pas de revaloriser le travail seulement, ce qui serait déjà intéressant en soi, mais aussi d'encourager le créateur tels que le savant, l'ingénieur.... Le problème est urgent si on ne veut pas voir l'Algérie revenir à la technologique du Moyen Âge vu l'exode massif de ses cadres valables vers l'étranger. La productivité est directement tributaire de la Science. Celle-ci est acquise par les savants que Dieu a glorifié dans Son Saint Livre et que des opportunistes au Pouvoir veulent avilir. «Sont-ils égaux ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ?3» disait le verset coranique. Le travail est un engagement de l'homme vis-à-vis de son pays et de sa société. C'est la raison pour laquelle il doit être une activité intelligente parce que penser, c'est peser tout comme diriger, c'est prévoir le devenir du pays à moyen et long termes. Or, un salaire qui ne satisfait même pas les besoins vitaux élémentaires d'une élite intellectuelle, mérite-t-il réellement le vocable de «salaire» ? Peut-on demander à cet universitaire d'être consciencieux dans son travail, de produire plus et de former mieux ? Alors que, dans un hadith certifié authentique rapporté par Tabarani, le Prophète disait: «Allah veut que tout travailleur soigne bien son travail». Certes, mais à condition que ce travailleur soit, lui-même, bien soigné en étant équitablement rémunéré selon sa qualification et ses compétences. Dans le cas contraire, cela favorise la corruption qui ne cesse de gangrener, sans répit, l'économie du pays et porter sérieusement atteinte à la valeur morale nationale jusqu'à l'annihiler. Dans ce cas, l'Observatoire contre la corruption n'est qu'un épouvantail qui n'effraie personne. Le manque ou le refus de fournir des efforts de création de richesses menacent de paupériser la génération présente et celles à venir. La meilleure façon de lutter contre le terrorisme est d'assurer un réel SMIC de bien-être matériel et de considération aux jeunes laissés-pour-compte. De ce fait, le combat cessera, de lui-même, par manque de combattants. L'Algérie recouvrera la paix et sa stabilité d'antan. Ce qui évitera, aussi, aux «harraga» de cesser de croire en une vie meilleure dans des contrées ailleurs en mettant dangereusement leur vie en péril dans l'espoir de rompre avec leurs ennemis implacables : l'ennui et la misère. Ces jeunes n'ont-ils pas le droit de réaliser leur Eldorado chez eux et éprouver le plaisir (plutôt que le désarroi) de mettre leur énergie et leur force de travail au service de leur propre pays ? Ils ont besoin de lui et... il a besoin d'eux. Aux bons gestionnaires, la nation est reconnaissante. * Docteur ès lettres.Université de Chlef.


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