Le changement est
à la mode. Mais ses implications ne semblent pas assimilées par tous les
partenaires. En premier lieu, par ceux qui pensent que tout peut changer, sauf
eux.
Le train des
réformes avance. Inexorablement. Les consultations menées par M. Abdelkader Bensalah et le général Touati se
poursuivent à un rythme soutenu, et M. Boughazi, le
lecteur officiel des discours présidentiels, fait régulièrement le point pour
informer les Algériens de la progression du débat.
Des personnalités
éminentes ont participé à ces rencontres. De Ali Zeghdoud
à Ali Boukhezna, en passant par Chalabia
Mahdjoubi, le défilé a été remarquable. M. Bensalah a même eu à recevoir son chef au RND, Ahmed Ouyahia. Celui-ci a présenté les propositions de son parti,
qui a la particularité d'être né au pouvoir. Et M. Ouyahia,
qui refusé toutes les ouvertures en tant que chef du gouvernement, a proposé,
en tant que chef du RND, l'ouverture de l'audiovisuel au privé. Ce qui pose
deux grandes énigmes : on ne sait si M. Bensalah,
lui-même dirigeant du RND, est d'accord avec cette proposition ; et on ne sait
pas non plus si M. Ouyahia acceptera la même idée,
une fois qu'il aura remis le costume de Premier ministre.
Mais qu'importe.
Il s'agit là de détails qui seront vite balayés lorsqu'apparaitront
les résultats du grand chantier des réformes. Et ceux-ci seront décisifs pour
l'avenir du pays. Car en théorie, aucun pays ne peut résister au vent du
changement lorsqu'il décide, coup sur coup, d'adopter une nouvelle constitution
et de nouvelles lois régissant les partis, les élections, les associations et
l'information.
Avec ces nouveaux
textes, l'Algérie serat-elle pour autant un état de
droit, avec des pouvoirs distincts et des institutions pérennes ? Sera-t-il
possible au pays de se doter d'un seul exécutif, qui sera à la fois le pouvoir
apparent et le pouvoir réel ? L'Algérie sera-t-elle dotée d'un parlement qui
débat et fait les lois, et ne se contente pas du rôle de chambre
d'enregistrement de ce que lui impose le gouvernement ? Y aura-t-il des
élections plus équitables ? Mohamed Saïd pourra-t-il enfin créer son parti ? L'Algérie
pourra-t-elle disposer de chaines de télévision
libres ? La société civile sera-t-elle autre chose qu'un appendice de
l'administration ?
Pour l'heure, et
selon la formule consacrée, il est encore trop tôt pour se prononcer. Tout ce
que M. Boughazi peut certifier, c'est que les
changements seront adoptés de manière solennelle. Même si les consultations en
cours ne déboucheront pas forcément sur une conférence nationale, comme cela
s'était passé en 1993, un grand cérémonial sera mis en place pour annoncer
solennellement l'entrée de l'Algérie dans la nouvelle ère. Ce sera un
référendum, pas moins. La nouvelle constitution sera adoptée par le recours au
peuple, dont on découvre le pouvoir, et dont on fait l'éloge dans de très beaux
discours.
Peut-être qu'à ce
moment-là, l'Algérie se rendra compte qu'une constitution ne suffit pas pour
faire un état de droit. Et qu'en trois mandats, le président Abdelaziz Bouteflika aura déjà amendé la constitution à trois
reprises, sans que le fonctionnement des institutions n'en soit améliorée. Bien au contraire, plus le temps passait, plus le
parlement paraissait ridicule, plus le conseil des ministres s'effaçait, plus
la loi cédait du terrain face à l'ordonnance. Et le pouvoir informel a fini
prendre le pas sur le reste.
A ce stade, se
pose une question centrale : ceux qui ont dirigé le pays pendant que
s'installait cette dérive peuvent-ils apporter la solution ? Le président, le
premier ministre, les partis de l'alliance présidentielle, qui sont là depuis
l'évènement de M Bouteflika, peuvent-il apporter la
solution, après avoir participé à installer la dérive ? Quel crédit leur
accorder quand ils demandent, aujourd'hui, une limitation des mandats
présidentiels, eux qui s'activaient avec zèle il y a trois ans pour permettre à
M. Abdelaziz Bouteflika de briguer un troisième
mandat ?
Le changement,
que M. Bouteflika luimême
appelle de ses vÅ“ux, impose un minimum de règles et de cohérence. Ceux qui
symbolisent le problème ne peuvent apporter la solution. Leur départ est même
devenu une condition nécessaire, mais non suffisante, pour aller vers de vraies
solutions. Une fois ce nÅ“ud débloqué, la réforme devient possible. M. Bouteflika, préoccupé par l'organisation de son départ,
semble l'avoir admis. Ce n'est pas encore le cas de ses innombrables et
encombrants alliés.
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Posté Le : 09/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com