Commentant la mort de celui dont le nom est lié avec la torture durant la
guerre d'Algérie, Louisette Ighil Ahriz dira à l'AFP «il aurait pu libérer sa
conscience» en présentant «ses excuses aux Algériens». Le général Marcel
Bigeard, qui est mort hier à l'âge de 94 ans, illustre bien la France qui
refuse toujours la repentance sur ses crimes commis avant, durant et après la
guerre d'Algérie. Contrairement à Aussaresses qui a reconnu ses crimes dans un
livre, Bigeard a toujours justifié les agissements de la tristement célèbre
10ème division parachutiste chargée de «pacifier» la zone autonome d'Alger, en
1957, durant la guerre de libération nationale. Parce qu'il avait entamé une
carrière politique après la guerre d'Algérie, Bigeard s'est toujours imposé le
silence à propos des exactions commises durant cette guerre. Acculé par la
presse de se prononcer sur le sujet, notamment suite à sa remise sur le tapis
suite au procès intenté par Louisette Ighil Ahriz contre ses tortionnaires, il
a à chaque fois justifié l'entreprise peu reluisante de ses «paras». Plus grave
encore, à un journal helvétique, il dira «non je ne regrette rien, nous avons
fait face à une situation impossible». Lors du même entretien accordé au
journal suisse «Liberté» en octobre 2007, il remettra presque en question la
version officielle de l'armée française sur le prétendu suicide du martyr Larbi
Ben M'hidi. Dans ce sens, il reconnaîtra «mes prisonniers étaient vivants quand
ils quittaient le quartier général. Et j'ai toujours trouvé dégueulasse de les
tuer». Toujours concernant le héros de la guerre de libération nationale, il
ajoutera «on lui a présenté les armes quand il a quitté mon poste de
commandement». Dans le même entretien, ses propos ont été clairs, «le
gouvernement (français) a ordonné la disparition de Larbi Ben M'hidi».
Evidemment, Bigeard avait poussé l'insolence jusqu'à déclarer s'être lié
d'amitié avec celui qu'il a livré à ses barbouzes pour le pendre. Celui que
l'actuel Premier ministre français traite de «héros» lors des conflits
d'Indochine et d'Algérie, restera synonyme aux yeux des combattants et
militants algériens de tortionnaire notoire. «Chez nous, le nom de Marcel
Bigeard est synonyme de mort et de torture», dira madame Louisette Ighil Ahriz,
une des victimes de ses hommes, auteure du livre «Algérienne» paru en 2001.
En France, la mort du général le
plus décoré de toute l'armée française a donné lieu à des hommages émanant des
milieux qui ne se sont pas encore départis de l'idée de «l'Algérie française».
Ainsi, l'UMP, le parti de Nicolas Sarkozy, a, dans un communiqué, salué «l'homme
engagé et de grande conviction» en le qualifiant de «figure emblématique de
notre pays». Soulignons qu'en juin 2008, Bigeard avait ouvertement pris
position en faveur de Sarkozy en déclarant «je souhaite qu'il réussisse, car
son combat c'est le mien, c'est celui de la France».
Après la guerre d'Algérie,
mettant fin aux guerres coloniales, Bigeard a occupé plusieurs responsabilités
au sein de l'armée française. Jusqu'en 1975 où il sera nommé à un poste
politique en tant que secrétaire d'Etat à la Défense. Parce que «parachuté», il
quittera ce poste au bout de dix-huit mois. Il tentera une carrière politique
en tant qu'élu. Il se distinguera par son aversion à l'endroit des socialistes.
Il s'est qualifié lui-même de «l'épine» de «la rose rose». Pour ne pas sombrer
dans l'oubli, le général Bigeard a écrit une dizaine d'ouvrages. Certains
titres de ses écrits retiennent l'attention: «Lettres d'Indochine», «France
réveille-toi», «Pour une parcelle de gloire». Mais probablement ce ne sont pas
ses écrits qui vont l'immortaliser mais bien au contraire ses méthodes musclées
d'arracher les aveux à ses adversaires qu'il avait essayées et perfectionnées
durant la guerre de libération nationale en Algérie. Autrement dit, la pratique
de la torture des prisonniers de guerre… au grand mépris des lois
internationales.
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Posté Le : 19/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com